feux de voitures
Toutes les voitures ont un système de clignotants pour annoncer aux autres usagers un changement de direction (si si, cette option est là pour ça !). Dans l’habitacle, le clignotant fait toujours ce petit bruit « tic tac » caractéristique bien connu.

Ce que l’on sait moins, c’est l’origine du bruit. Dans les voitures modernes, il provient d’un haut parleur. Mais ce dernier a été placé là pour l’unique raison de restituer le bruit qu’avaient les clignotants dans les voitures plus anciennes, et on pourrait techniquement s’en passer. Mais à l’époque des vieilles voitures, comme la Citroën 2CV ou la Renault 4, ce bruit était dû au fonctionnement du clignotant.

Une lampe qui éclaire de façon continue est simple à obtenir : il suffit de la brancher.
Mais obtenir un effet de clignotement régulier est bien plus complexe qu’il n’y paraît : il est impensable de demander au conducteur d’une voiture de produire manuellement le clignotement en jouant avec l’interrupteur. Il fallait donc trouver un moyen simple et relativement bon marché pour pour pouvoir être utilisé dans toutes les voitures, y compris à une époque où toute l’électronique actuelle n’existait pas encore…

La solution, très ingénieuse, se trouve dans un composant électrique bien précis : le bilame.

Le bilame utilise la dilatation des métaux sous l’effet de la chaleur pour alternativement fermer et ouvrir le circuit des lampes de la voiture.

Le principe est simple : quand on chauffe un métal, il se dilate. Quand on le refroidit, il se contracte. On peut chauffer le métal sans aucune difficulté à l’aide d’un courant électrique (dans le clignotant, c’est directement le courant passant dans la lampe qui fait ça).

Le bilame, comme son nom l’indique, est composé de deux lamelles métalliques maintenues ensembles (par vissage, ou même soudage). La particularité est que chaque lame est d’un matériau différent.
Chaque matériau ayant un coefficient de dilatation thermique bien spécifique, sous l’effet de la chaleur, le bilame se courbe :

schéma d’un bilame
Ceci n’est pas anodin du tout : on a maintenant un composant dont la forme change quand on le chauffe et qui reprend sa forme quand on arrête de le chauffer. Si l’échauffement se fait par le passage d’un courant avec l’effet joule, on peut l’utiliser dans un circuit électrique :

schéma d’un bilame
Avec ce montage, quand le conducteur actionne le clignotant, le courant passe dans le circuit et le clignotant brille. Durant cet instant, le bilame s’échauffe et se courbe. Ceci a pour effet d’ouvrir le circuit et de couper le courant. La lampe s’éteint alors puis le bilame refroidit. Ce dernier reprend sa forme initiale et le circuit est refermé, ce qui rallume la lampe.

L’échauffement et le refroidissement du bilame ouvre et referme alternativement le circuit : on a notre système de clignotant !

Souvent, on trouve des bilames utilisant une pastille convexe qui devient concave quand elle chauffe. Leur principe de fonctionnement est identique : c’est la température qui provoque leur changement de concavité à cause d’une constitution faite de deux métaux. Le changement de concavité, en plus d’ouvrir ou fermer le circuit produit alors un petit « clic » très caractéristique, et c’est celui-là que l’on entend dans les voitures :

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Photo d’un bilame à pastille à changement de concavité (source)

On peut ajouter que le niveau d’usure, la géométrie, l’intensité du courant (lié à la charge de la batterie) feront varier le rythme du clignotement. C’est pour cela que ces vieilles voitures ont tantôt des clignotants très rapides et d’autres plutôt lentes.

Le système du bilame est très ingénieux, et il permet d’obtenir des effets rythmique sur une lampe électrique sans l’usage de l’électronique, inexistante à l’époque de la 2 CV et qui remplace aujourd’hui absolument tous les effets autrefois obtenus de façon mécanique ou thermique.

Le bilame est utilisé dans bien d’autres systèmes de la même époque, et même des plus récents.
Ainsi, quand on entend un « clic » lorsqu’un radiateur électrique se met en marche ou s’arrête, c’est un bilame. C’est particulièrement audible, et même visible, par l’étincelle, sur les radiateurs de type « grille pain ».
De même, on en trouve dans les vieux chauffe eau au gaz : si la flamme s’éteint, l’apport de gaz doit être coupé. Le bilame ferme le circuit de contrôle de l’arrivée du gaz quand une flamme le réchauffe. L’absence de flamme refroidit le bilame, le contact se rompt et déclenche la coupure de l’arrivée du gaz.

