Photo de pneus entassés les uns sur les autres.
Chaque année, dès qu’il fait froid, il est recommandé de mettre des pneus hiver sur sa voiture ou son vélo.

Pourquoi cela ?

Une question de température de transition

Les pneus sont fabriqués en caoutchouc, qui est un polymère relativement tendre. La gomme épouse donc les aspérités de la route, augmente sa surface de contact et donc l’adhérence.

Si votre pneu était en plastique dur, cela commencerait par faire un bruit d’enfer, mais surtout l’adhérence ne serait pas au rendez-vous : la gomme ne se déformerait pas pour épouser les aspérités et la surface de contact serait nettement plus faible. Conduire avec des pneus en plastique dur serait donc dangereux : freiner se révèlerait impossible et vous sortiriez de la route au premier virage, etc.

Or, lorsqu’il fait froid, c’est exactement ce qui arrive avec le caoutchouc. Ce dernier, comme beaucoup de matériaux, présente une température de transition vitreuse :

  • Au-dessus de cette température, la matière est tendre, comme on pourrait s’y attendre du caoutchouc.
  • En dessous, la matière se vitrifie : la structure moléculaire perd en régularité et elle devient dure et cassante.

Pour le voit, il suffit de mettre un élastique ou un ballon de baudruche au congélateur : le caoutchouc perd de son élasticité.
Ceci n’est pas un changement de phase : l’élastique est toujours solide, au chaud comme au froid. Mais ça n’empêche pas sa structure moléculaire de changer radicalement quand-même, d’une phase solide tendre, à une phase solide dure.

Spécificité des pneus hiver

Dans le cas des pneus, la solution, c’est de mettre des « pneus hiver » ayant une composition spéciale qui abaisse la température de transition vitreuse. Ceci permet au pneu de conserver sa souplesse et son adhérence même par des températures très basses.

En plus de la gomme, les pneus hiver ont également un profil adapté à la route mouillée ou enneigée : les rainures sont plus profondes, les crampons plus marqués, etc. Ceci afin d’assurer encore un peu plus d’adhérence dans les conditions humides de l’hiver.

Dans le cas de pneus particulièrement profilés pour une conduite sur route humide ou enneigée, on parle de pneus neige, plus seulement de pneus hiver.

Pour savoir si un pneu est « hiver », il faut repérer le logo « 3PMSF ». C’est lui le seul logo normatif pour ce genre de pneu, qui garantit ses caractéristiques par temps froid et un profil adapté sur route humide :

Photo du logo 3PMSF sur un pneu hiver
Logo 3PMSF, à droite. L’inscription M+S n’a pas de valeur pour désigner un pneu hiver dans certains pays (source image)

Les logos avec un ou plusieurs flocons, quant à eux, sont seulement du marketing, ils ne sont pas réellement reconnus ni normalisés.

Pourquoi ne pas garder ses pneus froid toute l’année ? Quid des pneus 4-saisons ?

Si le problème de la transition vitreuse semble réglé avec un caoutchouc plus tendre par temps froid, on peut se dire qu’on a la solution à tous les problèmes de pneu. On peut même se demander pourquoi on ne porte pas toute l’année des pneus hiver ?

En fait, si le caoutchouc des pneus hiver conserve sa souplesse en hiver, il peut s’avérer trop tendre lorsqu’il fait chaud, comme en été.

Dans ce cas, on fait face à d’autres problèmes. En été, le pneu hiver engendre par exemple trop de pertes mécaniques dans la gomme elle-même, ce qui la fait chauffer encore plus, la ramollit d’autant plus, etc.
Il en résulte une usure prématurée et une consommation de carburant beaucoup plus élevée. Ce n’est donc bon pour personne.

Il existe désormais des pneus quatre saisons, portant généralement l’inscription « M+S » (mud + snow ou boue + neige) : leur gomme est développée pour rester souple sur une large gamme de température.

Ces pneus ne sont pas les plus performants par temps chaud (moins bons que des pneus été, en termes de consommation de carburant notamment), mais présentent l’intérêt de pouvoir être utilisées en sécurité tout au long de l’année. Notez bien que l’accent est ici mis sur la sécurité du pneu au détriment du reste : usure prématurée, consommation de carburant non-optimal, etc.

Dans l’idéal, pour avoir la meilleur solution en toute saison, il reste préférable de changer de pneus deux fois par an si le climat local l’impose.

Attention, car si les pneus « M+S » sont conçus pour avoir des performances correctes tout au long de l’année, ils ne sont pas officiellement des « pneus hiver ».
Leur usage peut ainsi ne pas être réglementaire en hiver, selon les pays (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, notamment, qui exigent des pneus hiver « véritable » en hiver) et votre assurance peut considérer comme une négligence de votre part si vous provoquez un accident par un mauvais choix de pneumatiques, y compris avec des pneus quatre saisons.

En résumé

Les pneus sont en caoutchouc et le caoutchouc réagit à la température : il présente une température de transition vitreuse au-dessous de laquelle il devient particulièrement dur et cassant.

