Comme tous les ans, une petite liste d’idées cadeaux d’objets scientifiques à offrir (ou s’offrir) pour Noël qui approche.
Cet article en présente une sélection avec des liens pour les trouver et les acheter. Je publie une telle liste chaque année depuis plusieurs années (voir en bas de cet article).
Bonne découverte !
Le double pendule
Les doubles pendules sont toujours fascinants, car ces systèmes sont chaotiques. Le phénomène mécanique derrière un double pendule est de la mécanique très basique et est parfaitement prévisible ; pourtant, il est impossible de prévoir les balancements d’un double pendule en conditions réelles !
Ce n’est pas un problème théorique, mais pratique : pour savoir où et comment va se balancer le bout du pendule, il faut connaître précisément sa position initiale, ainsi que les mouvements de l’air autour.
Très précisément, en fait. À tel point qu’un infime défaut de mesure suffit à fausser complètement la prédiction du pendule après seulement quelques oscillations. Et comme il est impossible de mesurer la position avec une précision infinie, il y a toujours une incertitude que le mouvement chaotique va amplifier plus ou moins rapidement.
En pratique, si on laisse se balancer deux doubles pendules identiques selon ce qu’on pense être la même inclinaison, ils finiront par avoir un mouvement totalement différent : un minuscule écart au départ finissant par être amplifié et par produire un écart conséquent à l’arrivée.
C’est cela un système chaotique : un système simple, parfaitement défini, mais extrêmement sensible aux conditions initiales. Si on laisse le système évoluer, l’écart entre les observations réelles et la théorie se creuse peu à peu jusqu’à ce qu’on ne puisse plus rien prédire du tout.
Par exemple, la météo est un système chaotique : s’il fait beau maintenant, il est fort probable qu’il fera beau dans une heure ou deux. Mais plus on pousse la prévision loin dans le futur, plus l’incertitude de ces prévisions augmente, et augmente vite. C’est pour cela que prévoir la météo est si difficile.
À l’inverse, on sait prévoir les phases de la Lune avec des siècles d’avance : ce système n’est pas chaotiques (en tout cas pas à des échelles de temps aussi courtes que la météo).
Revenons à notre pendule : ce dispositif-ci possède une petite coupelle remplie de sable fin dans laquelle la pointe du pendule vient laisser un sillon. L’idée étant que le balancier laisse dans le sable l’empreinte de son mouvement.
Les figures obtenues, plutôt hypnotiques, portent le nom de courbes de Lissajous, et traduisent un mouvement harmonique complexe, en l’occurrence d’un double pendule.
On peut le trouver facilement sur Amazon, ou bien s’en construire un soi-même, et utiliser du sable tamisé très fin. Évitez le sel, car il risque d’absorber l’humidité et de rouiller la coupelle ou votre pendule.
Le tube de Crookes
Pour celui-ci (image), il faut un minimum d’équipement : il faut un générateur de courant continu capable de délivrer environ 5 000 volts en continu. Mais si on sait où en trouver, ce n’est pas un souci.
Le tube de Crookes était le composant de base d’un téléviseur à écran cathodique. Le tube de Crookes est donc avant tout un tube cathodique, inventé et mis au point par Sir William Crookes, le même qui a mis au point le consternant radiomètre de Crookes.
Le tube cathodique est un tube rempli de vide. D’un côté, le tube possède une cathode : c’est par là que les électrons sont émis. De l’autre côté, généralement en bas, se trouve une anode qui va récupérer des électrons.
Quand on soumet ces deux bornes à une grande différence de potentiel, cela revient à pousser des électrons sur la cathode. La cathode est donc surchargée d’électrons. À cause de la répulsion électrique, des électrons vont être éjectés et vont traverser le tube à très haute vitesse.
Les électrons arrivant rapidement au bout du tube vont heurter le verre et en exciter les molécules, qui vont émettre un rayonnement en se désexcitant. Dans la plupart des tubes de Crookes de démonstration, la paroi intérieure du verre est recouverte d’un luminophore qui permet de mieux voir la lumière émise.