Certains disjoncteurs électriques comportent des bilames en guise de fusible : si la charge sur le circuit est trop forte, le bilame surchauffe et le circuit s’ouvre. Par rapport à un fusible, ceci a l’avantage de ne pas détruire un composant (le fusible — qui constitue lui-même d’ailleurs un autre très ingénieux système thermoécletrochimique dont j’avais déjà parlé !, de même que le disjoncteur différentiel, qui est un dispositif magnétoélectromécanique).

image d’en-tête de A. Bailey

20 commentaires

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blux écrit :

Et c'est pour ça aussi qu'une ampoule grillée fait clignoter beaucoup plus rapidement les autres. Elle ne consomme plus de courant donc le bilame chauffe plus vite et ouvre le circuit plus vite...

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Le Hollandais Volant écrit :

@blux : Ouais : les deux lampes sont en parallèle (une qui grille n’empêche pas l’autre de marcher). Si l’une grille, la résistance totale du circuit (composé en bonne partie de la résistance interne des lampes) est moindre (car y a une lampe en moins), donc l’intensité est plus grande et la lame chauffe plus vite.

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andyr écrit :

est ce que les ampoule peuve exploser

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Le Hollandais Volant écrit :

@andyr : Ceux des clignotants sont de petites ampoules. Elles peuvent griller (le filament fond) mais pas exploser. Les feux dans les phares sont eux beaucoup plus puissants et les plus récents sont pressurisés au xénon.

D’autres lampes, comme ceux utilisés au cinéma sont tellement puissantes que les manipuler doit se faire avec un gilet pare-balle : leur pression est telle qu’une écharde peut s’avérer fatale : http://secouchermoinsbete.fr/28512-projectionniste-est-un-metier-potentiellement-mortel . En fin de vie, ces lampes sont brisées avec un marteau, tout en étant protégé, pour ne pas qu’elles se brisent de façon aléatoire durant leur transport.

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Morschlieb écrit :

S'il est précisé que cet ingénieux système date d'une autre période, je peux supposer que l'électronique à aujourd'hui remplacé les bilames. La question qui me vient alors est : pourquoi a-t-on gardé le son si caractéristique ? Était-ce un besoins de l'automobiliste de retrouver toutes ces habitudes ?

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Le Hollandais Volant écrit :

@Morschlieb : Oui, le son est généralement ajouté simplement parce que les gens ont l’habitude que le clignotant fasse du bruit.

Il en va de même pour les voitures électriques : elles sont tellement silencieuses, que les piétons ne font plus attention (ils traversent la rue « à l’oreille »). Un autre exemple, en voiture, sont les voitures de sport : certains ajoutent un bruit plus mécanique pour satisfaire l’oreille des "hommes".

Dans un autre domaine : le son des touches du téléphone. Chaque touche a un son bien précis, composé d’une combinaison de deux fréquences superposées. Avec seulement 8 fréquences, on peut ainsi constituer 16 sons, correspondant aux 16 touches d’un clavier téléphonique (les 10 chiffres, dièse, étoile et quatre touches de fonction, dont "bis").
Sur les vieux téléphones, ce son parcourait la ligne téléphonique et le central téléphonique détectait les numéros en analysant les fréquences. Idem, le son caractéristique du vieux MoDem qui se connecte, n’était pas anodin non plus. Il transportait un signal réel.
D’ailleurs, si on enregistrait le son des touches, puis qu’on les envoyait dans le combiné, on pouvait composer un numéro juste avec le bruit, sans même taper le numéro. Ce système, avec de multiples fréquences composés de deux tonalités se nomme le DTMF (dual-tone-multi-frequence). Aujourd‘hui, sur le réseau téléphonique moderne et les smartphone, ça n’est plus utilisé, mais le son est toujours là.

