Lorsque l’on voit le Soleil se lever ou se coucher, on a tendance à dire que le Soleil tourne autour de la Terre. Et en un sens, c’est vrai : vu depuis la Terre, dans le référentiel terrestre, le Soleil tourne autour de la Terre. Si maintenant on se place dans le référentiel solaire, c’est la Terre qui lui gravite autour.
Alors quelle est la situation qui représente le mieux la réalité ?
Quand on a 5 ans, ou bien si l’on vit durant l’antiquité, alors on n’a pas encore la science ou les instruments adéquats pour répondre à sur cette question de façon juste. Il n’est donc pas absurde de croire ce que l’on voit, c’est à dire que le Soleil tourne autour de la Terre.
Mais ceci a changé lorsque Galilée inventa le télescope, et qu’il eut l’idée de pointer son instrument vers le ciel nocturne. C’est alors qu’il vit — entre autres choses — les lunes de Jupiter tourner autour de lui en décrivant des cercles.
Galilée comprit alors sur la Terre, comme toutes les planètes doivent décrire des cercles autour du Soleil : en effet, il n’y a que dans cette configuration que les astres ont des orbites circules (depuis la Terre, la trajectoire des planètes Mars, Mercure du Vénus sont étranges : elles avancent, reculent, ralentissent, bref font n’importe quoi).
Du coup… Si le Soleil ne tourne pas autour de la Terre (mais l’inverse), comment expliquer sa trajectoire apparente dans le ciel ? C’est un autre phénomène qui en est la cause : la rotation de la Terre sur elle-même. Mais comment le prouver ?
Comment prouver que la Terre tourne sur elle-même ?
De la déviation des pendules
Proposer une preuve pour la rotation de la planète n’est pas simple quand on est coincé sur ladite Terre et qu’on tourne avec elle : en effet, on ne la sent pas tourner. Pour nous, elle semble donc immobile.
Il existe pourtant une méthode, et elle est apparue en 1851, grâce à Léon Foucault.
Léon Foucault remarqua qu’un pendule oscillant assez longtemps voyait son axe dévier au fil des heures. Cette observation datait de 1660, mais l’origine en demeurait jusqu’alors toujours inconnue :
Foucault y voyait là la conséquence de la rotation de la Terre, et il entendait bien le prouver !
L’effet de Coriolis
Imaginez-vous être sur un manège en rotation lente. De votre point de vue, le manège est immobile et le reste du monde tourne.
Maintenant, vous sortez de votre poche une balle et vous l’envoyez devant vous sur le manège : la balle est déviée ! Comment expliquer ça ?
En fait, la balle réagit principalement à son inertie (l’impulsion de départ que vous lui donnez). Comme elle est ronde, elle peut rouler où elle veut et le manège n’a que peu d’effet sur elle. Le principe d’inertie dit qu’un objet qui se déplace va toujours en ligne droite tant qu’il ne rencontre pas de force opposé. Et c’est ce que la balle fait : elle va aller en ligne droite.
Or, elle se déplace en ligne droite indépendamment du manège : vu du manège en rotation, la balle — tout comme le décor — effectue une rotation :
Cette effet est appelé « effet de Coriolis ». Elle apparaît quand on se trouve dans un référentiel lui-même en rotation.
La balle se déplace bien en ligne droite (on ignore les frottements) : les personnes qui ne sont pas sur le manège voient la balle aller en ligne droite ; mais sur le manège en rotation, on voit la balle faire un cercle.
Ce qu’il faut bien voir ici, c’est qu’aucune force n’agit sur la balle : il n’y a pas de ficelle ni de pente qui la pousserait à faire une trajectoire circulaire. L’effet de cercle est uniquement dû au fait que le manège et ses observateurs (la caméra qui filme) sont en rotation.
L’absence de force réelle me pousse d’ailleurs à employer le terme de « effet de Coriolis » comme en anglais, plutôt que « force de Coriolis ».
Prouver que la Terre tourne
Avec la manège ci-dessus, on a montré qu’un référentiel en rotation semble dévier les objets. Mais si l’on sait que c’est le manège qui tourne, on comprend que l’objet n’est pas dévié en réalité : il semble seulement faire ça.
L’idée de Léon Foucault est alors de faire l’inverse. Il voit que les pendule sont déviés sans qu’on n’y applique une quelconque force. Il en déduit donc que c’est le référentiel considéré qui est en rotation. Et le référentiel considéré ici est celui de la Terre !
Le pendule oscille donc normalement et c’est le référentiel terrestre qui tourne :
Bien-sûr, il est déjà montré que la Terre est ronde (la circonférence de la Terre est connue depuis plus de 2 200 ans). Aussi, si le manège est plat et que la position de l’observateur n’importe pas, quand on parle de la Terre, la position de l’observateur est importante.
Ainsi, l’effet de Coriolis n’est pas la même si on est sur le pôle avec la surface perpendiculaire à l’axe de rotation, ou à l’équateur avec la surface parallèle à l’axe de rotation. L’effet de Coriolis est plus prononcé aux pôles et absent à l’équateur.
Au Panthéon à Paris, de latitude 48°52', le pendule est constamment dévié vers l’est, et cette déviation effectue un tour complet en environ 31 heures et 47 minutes (11°47' par heure). On appelle ça la durée du jour pendulaire.
Au pôles, le jour pendulaire est minimal (sa rotation est maximale) et est égal au jour sidéral. À l’équateur, le jour pendulaire est maximal et infini (sa rotation est nulle).
Entre les deux, on observe un effet intermédiaire : le jour pendulaire $J_p$ dépend de la latitude selon la relation :
$$J_p = \frac{J_s}{\sin(\theta)}$$
Où :
- $J_p$ est le jour pendulaire, donc la période de rotation de l’axe du pendule ;
- $J_s$ la durée d’un jour sidéral (la durée d’une rotation de la Terre) : 23 h 56 min pour la Terre (soit 84 164 secondes) ;
- $\theta$ (théta) est la latitude, un angle : variant de 0° à l’équateur à 90° au pôle Nord.
On retrouve ces résultats avec la démonstration mathématique, et il a donc été montré l’origine de la déviation des pendules comme étant la rotation de la Terre. Ceci constitue donc une preuve directe de la rotation de la Terre sur elle-même (et aussi, indirectement, qu’elle est ronde).
L’explication de Foucault permet d’expliquer précisément la déviation des pendules, observée depuis des siècles. Cette explication part de l’hypothèse que la Terre tourne et elle tient parfaitement la route : où que l’on se trouve sur Terre, la théorie de Léon Foucault fonctionne.
Ceci est suffisant pour valider son hypothèse de la rotation de la Terre.
Depuis, on peut venir « voir la Terre tourner » un peu partout dans le monde : des pendules de Foucault sont installés dans tous les grands musées. Le pendule original que Foucault utilisa était une boule de laiton de 28 kg suspendue à un câble de 67 mètres, au toit du Panthéon, à Paris.
De telles dimensions sont en effet nécessaires pour faire en sorte que le pendule oscille durant plusieurs heures, le temps nécessaire pour que la déviation soit perceptible.