Sur un pneu, cela se traduit par une adhérence réduite par de basse températures et donc un danger réel.

Les pneus hiver sont conçus avec des gommes dont la composition permet d’abaisser la température de transition vitreuse. Ces pneus conservent leur adhérence par temps froid.
Les pneus été, quant à eux, conservent leur avantage en termes de tenue de route et de consommation de carburant par temps chaud (tout le reste de l’année).

Le point de transition vitreuse est présent dans beaucoup de polymères, mais aussi certains métaux ou verres. Il s’agit d’une température qui n’a rien avoir avec un changement de phase : ce n’est pas un passage de l’état liquide à l’état solide.

Le phénomène semble lié à l’interaction des molécules et la façon dont elles glissent et s’entre-mêlent les unes sur et dans les autres. Avec une température élevée, les longues chaînes de polymères sont plus déroulées et s’enchevêtrent donc moins : les chaînes moléculaires sont plus souples et le matériau globalement aussi. Par de basses températures, les molécules changent de formes, se réticulent et s’enlacent fermement, empêchant toute mobilité : le matériau devient rigide voire cassant.

Le phénomène semble logique, mais son existence n’est pas encore expliquée et constitue pour le moment un mystère en sciences des matériaux.

On l’observe de façon spectaculaire quand on plonge du caoutchouc, du latex ou un matériau plastique souple dans de l’azote liquide, il devient friable et casse comme du verre.
C’est également une des raisons pour laquelle les rover martiens n’utilisent pas de pneus en caoutchouc sur Mars : la température y est si basse que le pneu s’effriterait. À la place, la Nasa utilise des « pneus » en nitinol, un alliage métallique élastique et à mémoire de forme.

Dans les métaux et les verres, on contrôle la structure microscopique par un procédé de trempe : on chauffe la matière de façon à atteindre la température de transition de phase, puis on le refroidit brusquement : la structure est alors figée et n’a pas le temps de se réorganiser. Un acier ou un verre trempé est alors beaucoup plus dur et résistant, mais il perd alors en souplesse. C’est donc à utiliser selon les applications et en connaissance de cause.

image d’en-tête de |Goh Rhy Yan

11 commentaires

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Pépito écrit :

Article intéressant mais j'ai quand même une question pourquoi ne pas utiliser un autre matériaux qui pourrait être utilisé toute l'année pour des pneux comme du Nitinol ou autre

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Le Hollandais Volant écrit :

@Pépito : le nitinol, en dehors d'u' pneu a 5000 euros, fonctionne sur un rover martien car ce dernier se déplace à 2 km/h en descente avec le vent dans le dos.
Il ne risque pas de sortir d'un virage.

Nous on roule à 80 km/h. Rouler sur des roues en métal, nitinol ou autre, donnerait autant d'adhérence que de rouler sur la jante, avec le bruit d'un train en plus de ça.

Sans compter l'usure non pas des pneus mais de la route.

Suffit de constater le bruit ou l'adhérence d'un caddie de supermarché, d'un vélo-jouet pour jeune enfant (avec les roues dures en plastique) pour constater de quoi je parle.

À la fois pour un vulgaire pneu et pour une banale route, le cahier des charges n'est pas léger et y'a beaucoup de trucs à prendre en compte !

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seb écrit :

Je pensais que le pneu neige était un abus de langage en parlant de pneu hiver. Ce mauvais terme servant souvent comme excuse aux personnes ne voulant pas changer de pneu. "Il ne neige jamais chez nous", "je ne vais pas acheter 4 pneus pour 3j de neige dans l'année", etc. On voit rapidement ce que ça donne aux JT quand il y a 1cm de neige dans les régions qui en ont rarement.

Souvent, on dit qu'il faut changer ses pneus en même temps qu'on change d'heure. C'est un bon repère. Heure d'été, pneu été, heure d'hiver, pneu hiver. En France en tout cas, ça ne correspond pas forcément aux pays voisins.
ça donne quoi en gros cette température de vitrification du caoutchouc? J'ai déjà lu plusieurs fois qu'un pneu hier freinait plus court qu'un pneu été dès qu'on est en dessous des 7°C, autant dire assez régulièrement en France, même dans les régions qui ont rarement de la neige.

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zecampesien écrit :

Merci pour ces article.
A noter, la France emboîte le pas de certains ses voisins en rendant obligatoire dès l’année prochaine les pneus hiver dans les communes concernées: https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14389
Et bon courage aux forces de l’ordre et automobilistes pour reconnaître un "vrai" pneu hiver... o_O
Je cite:
« M+S » est l'abréviation de Mud and Snow qui signifie « boue et neige » en anglais. Le marquage « M+S » est systématiquement présent sur tous les pneus hiver. Mais attention, tous les pneus « M+S » ne sont pas des pneus hiver. Ce marquage est présent sur les pneus 4x4, les pneus toutes saisons et les pneus de camping-car été.