Il y a plein de choses comme ça qui restent longtemps après, alors qu’on pourrait s’en passer. Dans le domaine de la technologie, c’est très vrai pour les icônes sur les ordis et les téléphones : l’icône pour « enregistrer » est une disquette, non ? Qui utilise encore les disquettes ? :)

Même chose pour l’icône d’un combiné téléphonique : les plus jeunes n’ont jamais utilisé un combiné téléphonique ! Ils reconnaissaient cependant très bien l’icône. J’en parle de façon plus longue ici : https://lehollandaisvolant.net/?d=2016/05/19/22/04/29-ces-icones-qui-vieillissent

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Lokoyote écrit :

Je pense que c'est pour éviter de perdre les repères au sein de la même génération, avec les personnes ayant toujours eu l'habitude.
Plus clairement, les premières voitures sont sorties, les gens avaient l'habitude d'entendre un certain bruit pour le clignotant. Les voitures ont évoluées mais on ne change pas de voiture à chaque nouveau modèle, du coup il y a un certain décalage où 2 modèles différents cohabitent et il faut garder l'habitude pour ne pas que les personnes qui changeront leur vieux modèle soit perturbé. Et avec la multiplication des modèles et des marques il faut tout de même garder une certaine cohérence, des repères ; c'est comme si d'une Peugeot à une Audi il fallait tout réapprendre.

Et il y a aussi un côté pratique ! On sait quand ils sont activés et le bruit est relativement discret. Personnellement, je ne vois pas quel autre bruit on pourrait mettre à la place pour signaler leur fonctionnement.

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Jerry Wham écrit :

Pour le bruit du clignotant, cela permet aussi à l'automobiliste de ne pas l'oublier et donc de l'enlever quand il n'en a plus l'utilité (exemple : après un long dépassement sur l'autoroute, la voiture se remet sur sa file mais, la courbure de la route n'étant pas suffisamment importante pour arrêter automatiquement le clignotant, celui-ci reste enclenché. Sans le bruit caractéristique, le conducteur peut avoir tendance à vite l'oublier.).

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Le Hollandais Volant écrit :

@Lokoyote :
@Jerry Wham : pour le bruit, le témoin lumineux sur le tableau de bord pourrait suffire. Y'a pas de bruit pour les autres feux

Pour le réapprentissage, certains se font avoir : la clé sur une Porsche par exemple, elle est à gauche.

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Morschlieb écrit :

@Le Hollandais Volant :

@Lokoyote :

@Jerry Wham :

Merci pour vos réponses.
Je pense que l'idée selon laquelle le bruit rappelle au conducteur de retirer son clignotant n'est pas si absurde puisqu'il en va des indications aux autres conducteurs. Et bien-sûr, les habitudes des usagers semblent aussi jouer un rôle dans ne maintient du son.

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Le Hollandais Volant écrit :

@Morschlieb : il n'est pas absurde, mais aurions nous cette tendance à se fier à notre ouïe si les premières voitures avaient utilisé un système silencieux au lieu d'un bilame qui fait du bruit ?

Si le bruit avait été indispensable, on l'aurait ajouté après (jugeant qu'un sens supplémentaire — l'ouïe donc — pouvait aider à la conduite). Autrement, il ne serait même jamais apparu et il n'en aurait même jamais été question.

On ne le saura jamais.

Du coup je me demande si l'ajout de ce son sur les véhicules moderne est une obligation (normative, par exemple) ou que les constructeurs l'ajoutent « parce que c'est comme ça ».

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Lokoyote écrit :

@Le Hollandais Volant :
Je plussoie, j'ai récemment eu l'occasion de conduire des voitures haut-de-gamme, c'est tout électronique donc faut tout réapprendre.
Quant au bruit, sur beaucoup de véhicules il est possible de modifier le son du clignotant et donc de l'enlever si besoin. Ça doit simplement être un artefact ancien comme tu l'expliquais avec les icônes par exemple. Et en effet, pourquoi seulement les clignotants et les warnings ? Alors que maintenant les clignotants s'enlèvent quasiment tous seuls avec un coup de volant ?

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thekinrar écrit :

@Lokoyote : Je suis curieux, quelles sont toutes ces choses qu'il faut réapprendre sur des voitures haut-de-gamme, et qu'entends-tu par "haut-de-gamme" ?