De plus, typiquement, on place une forme en aluminium, généralement une croix de Malte, de façon à créer une ombre sur le verre : le verre n’est alors lumineux que là où les électrons le heurtent, c’est-à-dire partout, sauf derrière la croix de Malte, mettant alors en évidence la trajectoire rectiligne des électrons dans le tube.
Au passage, le vide n’étant pas parfait, quelques molécules d’air finissent ionisées et les électrons, arrachés finissent par rejoindre l’anode, en bas.
Si l’on y observe de la lumière, elle est généralement bleutée à cause de l’oxygène et de l’azote ionisé à cet endroit.
Cet objet est assez spectaculaire à voir, mais il présente également quelques dangers. Les électrons heurtent le verre à très haute vitesse. Toute leur énergie cinétique est donc libérée dans le verre et cela passe en partie par une émission de rayons X au cours d’un processus appelé bremsstrahlung (« rayonnement de freinage ») : les électrons incidents ionisent les atomes qui à leur tour doivent se stabiliser en émettant un photon X.
Or, si cela peut être utile dans bon nombre de cas, les rayons X restent dangereux. Il faut donc mieux ne pas rester devant le tube de Crookes de façon prolongée, même si la quantité de rayons X est très faible.
Les filtres trichroïques
Le verre, comme tous les matériaux transparents, a un indice de réfraction qui lui est propre. Cet indice est lié à la vitesse à laquelle la lumière s’y propage. En particulier, c’est la composante électrique de l’onde électromagnétique qui est contractée par son passage dans le verre. Ceci provoque un changement de sens du faisceau et le rayon apparaît brisé. C’est le principe de base de la réfraction.
Qui plus est, si le milieu est dispersif, chaque fréquence lumineuse — chaque couleur — est réfractée différemment. Il en résulte qu’un faisceau blanc (mélange de plusieurs couleurs) se décompose en plusieurs faisceaux colorés ; chaque couleur étant déviée avec un angle différent. C’est le principe de la formation d’un arc-en-ciel, car l’eau, comme le verre d’un prisme, est dispersive.
Un filtre trichroïque (ou dichroïque) est un verre dont les phénomènes de réflexion, réfraction ou transmission dépendent fortement de la longueur d’onde.
Cela signifie par exemple qu’avec un même angle incident, un rayon rouge sera réfracté, le vert sera transmis (il traverse le verre normalement) et le bleu sera réfléchi.
En donnant au filtre trichroïque une géométrie particulière, on est capable de créer une pièce de verre où de la lumière blanche incidente sépare le rouge d’un côté, le vert en face et le bleu de l’autre côté.
Une application, pour le filtre dichroïque, sont les vitres anti-chaleur des gratte-ciel : un revêtement sur le verre va laisser passer la lumière visible (longueur d’ondes courtes) mais réfléchir et laisser dehors les rayons infrarouges (grandes longueurs d’onde) qui sont responsables de l’essentiel de la chaleur.
Un autre exemple d’usage, pour les filtres trichroïques maintenant, sont les vidéoprojecteurs. À l’intérieur, la lumière blanche de l’ampoule est séparée en faisceaux rouge, vert et bleu avant le traitement numérique, puis réassemblé pour la reconstitution de l’image globale (comme pour les sous-pixels d’un écran).
Les filtres trichroïques utilisés dans les vidéoprojecteurs sont des composants aux exigences de qualité très poussées. Il arrive que certaines pièces soient rebutées à cause d’un défaut qui le rend impropre à la commercialisation.
Certaines de ces pièces de rebut peuvent être récupérées pour 10-20 € sur internet (lien Amazon) en vue d’un usage éducatif.
À l’apparence très simple, ce cube forme de magnifiques images colorées et lumineuses quand on les place devant une vitre au soleil (voir l’image d’en-tête de cet article).
Rien que pour ça, je les ajoute ici.
De la « kryptonite »
Ce qui est appelé de la kryptonite (nom commercial sur la boutique où l’on en trouve), ce sont des petites pierres synthétiques phosphorescentes.