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Le Hollandais Volant écrit :

@seb : Il existe des pneus neiges aussi : ce sont des pneus avec un profil adapté pour une conduite sur neige (typiquement des crampons très prononcés). D’ailleurs c’est comme dit @zecampesien dans son commentaire juste en dessous : ces pneus sont alors marqués d’un « M+S ».

Pour la distance de freinage c’est bien ça : vu que l’adhérence est meilleure, le distance de freinage est meilleure.

Mais tu peux essayer : prends un morceau d’un vieux pneu été, voiture ou vélo, ou même un bout de chambre à air et tu mets ça au congélateur. Tu devrais voir un durcissement du caoutchouc, qui devient également très lisse (lorsque tu frottes deux bouts de caoutchouc l’un contre l’autre).

@zecampesien : le seul logo qui fait foi, c’est le logo 3PMSF, pour « 3 Peak Mountain Snow Flake », ou « 3 pics montagneux et flocon de neige ». Un pneu avec ça est un pneu hiver.
Autrement, avec un peu de connaissances, on peut mémoriser les marques. Chez Michelin par exemple, sa gamme de pneu hiver est nommée « Alpine » et c’est écrit sur le pneu.

J’imagine avec l’entraînement, les policiers les connaissent, tout comme ils voient assez vite si un pneu est trop usée ou non.

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moi écrit :

Ça serait intéressant d'avoir des chiffres entre pneu été / hiver, par exemple sur un freinage dans différentes conditions.
Idem pour la consommation. Est-ce qu'on a un ordre de grandeur ?

Pour une température ambiante donnée, quelle est la température du pneu ? je ne sais pas si sur l' autoroute la différence est si importante compte tenu de la vitesse en été ou en hiver (dans une région tempéré)

Au delà de la gomme, il est probable que la structure et le profil soit un peu différent.

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Gaëtan écrit :

Quid du CrossClimate Michelin, qui à le logo "M+S" et "3PMSF" mais n'est pas de la gamme "Alpine"?

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Jognu écrit :

Je me demande comment se place le nouveau Crossclimate de chez Michelin, qui est un été/hiver avec le 3PMSF.

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Breizh écrit :

À quel moment ça devient indispensable ? Je ne roule pas assez pour me permettre d’avoir deux jeux de pneus, surtout si l’un sert que 3 mois… autant sur chaussée enneigée j’ai pu constater le problème, autant sur chaussée sèche, même par temps froid, je faisais même pas la différence en conduisant (je sais plus si ce sont des été ou toute saison).

Et là je parle de ma voiture, le vélo j’ai jamais eu de soucis d’adhérence, mais j’ai pas connu d’hiver neigeux en vélo pour le moment non plus.

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L6 Atmo écrit :

@Le Hollandais Volant : Je voulais juste apporter une précision concernant les marquages M+S et 3PMSF : (source www.TNPF.fr)

"La réglementation française et européenne reconnaît le pneu « neige ». Ces pneus doivent porter le marquage « M+S »(Mud + Snow = boue + neige) ; par contre, ils ne sont soumis à aucune obligation de performance réglementaire sur la neige.

Certains de ces pneus « neige » peuvent être, toujours sur le plan réglementaire (Règlement UN N° 117), homologués comme « pneus pour conditions de neige extrêmes », s’ils réussissent un test normé d’adhérence sur neige (accélération ou freinage).

Ils portent alors le marquage « 3PMSF » (3 peak mountain snowflake), qui représente une montagne à 3 pics avec un flocon de neige à l’intérieur.

Ce marquage atteste donc d’un niveau de performance minimale sur la neige."

@moi : en cherchant un peu, tu trouves toutes ces données sur le net :

https://www.tcs.ch/fr/tests-conseils/tests/pneus/comparaison-pneus.php
https://www.sq.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2016/11/2015-12-11-tests-comparatifs-freinage.pdf

j'ai pris 2 réponses sur la 1ère page de réponses Google.

@Breizh : Perso, j'ai roulé longtemps avec des pneus M+S à l'année sur une propulsion car je vais en montagne l'hiver, pas ressenti de différence avec des pneus été ou 4 saisons et je ne les changeais pas plus souvent. Mais des pneus M+S sur une propulsion de presque 200ch, c'est indispensable en hiver si tu veux pas passer ton temps à rouler sur des oeufs dès qu'il y a une courbe ou à faire des donuts :D

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Le Hollandais Volant écrit :

@L6 Atmo : merci pour ces infos !

Cela confirme ce que je dis : seul le marquage 3PMSF atteste de la conformité à des tests normés de tenue en conditions hivernales.

Tel que c’est écrit ici, à la limite, n’importe quel pneu peut avoir l’apposition du M+S, vu que personne n’ira vérifier, mais un pneu 3PMSF est lui, testé et certifié.

~

C’est un peu comme le marquage CE (auto-apposé par un fabriquant suite à ses propres tests) et le marquage NF (certifié pour un produit par l’Afnor suite à des essais indépendants).


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