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Lord écrit :

@Le Hollandais Volant : Concernant le DTMF c'est encore utilisé par tous les téléphones analogiques.
C'est également utilisé par les téléphones numériques ainsi que les portables et aussi très souvent les postes IP pour ce qui est des serveurs interactifs ("tapez 1, tapez 2…"), c'est d'ailleurs pour cela que des fois ça déconne un peu et que ce n'est pas reconnu ou un peu de traviolle (parceque certains codecs sont un peu agressifs dans la compression audio et le signal restitué ne correspond pas à une vraie DTMF.

Et sinon concernant les bilames c'est utilisé encore aujourd'hui dans les disjoncteurs pour permettre de protéger des surintensité tout en permettant un dépassement temporaire (ça chauffe suffisamment lentement pour permettre une surcharge passagère sans déclencher). Mais dans ce cas c'est toujours couplé à d'autres dispositifs de protection plus rapides.

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Nico écrit :

@Le Hollandais Volant : Concernant la technologie bilame, je voulais savoir pourquoi ce système a t'il été abandonné (au niveau des clignotants)? Quels ont été les inconvénients de celui-ci?
ce serait pour un sujet de TIPE.

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Le Hollandais Volant écrit :

@Nico :
Beaucoup de choses ont été remplacés par l’électronique : les bilames, comme ici, ou les sonnettes au mercure ou les gyroscopes (accéléromètres) dans les appareils.

De façon général, on remplace un système par un autre quand le nouveau systèmes est mieux que le précédent.

Pour le bilame, je n’ai pas la certitude, mais en général moins il y a de pièces mobiles, mieux c’est : tout ce qui bouge s’use.
Le bilame chauffe et se déforme : les métaux ne sont pas éternels, et quand ils sont soumis à des contraintes de température ou des efforts mécaniques, ils s’usent.

Par rapport à une puce électrique, le bilame :
– est encombrant
– gourmand en énergie (il faut faire passer un courant important pour chauffer un métal au point de le déformer)
– s’use (les déformations successives peuvent finir par détruire le composant, un peu comme un trombone à papier : quand on le déroule, on peut le casser si on le tortille dans tous les sens)
– chauffe : il a besoin de chauffer pour fonctionner, mais avec l’usure, l’échauffement pourrait être responsable d’un incendie.

Aussi, le bilame alterne en fonction du courant qui le traverse. Je ne sais pas si tu as déjà vu, mais parfois les vieilles voitures (comme les 2CV) ont des clignotants très rapides. Ceci provient d’une des ampoules qui a grillé : la résistance étant moindre, le bilame clignote plus rapidement. On n’a pas ce défaut avec l’électronique.

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Y.F. écrit :

@Le Hollandais Volant :
Coucou. Y a un souci avec cette explication, qui disons, retient pas la route :
Dans un circuit parallèle, si une lampe grille, alors la résistance globale augmente !

Si on essaye de se représenter le truc, le courant a moins de "chemins possible", doit se restreindre à passer par trois ampoule là oui il pouvait le faire par 4 ... En termes mathématiques, l'inverse de la résistance équivalente est la somme des inverses de résistances (1/R = 1/R1 + 1/R2 + ...) Trois ampoule donnent R = R/3 tandis que 4 ampoules identiques donnent alors R = R/4

Soit dit en passant, ceci étant dit, ça n'explique pas pour quoi le clignotant bascule plus vite quand une ampoule est grillée, au contraire. Je n'ai pas la réponse à ca.

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Le Hollandais Volant écrit :

@Y.F. : Mh… en effet, je viens de voir.

Le clignotement pourrait augmenter si il y a un bilame par dérivation : avec une lampe en moins, l’intensité par branche est plus grande et le bilame chauffe plus rapidement.

Mais du coup, les deux clignotants auraient des rythmes différents (les bilames ne sont jamais exactement identiques), ce qui n’est pas ce qu’on observe.

Je vais creuser le sujet.

ÉDIT :

Il semble que les circuits contiennent également un relais, qui dissocie le circuit de commande (la manette du clignotant) du circuit de puissance (celle qui alimente les lampes).
Si la résistance sur le circuit de puissance augmente, mais que la tension est identique (celle de la batterie), alors l’intensité baisse. Dans le cas d’un relais, une intensité plus basse en sortie est plus rapidement atteinte, ce qui va surcharger le bilame en amont et le forcer à s’échauffer.

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Breizh écrit :

On a toujours l’accélération du clignotement en cas d’ampoule grillée, notons. Même si c’est sûrement reproduit artificiellement désormais.


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