Bien loin des thermomètres à mercure, encore plus des thermomètres de Galilée, tous les appareils modernes qui donnent la température comme votre four à micro-onde ou votre station météo connectée utilisent une sonde à thermocouple. Il s’agit de la méthode moderne pour mesurer une température.
Son fonctionnement est très proche de celui d’un modèle Peltier dont j’ai déjà parlé dans un autre article. En fait, un module Peltier est un agencement d’un très grand nombre de thermocouples (à semi-conducteurs) ensembles et collés sur un petit bout de céramique d’où sortent deux connecteurs électriques.
Ce que je vais expliquer plus en détail ici, c’est l’origine même de l’effet Seebeck, jusqu’au niveau quantique, qui permet au thermocouple et au module Peltier de fonctionner en premier lieu.
Le thermocouple
Je l’ai expliqué dans mon article sur le module Peltier : le module Peltier n’est en réalité rien d’autre qu’un assemblage de dizaines, voire centaine de thermocouples à semi-conducteurs miniaturisés.
Le thermocouple, lui, est en soi un composant extrêmement simple : deux fils de deux métaux distincts, soudés ensembles à une de leurs extrémités, l’autre extrémité étant branché sur un voltmètre.
La partie soudée — appelée la soudure du thermocouple — est alors à placer sur l’élément dont il faut mesurer la température : si la soudure chauffe, il apparaît une différence de potentiel au niveau des extrémités « libres ». Cette dernière est mesurée par le voltmètre, et l’on déduit la température de la pièce à partir de la différence de potentiel.
Alessandro Volta fut le premier scientifique à observer cet effet, mais le phénomène a été nommé d’après Thomas Johann Seebeck. Volta constata en effet qu’une aiguille d’une boussole déviait lorsqu’elle était placée à proximité d’un fil dont les extrémités se trouvaient à des températures différentes : la différence de potentiel provoquait en effet la circulation d’un courant dans ce fil, et ce courant produisait un champ magnétique, d’où la déviation de l’aiguille de la boussole.
Origine du phénomène
Effet Seebeck
Pour une pile électrique, la tension est liée au potentiel chimique des composés à l’intérieur de la pile : il s’agit de la force avec laquelle le composé peut libérer ou capter un électron en vue d’une transformation chimique.
Ainsi, dans une pile alcaline, l’anode de zinc en solution basique tend à vouloir s’oxyder en se débarrassant de deux électrons : son potentiel est négatif et vaut −1,28 V.
La cathode, contenant de dioxyde de manganèse, cherche à se stabiliser en sesquioxyde de manganèse, et pour cela, elle doit à l’inverse récupérer un électron : elle « demande » des électrons : son potentiel est positif et vaut +0,15 V.
La différence de potentiel entre les deux est de 1,43 V, correspondant à la tension nominale de 1,5 V typique des piles alcalines. Cette tension est capable de faire circuler les électrons dans un fil branché aux bornes de la pile : poussés par l’anode et aspirées par la cathode.
Dans cet exemple de la pile, c’est une réaction chimique qui, pour avoir lieu, pousse les électrons dehors d’un côté et les attire de l’autre.
Dans le thermocouple, c’est la température qui fait ça : la production d’un courant électrique est due à l’apparition d’une différence de potentiel aux bornes du fil, produite par l’échauffement (ou le refroidissement) de la jonction soudée.
Les électrons dans la partie chauffée vont s’agiter davantage. Ils vont également avoir tendance à se repousser et donc de diffuser légèrement dans le reste du métal. La zone chauffée perd donc de sa charge électrique et devient positive. Le reste du fil, qui est froid, va avoir tendance à se charger négativement en recevant les électrons.
L’effet intéressant c’est que cet effet se produit à des échelles différentes selon le métal : un des fils soudés va davantage repousser des électrons que l’autre, et forcer la circulation des électrons dans son sens dans tout le métal. Si le circuit est fermé et forme une boucle, le courant circule à travers tout le circuit dès qu’on chauffe une des soudures :

Pour le thermocouple, l’apparition de ce courant sous l’effet de l’échauffement d’une des soudures, c’est ce qu’on appelle l’effet Seebeck.
Effet Peltier
Il est intéressant que l’effet Seebeck soit réversible. Ainsi, au lieu d’obtenir un courant électrique à partir d’une différence de température, on peut appliquer une tension électrique aux fils et la jonction va chauffer ou refroidir (selon le sens du courant). Dans ce cas, l’on parle de l’effet Peltier.
Ici, le courant va pousser les électrons d’un des métaux sur l’autre. Dans un sens, les électrons vont devoir gagner de l’énergie pour passer dans la bande de conduction du métal de destination : ils vont obtenir cette énergie en puisant la chaleur dans le métal : ce dernier refroidit.
Si les métaux sont arrangés dans l’autre sens ou si le courant circule dans l’autre sens, alors de l’énergie thermique est libérée et cette jonction s’échauffe.

L’effet Peltier est mis à profit dans les modules du même nom. Les modules Peltier ont un grand nombre de jonctions en série et assemblées de telle sorte que les jonctions qui refroidissent sont d’un côté du module et les jonctions chaudes sont de l’autre.
Ces modules peuvent fonctionner en mode Peltier ou en mode Seebeck, permettant de produire de l’électricité à partir d’une différence de température (mode générateur thermoélectrique) ou produire du froid et du chaud à partir d’une source de courant.
Les deux effets sont liés et William Thomson a montré que le flux de chaleur et le flux d’électricité sont intimement liés au sein d’un métal, pas uniquement dans les jonctions. On parle ici de l’effet Thomson.
Conclusion
Le fonctionnement des thermocouples et des modules Peltier reposent sur les effets Seebeck, Peltier et Thomson.
Les deux premiers sont essentiellement deux facettes d’un effet thermoélectrique plus global. L’effet thermoélectrique regroupe tout ce qui permet à l’énergie thermique d’être converti en énergie électrique, et vice-versa.
L’effet Seebeck fonctionne parce que la différence de température à deux endroits d’un métal fait migrer les électrons de l’endroit chaud à l’endroit froid. Il naît alors une différence de potentiel électrique. Dans un thermocouple, la mesure de cette tension permet de déduire la température de la partie chauffée (considérant que le reste de la sonde est à une température ambiante standard et connaissant la nature des métaux constituant le thermocouple).
Pour le phénomène inverse, l’effet Peltier, l’application d’un courant sur un ensemble de fils joints entre eux va chauffer certaines jonctions et en refroidir d’autres. L’échauffement est alors dû au passage d’électrons d’un des métaux à un autre métal où les niveaux d’énergie sont plus bas : l’excédant d’énergie est libéré et chauffe le métal.
Pour la jonction qui refroidit, de la chaleur est absorbée par les électrons qui passe dans un métal où les niveaux d’énergie sont plus hauts : l’électron gagne de l’énergie en passant les niveaux d’énergie, et cette énergie est captée dans l’énergie thermique du métal : de la chaleur est donc convertie en énergie électrique et la jonction refroidit (phénomène endothermique).
Les effets Seebeck et Peltier sont réversibles et avec eux les phénomènes thermiques et électriques, de la même façon que les phénomènes mécaniques et thermiques sont réversibles et liés par le l’intermédiaire d’un moteur thermique (qui transforme une différence de température en énergie mécanique) ou d’une pompe à chaleur, d’un climatiseur (où de l’énergie mécanique permet de produire une différence de température), une pile et un électrolyseur, un moteur électrique et une génératrice, une diode et un module photovoltaïque…