Pour répondre à la question « comment produit-on du froid ? » il faut remonter à la définition de ce qu’on appelle le « froid » lui-même et donc aussi le « chaud ».
On dira que parmi deux corps, celui qui est le plus froid est celui dont la température est la plus basse.
Un objet est ressenti comme « froid » quand la chaleur contenue dans votre main s’échappe vers cet objet : la main perd donc de la chaleur et nous percevons ça comme du froid.
À l’inverse, un objet est ressenti comme « chaud » quand de la chaleur s’échappe de l’objet pour aller dans votre main : la main gagne de la chaleur et se réchauffe.
Pour refroidir un objet, on doit en extraire la chaleur, et ensuite évacuer cette chaleur ailleurs. C’est pourquoi, tous les systèmes de production de froid ont aussi un composant qui se réchauffe : votre frigo a une grille chaude au dos, par exemple.
Il existe plusieurs méthodes pour extraire la chaleur d’un corps et c’est de ça que je vais parler.
La détente de gaz
Détendre un gaz a pour conséquence de le refroidir.
Quand un gaz est comprimé, les molécules sont très rapprochés : ils s’entrechoquent et se frottent violemment et rapidement. Si on refroidit un gaz comprimé, il se liquéfie. On dispose alors d’un liquide à température ambiante mais à haute pression. C’est ce qui se trouve dans une bombe de déodorant par exemple.
Quand on libère du gaz, c’est en fait le liquide qui bout et se vaporise. Cette réaction d’évaporation consomme de la chaleur : le liquide et la chaleur combinées se transforment en un gaz sans chaleur, donc froid. Très froid.
Vous pouvez essayer : placez un thermomètre à la sortie d’une bombe de déo : vous aurez facilement –50 °C, ce qui est la température ambiante au pôle nord.
Maintenant, en envoyant ce gaz froid sur une autre bonbonne de gaz liquéfié et qu’on abaisse la pression, le liquide de la seconde bonbonne va elle aussi se transformer en gaz et consommer de la chaleur. Or, vu qu’il est déjà refroidit, il va se refroidir encore plus. Cette méthode, appliquée plusieurs fois de suite, est utilisée pour obtenir des gaz extrêmement froids comme l’azote liquide, maintenu à –196 °C.
L’hélium liquide, lui, est à –269 °C, soit seulement 4 degrés au dessus du zéro absolu.
La détente d’un gaz est à la base d’un grand nombre de générateurs de froid, y compris le réfrigérateur ou le moteur de Stirling inverse (voir plus bas).
La méthode du réfrigérateur
Ici, on utilise le changement d’état d’un fluide — évaporation et liquéfaction — pour piéger puis transporter la chaleur d’un endroit à refroidir à un endroit où évacuer cette chaleur.
Le principe est simple : votre frigo contient un système qui transporte un fluide à travers un système de tuyauterie, qui passe de l’intérieur du frigo vers l’extérieur. Au contact de l’intérieur du frigo, un liquide est soumis à une détente forcée qui a pour effet de le refroidir. À ce moment, le gaz est plus froid que l’intérieur du frigo : la chaleur va passer des aliments contenus dans le frigo vers le gaz. Le gaz se réchauffe, s’évapore. Les aliments, eux, refroidissent.
Le gaz ainsi formé est envoyé dans un radiateur (au dos du frigo) où il est à l’inverse liquéfié : cette liquéfaction libère toute la chaleur captée. Ici, c’est l’air environnant qui est réchauffé et c’est le liquide qui refroidit. Le radiateur au dos du frigo est donc chaud.
Le frigo sépare donc deux espaces : l’intérieur et l’extérieur. Il pompe la chaleur de l’intérieur pour l’évacuer à l’extérieur. Le but recherché est le refroidissement de l’intérieur. Le réchauffement de l’extérieur se fait aussi, mais ce n’est pas le but recherché.
Un frigo dont on laisserait la porte ouverte et où on confinerait la grille dans un espace hermétique serait une pompe à chaleur. Dans une pompe à chaleur, le fonctionnement est identique, sauf que le but recherché est le réchauffement de votre salon, pas le refroidissement du jardin.
La méthode du moteur de Stirling inversé
Un moteur produit du travail mécanique (mouvement) à partir d’une différence de température.
