C’est une question classique, que je n’avais pas encore traitée ici. C’est en faisant un autre article sur un autre sujet que je m’en suis rendu compte, et c’est donc l’occasion de l’écrire.
Le bleu n’est pas la couleur de l’air
Déjà, le ciel n’est pas bleu à cause d’un pigment. L’univers et le ciel nocturne, sont essentiellement noirs à cause de l’absence de lumière. Là où il n’y a pas d’étoiles pour émettre de la lumière, il n’y a pas de lumière visible et c’est donc noir.
Le bleu n’est pas non plus la couleur naturelle de l’air : l’air, et le dioxygène gazeux, sont transparents : ils laissent passer la lumière visible.
Le dioxygène liquide est en revanche légèrement bleuté, et l’ozone — ou trioxygène — liquide est lui d’un bleu foncé intense, mais leurs versions gazeuses ne sont pas colorées.
L’origine de la couleur bleue du ciel n’est donc pas pigmentaire, mais structurelle : le processus qui le crée est physique. Il s’agit d’une action de la matière sur la lumière, et c’est ceci qui permet d’agir sur des couleurs précises même sans qu’il n’y ait des pigments en jeu.
Une couleur d’origine physique
À l’instar des plumes de paon, des bijoux à cristaux liquides, ou encore la couleur de l’or, la couleur bleutée du ciel est d’origine physique.
Dans les exemples cités, les différentes longueurs d’ondes que l’on voit — les couleurs — de la lumière du soleil ne sont pas absorbées et filtrées comme c’est le cas avec un pigment coloré. Ici, divers mécanismes totalement différents font que certaines couleurs sont annulées et d’autres amplifiées : phénomène d’interférence, déviations, réflexions sélectives…
Dans le cas du ciel, les couleurs formant la lumière blanche sont déviées. On dit aussi diffusées. En l’occurrence, il s’agit de la diffusion de Rayleigh.
Cette diffusion se fait quand l’atome se trouve sur la trajectoire d’un rayon lumineux. L’onde, qui n’est autre qu’une oscillation périodique du champ électrique et magnétique local, provoque une oscillation des nuages d’électrons des atomes qu’elle rencontre.
Les atomes sur la trajectoire de l’onde sont mis en vibration. Les atomes, pour se désexciter, vont rayonner une onde dans toutes les directions :
La diffusion de Rayleigh est dite élastique : l’onde émise a la même longueur d’onde que l’onde incidente. Il n’y a pas de pertes d’énergie et la couleur ne change pas. La seule chose qui peut changer, c’est la direction de l’onde. Ici, comme elle va d’une seule direction à plusieurs, on dit qu’elle est diffusée.
Toutes les longueurs d’onde sont diffusées, mais pour la diffusion de Rayleigh, l’effet est d’autant plus prononcé que la longueur d’onde est courte.
La diffusion de Rayleigh
La diffusion de Rayleigh a lieu dans le ciel et ce phénomène dépend de la longueur d’onde. Si la lumière incidente est blanche, et donc composée de toutes les longueurs d’onde, les courtes longueurs d’onde (violet, bleu…) vont être nettement plus diffusées que les grandes longueurs d’onde (rouge, jaune…).
Depuis le sol, ce qu’on observe est donc :
- de la lumière rouge, jaune, orange qui provient directement de la source lumineuse (le soleil)
- de la lumière bleue, violette, qui provient de partout, vu que l’atmosphère la diffuse partout.
Si vous voulez une petite analogie, considérez une forêt avec des arbres, des arbustes et des brindilles. Ce sont les atomes. Considérez également des boulets de canon, des ballons de football et des balles de ping-pong.
Si vous envoyez un boulet de canon dans la forêt, ce dernier ira essentiellement tout droit : traversant les brindilles, les arbustes et même les arbres. Ils ne sont pas déviés, pas diffusés.
Les ballons de football, quant à eux, sont déviés par les arbres mais arrivent à repousser les petits arbustes et les brindilles sans changer de direction. Ils sont un peu déviés.
Les balles de ping-pong, en revanche, sont tellement légères qu’elles sont déviées par les moindres brindilles et rebondissent dessus et finissent envoyées partout en rebondissant dans toutes les directions.
En supposant que la forêt soit en pente, quelqu’un situé en bas pourra voir précisément d’où viennent les boulets de canon en regardant leur trajectoire. Les boulets n’étant pas déviés, leur trajectoire rectiligne prend obligatoirement naissance à leur source, le canon.