La plupart des objets phosphorescents que l’on peut trouver chez soi ou dans le commerce (porte-clés, feutres, montres…) utilisent une peinture à base de sulfure de zinc, bon marché. La phosphorescence de cette peinture suffit pour ses applications mais n’a rien d’exceptionnel.
Les pierres en kryptonite sont à base de terres rares avec des lanthanates d’europium et de dysprosium et d’aluminate de strontium et de magnésium. L’ensemble de ce composé est connu comme le plus puissant phosphorescent qui existe : il reste lumineux jusqu’à 12 heures après son exposition à la lumière.
Comme pour tous les composés phosphorescents, la lumière décroît exponentiellement avec le temps : très brillant au début, elles ne sont plus que visibles sans être éclairantes après cela, même si dans le cas de la kryptonite cela dure plusieurs heures.
Ce produit provient de Sci-toys, qui le vend en petites quantités. Les cristaux de la photo font 4~5 mm de large et la fiole environ 2 cm. C’est relativement petit.
N’oubliez pas d’utiliser un laser violet ou bleu pour « recharger » ces cristaux en lumière : on en trouve sur eBay. Constatez également qu’un laser rouge ou vert ne fonctionnera pas du tout : ces couleurs ne sont pas assez énergétiques !
L’Uplift 2.0
Uplift est un objet qui a été lancé sur Kickstarter et fait partie de mes préférés par son fonctionnement : il est autonome (pas besoin de pile ni de branchements), mobile (ça bouge !) et qui plus est joli.
Il se présente comme un dôme de verre sous lequel on trouve une hélice qui tourne autour de son axe. La rotation démarre quand on éclaire l’objet sur son tout petit panneau solaire. Le mouvement de l’hélice est lent, totalement silencieux et apaisant.
D’un point de vue électrique, rien de sorcier : c’est un moteur électrique. Le fait atypique ici est la disposition du rotor et du stator : le rotor est orienté verticalement, mais les aimants sont dans un plan horizontal. Le stator est lui parallèle au rotor et est constitué d’une bobine plate mais très dense en cuivre.
Il y a également un aimant en haut du dôme de verre, mais ce dernier ne sert qu’à tirer sur l’axe métallique de l’hélice dans le but de le maintenir debout et de contrer la force du poids pour réduire les frottements.
Un petit panneau solaire alimente la bobine. Étant donné que la double hélice peut tourner dans les deux sens selon l’impulsion qu’on lui donne, je pense qu’il y a un petit circuit électronique relié au panneau solaire et qui contient une sonde à effet Hall qui détecte la polarisation de l’aimant le plus proche sur le stator ; le but étant que la bobine développe un champ magnétique alternatif à la même vitesse que le rotor tourne. En soi il s’agit donc d’un moteur de type « brushless DC », c’est-à-dire un moteur à courant continu sans balai : l’inversion de la polarisation n’étant donc plus produite par le déplacement du balai sur un autre connecteur mais commandée par la sonde à effet Hall.
Dans un moteur brushless AC à aimants permanents (donc alternatif sans balai, utilisés dans la plupart des voitures électriques par exemple), l’inversion de polarisation du courant est fournie par le caractère alternatif du courant AC, dont on commande la fréquence par voie électronique.
Le handspinner au tungstène
Tout le monde connaît les handspinner, mais certains réussissent à sortir du lot. Ils sont un peu chers, mais sont vraiment surprenants.
L’un d’eux est celui de Gyroscope.com, auquel je conseille d’ajouter l’option des billes en tungstène.
Le truc du tungstène, comme j’en ai déjà parlé, c’est que c’est un métal terriblement dense : trois fois plus dense que la fonte, plus du double de celui du cuivre et environ 75 % plus dense que le plomb.
Il en résulte que le handspinner lesté au tungstène a des billes de taille normale mais nettement plus lourdes. Une fois en rotation, le handspinner possède beaucoup d’inertie et tourne plus longtemps. Il a alors également un bon moment angulaire, qui permet d’apprécier magnifiquement les effets gyroscopiques.
Dans tous les cas, et comme tous les articles de la boutique Gyroscope.com, bien que le prix soit élevé, la finition est magnifique et vous aurez bien plus qu’un jouet à la mode.