Le moteur de Stirling a la particularité de pouvoir fonctionner de façon inversée : si on l’entraîne par un apport de travail, il va produire une différence de température : une partie va se refroidir et l’autre se réchauffer. En évacuant correctement la chaleur produite du côté chaud, on va favoriser la production du froid de l’autre côté.
Il suffit alors de capter ce froid et de l’utiliser, par exemple en refroidissant un verre d’eau.
Le refroidissement dans le vide
La température, on l’a vu, c’est le degré d’agitation des molécules. À chaque fois qu’une molécule heurte votre peau, ça chauffe. S’il y a une grande quantité de molécules (forte pression) et que les molécules sont très vives (haute température), alors ça chauffe beaucoup.
Dans le vide, il n’y a pas de molécules (ou très peu). On ressent donc un froid intense car il n'y a pas de molécules pour nous réchauffer.
Si vous laissez un corps dans le vide sidéral, la chaleur va peu à peu partir sous forme de rayonnements et il ne restera plus de chaleur du tout : le corps sera refroidi.
Notez quand même que les quelques molécules présentes dans le quasi-vide en haute altitude sont extrêmement chaudes : individuellement, elle sont très rapides et énergétiques, mais comme il n’y en a très très peu, le ressenti reste froid.
La méthode du module à effet Peltier
Voir mon article dédié : le fonctionnement des modules Peltier.
La sonde à effet Peltier est à la thermoélectricité ce que le moteur de Stirling est à la thermodynamique. La sonde à effet Peltier est un composant électrique plat à deux faces, qui, quand on le met sous tension, va avoir un côté chaud et un côté froid. À l’inverse, si on chauffe un côté et refroidit l’autre, il va développer une tension électrique et générer du courant.
Ces sondes sont utilisées dans les petits réfrigérateurs USB ou de camping, là où un circuit complet de gaz et de compresseurs des réfrigérateurs de cuisine est trop gros ou trop fragile.
Le fonctionnement se fait sur le principe combiné des effets Thomson et Seebeck : si on soude trois fils de deux métaux différents (métal A - métal B - métal A) et qu’on met ça sous tension, une des jonctions va se refroidir et l’autre va se chauffer.
Ceci est dû à un déplacement uniforme, sous l’effet de la tension, des électrons chauds vers la même face. Si ces électrons transportent plus de chaleur que ne le fait la conduction thermique du matériau dans l’autre sens, alors il apparaît une différence de température entre les deux faces du module Peltier.
La sonde de Peltier consiste simplement en une grande succession de soudures disposées de telle sorte que les soudures froides soient toutes d’un côté et les soudures chaudes soient toutes de l’autre.
En pratique, quand on impose un courant à un de ces modules, il apparaît très rapidement une importante différence de température. Si on ventile suffisamment le côté chaud, alors l’autre côté restera froid. On peut facilement atteindre des températures de –20°C avec un petit module Peltier et une batterie de 12 volts.
La méthode chimique
Certaines réactions chimiques produisent de la chaleur. C’est le cas d’une combustion. D’autres, un peu plus rares, produisent du froid. Si le système refroidit, il doit absorber de l’énergie sous forme de chaleur : le système gagne donc de l’énergie.
On peut penser que c’est contraire à la nature qui dit qu’un système évolue toujours vers un état de plus basse énergie. Ceci est cependant un raccourcis car la vraie loi physique derrière l’évolution d’un système n’est pas une baisse d’énergie mais une hausse de l’entropie (une autre grandeur).
Or, certaines réactions ne peuvent augmenter leur entropie qu’en augmentant leur énergie. Dans ce cas, c’est l’augmentation de l’entropie qui gagne, et le système va se refroidir (pour gagner ensuite de la chaleur).
C’est le cas par exemple des réactions de dissolution d’un cristal. Un cristal de sel, de sucre, ou de nitrate d’ammonium est un système très organisé à très faible entropie. Dissoudre ce composé va alors l’augmenter très facilement, même si la température va baisser ! Si vous versez du sel dans un verre d’eau, le mélange va très rapidement perdre quelques degrés.
Ce système est également utilisé dans les poches de froid instantanée que l’on utilise lors d’une blessure durant le sport, par exemple.
Voyez aussi ces articles liés :