Ce titre fait référence aux températures remarquables d’un matériau combustible :
- le point éclair
- le point d’inflammation
- le point d’auto-inflammation
Il ne faut pas les confondre et cet article va, je l’espère, clarifier tout ça en expliquant ce qui se passe à chacune de ces températures.
Petit point de physique-chimie
Avant d’entrer dans les détails, il faut parler science dure. Rien de compliqué, mais il faut poser quelques bases.
Déjà, une combustion, c’est une réaction chimique : un combustible (du pétrole, du gaz, du papier…) réagit avec un comburant (l’oxygène de l’air, généralement) et transforme tout ça en produits de combustion (CO2, eau, fumées, suies…).
Certaines réactions chimiques se produisent seules : il suffit de mettre les réactifs en présence l’un de l’autre et hop, ça réagit.
D’autres réactions chimiques ont besoin d’un petit coup de pouce pour s’amorcer : un peu comme des dominos placés debout : les dominos debout sont un système relativement instable, mais si l’on ne fait rien, rien ne se passe : bien qu’instable, un domino debout est à l’équilibre. Ce n’est que si l’on pousse le premier domino que tous les dominos finissent par tomber les uns après les autres.
Ensuite, quand on laisse un composé combustible volatil comme de l’alcool ou de l’essence à l’air libre, des molécules du combustible passent à l’état de gaz dans l’air. Ces gaz vont se diffuser partout dans l’air alentour.
Bien-sûr, plus il fait chaud, plus l’évaporation est importante.
Cette dernière information est importante, car elle va expliquer à elle seule la différence entre le point d’éclair et celui d’inflammation.
Température de point éclair
Des trois températures listées, c’est la plus basse.
Le point éclair correspond à la température minimale à laquelle l’évaporation est suffisante pour que l’air autour d’un combustible volatile soit explosif en présence d’une source d’ignition.
En des termes plus simples, si l’on est au-dessus du point éclair et que l’on approche une allumette, alors les vapeurs s’enflamment.
En dessous du point éclair, il n’y a simplement pas assez de vapeur pour amorcer une combustion : les quelques molécules ne vont produire ni flamme ni explosion.
Au point d’éclair, l’évaporation suffit pour produire un mélange explosif et combustible, mais n’est pas suffisante pour que la combustion s’amorce.
La combustion d’éclair va consommer d’un coup toute la vapeur présente et s’éteindre ensuite. La production de nouvelles vapeurs n’est pas assez rapide pour que la flamme perdure. Il y a donc une inflammation, mais celle-ci est brève, d’où le terme « d’inflammation éclair ».
Cela reste dangereux : l’explosion peut faire des dégâts, mais il n’y a pas d’incendie.
Point d’inflammation
Après le point éclair, on trouve le point d’inflammation. La température étant ici plus élevée, la production de vapeur due à la température est plus soutenue. En particulier, elle est suffisante pour renouveler la vapeur qui est mise à brûler à l’approche d’une source d’ignition, comme une allumette.
On peut donc retirer l’allumette, le mélange continue de brûler : la vapeur est produite en directe et en quantité suffisante pour entretenir le feu. Le processus de production-consommation des vapeurs est donc à l’équilibre.
Une fois que ça brûle, donc, l’incendie est déclaré et perdure : il ne s’éteindra plus tout seul. La seule solution est de manquer soit d’oxygène, soit de combustible : quand tout est parti en fumée, forcément ça s’arrête.
Point d’auto-inflammation
Pour le point éclair et de point d’inflammation, il fallait obligatoirement apporter une source d’ignition, comme une allumette ou une étincelle. Il ne faisait pas encore assez chaud pour que les vapeurs s’embrasent d’elles-mêmes.
Au-dessus du point d’auto-inflammation, c’est différent : la température est maintenant suffisante pour que les vapeurs et l’air s’enflamment tout seuls. La simple température élevée est alors suffisante.
La raison à ça est que plus on chauffe, plus les gaz (vapeur et air) s’agitent au niveau moléculaire : les atomes s’entrechoquent plus fortement et la probabilité qu’il y ait une réaction chimique entre deux molécules est bien plus grande. À partir de là, il suffit qu’un petit peu de vapeur réagisse, brûle et dégage de la chaleur pour que l’ensemble s’enflamme.
L’incendie est donc initié purement par la source de chaleur. Il n’y a pas besoin d’une étincelle, d’une braise ou autre. Il fait chaud et parfois ça suffit à produire du feu. Ceci est une des causes des incendies d’origine électrique : un fil qui surchauffe à cause d’un court circuit et ça s’enflamme : il n’y a pas forcément besoin d’étincelles ou d’arcs électriques.
Pour résumer
Ce qui brûle sont toujours des vapeurs : la chaleur décompose la matière, produit des gaz et c’est ça qui brûle.
Les points d’éclair et d’inflammation dépendent de la quantité de vapeur produite : si l’on ajoute une source d’ignition, alors les vapeurs peuvent s’enflammer. Au point éclair, une fois que les vapeurs ont brûlé, c’est fini : la quantité de vapeur n’est plus suffisante pour que la combustion se poursuive.
Au point d’inflammation, plus chaud, la quantité de vapeurs devient suffisante pour entretenir la combustion.
Encore plus chaud, au point d’auto-inflammation, les vapeurs produites sont à une température suffisamment élevée pour s’enflammer toutes seules, sans source d’ignition extérieure. Étant plus chaud que le point d’inflammation, la combustion peut ici également s’entretenir.
Pour un exemple : ces différents points sont ce qui différencie un moteur Diesel d’un moteur à essence. Dans le moteur Diesel, la compression seule produit la chaleur et fait monter suffisamment la température pour produire l’auto-inflammation du gazole dans la chambre de combustion. Dans le moteur à essence, il faut une étincelle, fournie par la bougie d’allumage, pour obtenir la combustion.
Le moteur Diesel fonctionne car la température obtenue dépasse la température d’auto-inflammation du gazole, alors que la température d’un moteur essence est en dessous du température d’auto-inflammation, mais au dessus du point éclair.
Anecdote : Fahrenheit 451
Le titre de l’ouvrage de Ray Bradburry — Fahrenheit 451 — fait référence à la température d’auto-inflammation d’un livre, en particulier du papier, exprimé sur l’échelle de température Fahrenheit.
Ce titre fait référence au scénario : un monde dystopique où les livres sont interdits, raflés, puis brûlés.
451 °F correspondent à 232,8 °C. Il s’agit donc de la température à laquelle le papier est suffisamment chaud pour s’enflammer tout seul, sans autre source de chaleur.
Ainsi si vous versiez de l’aluminium fondu (660 °C) ou du plomb fondu (328 °C) sur du papier, ce dernier s’enflamme immédiatement, même sans flamme, étincelle ou source incandescente.