Les balles de ping-pong proviennent, vues d’en bas, de tous les côtés. Il sera très difficile de remonter à leur source simplement en regardant où elles tombent !
Dans le cas du ciel, c’est un peu pareil : le bleu est diffusé partout dans le ciel et chaque molécule de l’air nous en envoie un peu : le ciel nous apparaît bleu.
Les couleurs de longueur d’onde plus grandes, moins déviées, ne proviennent-elles que de la source : c’est pour ça que le soleil nous apparaît jaune orangé.
Quelques questions que cela soulève
De ce qui précède, quelques questions peuvent être posées.
Pourquoi le ciel n’est pas violet ?
Si la diffusion de Rayleigh diffuse d’autant plus que les longueurs d’onde sont petites, le violet devrait être encore plus diffusé que le bleu. Pourquoi le ciel n’est donc pas violet ?
Dans les faits, le violet est dévié, et bien plus encore que le bleu. L’astuce ici c’est que, bien que le violet fasse effectivement partie du spectre solaire, notre étoile émet nettement moins de violet que de bleu.
Ces très courtes longueurs d’onde ne sont pas très présentes dans la lumière Soleil. D’ailleurs, le pic dans le spectre, c’est-à-dire la longueur d’onde la plus émise dans le spectre solaire, est le vert. Il y a donc plus de vert que de bleu, que de violet, et même de rouge ou d’orange. On ne le voit cependant pas, car le mélange que l’on perçoit est globalement blanc, ou jaune, au niveau du sol.
Si le soleil était beaucoup plus chaud au point d’émettre davantage de violet que de bleu, le ciel serait bleu violacé.
D’ailleurs, les ultraviolets, dont la longueur d’onde est encore plus courte, sont tellement diffusés que les images des caméras UV sont naturellement floues à cause de ça, même pour un paysage pas trop éloigné.
Le soleil est-il jaune ou blanc ?
La lumière que le Soleil émet est blanche. On le voit très bien sur les photos prises depuis l’espace, sans les effets filtrants de l’atmosphère.
Vu du sol, le bleu est diffusé et ce qui nous provient directement du Soleil est donc du blanc, moins le bleu : donc du rouge, du jaune, et du vert, ce qui fait globalement du jaune.
Quid du coucher du Soleil ?
Quand le Soleil est couchant (ou levant), il se situe proche de l’horizon. La couche d’air que la lumière traverse est alors bien plus épaisse que si le soleil est à son point de culmination dans le ciel.
Dans ces conditions, même la faible déviation des longueurs d’onde que sont le vert, le jaune, le rouge finit par se voir. Le vert et le jaune sont également diffusés partout (le ciel semble plus turquoise) et seul le rouge et l’orange proviennent encore directement du Soleil dans le ciel : le Soleil couchant est alors rouge.
Sous certaines conditions, quand le ciel est particulièrement pollué (pollen, poussière, pollution, humidité…), ou si l’horizon est très dégagé et loin, le rouge commence également à être diffusé de façon notable. Le ciel est dès lors entièrement rougeoyant. C’est typiquement le cas après une grosse éruption volcanique. D’ailleurs, en analysant les tableaux de peintres anciens, on constates que divers peintres ont parfois au même moment produit des tableaux de superbes couchers de Soleil : ces tableaux coïncident généralement avec des éruptions volcaniques historiques !
Le coucher du Soleil peut par ailleurs être sujet au phénomène du rayon vert, lié à la diffusion de Rayleigh et à la diffraction, voyez mon article dédié.
Conclusion
Pour conclure, le ciel est bleu, car l’atmosphère diffuse le bleu de la lumière solaire nettement plus que les autres couleurs. Le bleu est donc comme étalé dans tout le ciel, alors que le vert, le jaune ou le rouge ne le sont pas ou de façon imperceptible devant le bleu.
Vu du sol, la lumière bleue nous arrive de partout, de tout le ciel, et le jaune/rouge nous provient seulement de l’endroit où apparaît le Soleil. Le ciel nous apparaît donc bleu et le Soleil davantage jaune que blanc.
Cette forme de diffusion, appelée diffusée de Rayleigh provient de l’interaction des rayons lumineux avec les molécules de l’air, qui absorbent la lumière, vibrent, puis la renvoient dans tous les sens.
Le ciel n’est pas le seul endroit où l’on rencontre cette forme de diffusion. L’aérogel, une mousse solide très légère, ou certaines pierres fines comme les opales présentent également une couleur bleutée caractéristique à cause de cela.