Des toupies de précision
Un des fidgets que l’on trouve le plus sur Kickstarter, et après les handspinner en tout genre, ce sont les toupies en tout genre.
Je parle ici de petites toupies en métal qui peuvent tourner jusqu’à dix minutes !
Vous en trouverez en métaux divers : cuivre, acier, aluminium, titane, laiton et même en argent !
Il en va d’une question de couleur, évidemment, mais pas seulement.
Si vous voulez que votre toupie pèse dans la main et tourne longtemps, préférez les métaux denses : argent, cuivre, laiton.
L’aluminium est souvent moins cher, mais trop léger. Le titane est aussi très léger, mais plus résistant et également plus cher.
Attention cependant : l’argent, le plus dense ici, est plus ductile et se rayera facilement, et le cuivre, le plus beau à mes yeux, peut s’oxyder facilement à moins de le passiver ou de le vernir.
L’acier inox (« stainless steel ») présente probablement le meilleur rapport durabilité-prix dans tous les cas.
Ces toupies tournent généralement sur une bille d’un matériau extrêmement dur pour minimiser à la fois les frottements et l’usure : carbure de tungstène, nitrure de silicium, céramique, et même en rubis synthétique !
Parmi toutes les toupies qui existent, je vous propose :
- la MK1 de chez Vorso (un classique, probablement une des meilleures aussi) ;
- le Mezmo-coin (une toupie plate et hypnotique, très facile à mettre dans la poche) ;
- le Mezmo Phantom (une toupie plate étrangement équilibrée, mais qui tourne très bien)
- le Event Horizon spin-coin (une toupie plate aussi, représentant un trou noir) ;
- le Strobe Spinner de Shire Post Mint (à faire tourner puis à filmer, pour observer l’effet de repliement du spectre dû à la caméra)
- le Paradox Top (une toupie avec un disque en verre plat, qui semble suspendue dans le vide une fois en mouvement !)
Pour faire tourner toutes ces toupies, vous pouvez utiliser une table en verre, une assiette ou encore un miroir. Faites juste attention au moment du lancement, de ne pas faire tomber la toupie trop violemment sur le verre. Pour ma part, j’utilise une lentille optique concave d’environ 10 cm (trouvé sur eBay).
Avec un peu d’entraînement, vous pouvez faire tourner ces toupies plus de 5 minutes. Avec beaucoup d’entraînement, vous pourrez prétendre atteindre 10 minutes (surtout avec le MK1 de chez Vorso).
Autres listes
Cet article est le sixième d’une série, que j’ai pris l’habitude d’allonger chaque année peu avant Noël, histoire d’inciter à offrir de la science et de la curiosité lors de l’échange des cadeaux.
Les précédents articles sont ici. N’hésitez pas à aller voir dedans pour des idées cadeaux sympa ou juste des objets de bureau pour décorer chez vous :
- Gadgets/jouets scientifiques et éducatifs (2013) : où je présente le moteur de Stirling, le disque d’Euler, le radiomètre de Crookes, le pendule de Newton, l’oiseau buveur, le gyroscope, du gallium, le Lévitron, le thermomètre de Galilée et le baromètre de Fitzroy ;
- Gadgets/jouets scientifiques et éducatifs (2) (2017) : le moteur de Mendocino, le Mova Globe, la valve de Tesla, le Feel-Flux, du tungstène et la pendule Atmos ;
- Gadgets/jouets scientifiques et éducatifs (3) (2018) : la station météo Barigo, le baromètre de Goethe, l’éolipyle, le Space-Pen, le diamagnétisme du bismuth, le Moondrop et l’horloge Nixie.
- Gadgets/jouets scientifiques et éducatifs (4) (2019) : le Gömböc, les sphéricon et héxasphéricon, les solides de Reuleaux, le superœuf, le Cube 50|50 et l’anagyre.
- Gadgets/jouets scientifiques et éducatifs (5) (2020) : le verre qui disparaît, Element Blocks, le Hoverpen, Sparkit et la petite sculpture en tenségrité.