Si vous avez déjà eu une lampe torche avec une ampoule à filament (pas des LED) fonctionnant avec une ou des piles, vous savez que quand la lumière devient plus faible, c’est un signe que les piles sont presque vides. En effet, les piles alcalines ont une tension nominale de 1,5 V, mais au fur et à mesure qu’elles se vident, la tension baisse légèrement. Plus le temps passe, donc, plus l’intensité de la lumière émise par la lampe torche faiblit.
Bon, la lumière diminue quand on baisse la tension : logiquement, donc, on pourrait régler la lumière émise par notre torche en jouant sur la tension. Non ?
Avec une lampe à incandescence, oui : si on utilise un potentiomètre, qui est juste une résistance variable, on peut limiter la tension aux bornes de la lampe et donc la lumière qu’elle procure.
Maintenant, j’ai chez moi un variateur mural utilisé pour les lumières réglables. L’appareil fonctionne, y compris sur les lampes à incandescence. J’ai par exemple une vieille lampe à filament de carbone dont je règle la chaleur avec le variateur. Un jour, j’avais besoin d’une tension de 110 V. Je me disais d’utiliser le variateur, de le mettre à 50 % et le 220 V passait à 110 V.
Or, après une rapide mesure, je vois que le variateur affiche 230 V quoi qu’il arrive. J’ai beau le tourner : ce sont toujours 230 V qui s’affichent !
Pourtant, il fonctionne parfaitement : régler l’intensité de la lumière fonctionne bel et bien ! Alors comment ça marche ? Que se passe-t-il ?
Variateur ou potentiomètre ?
Un potentiomètre (ou rhéostat, pour les fortes puissances), c’est simplement une résistance réglable. Dans un circuit en série, une résistance permet de « capter » une partie de la tension, limitant ainsi la tension aux bornes du reste des composants et le courant du circuit tout entier. Si une lampe se trouve dans le circuit, sa lumière baisse.
Le problème, c’est que potentiomètre ou le rhéostat, en tant que résistances, dissipent toute l’énergie qu’ils consomment, sous la forme de chaleur. Premièrement, ça chauffe, mais en plus, le fait de diminuer l’intensité de la lumière ne se traduira pas par une baisse de la consommation électrique : une partie plus grande est simplement perdu dans la nature. Ce n’est pas très économique ni écologique.
De plus, le potentiomètre ne fonctionne pas avec les LED : ces lumières ont besoin d’une tension bien précise. Au-delà ils grillent, en dessous, ils ne s’allument pas du tout. Contrairement aux lampes à filament, leur intensité lumineuse n’est pas liée à la tension à ses bornes.
Mais là encore… mon variateur chez moi permet de faire fonctionner les LED réglables… Alors… magie ?
Non.
Une résistance variable ne suffit donc pas. Il a fallu inventer quelque chose d’autre : le gradateur. En réalité, le variateur est un abus de langage : le terme technique est gradateur.
Le gradateur, lui, n’est pas une résistance : il permet de limiter l’énergie électrique qui passe à travers sans pour autant consommer quoi que ce soit ni chauffer. Aussi, la tension à ses bornes est toujours celle de la source (230 V donc).
C’est donc parfait pour les LED ou les lampes fluocompactes.
Fonctionnement du gradateur
L’astuce du gradateur, c’est qu’il ne laisse passer qu’une partie de l’énergie sans jouer sur la tension ou l’intensité. L’intensité et la tension étant identiques, la puissance de sortie reste constante. Pour limiter l’énergie, il s’agit de jouer sur un autre paramètre : le temps.
Un peu comme si, au lieu de laisser couler un robinet en continu pour remplir une baignoire pendant 10 minutes, on utilise un gros seau d’eau chaque minute : la quantité d’eau est la même à la fin, mais c’est le débit qui varie : il est constant et faible avec le robinet, mais espacé et très fort avec les seaux.
L’idée du gradateur est similaire : on ne baisse pas la puissance (tension × intensité) on baisse simplement la durée d’exposition à cette puissance.
Le gradateur fonctionne comme un interrupteur très rapide : pour avoir une lumière 50 % plus faible, il va faire en sorte que le courant ne passe que 50 % du temps et le bloquer le reste du temps. Cet interrupteur s’active à chaque oscillation du courant, donc 50 fois par seconde.
Si l’on observe le signal électrique 230 V / 50 Hz, ça ressemble à quelque chose comme ça :
On voit que le gradateur ne fait que couper une portion du signal électrique, et donc de la transmission d’énergie. Le résultat est qu’une partie seulement de l’énergie est transmise. Le reste n’est simplement pas consommé.
De plus, on voit que là où le rapport est de 50 % et 75 %, la tension est toujours maximale. Au-dessus de 50 % et jusqu’à 100 %, il y a bien une variation de luminosité, mais la tension crête à crête est de 230 V dans tous les cas.
En dessous de 50 %, c’est une autre histoire, mais il y a une solution : les gradateurs les plus récents ne coupent pas les crêtes des sinusoïdes en deux, mais conservent justement les crêtes (voir plus bas). Du coup, les lumières à base de LED (qui a besoin de fortes tensions tout le temps), fonctionne avec un gradateur.
La luminosité, elle, est bien réduite : avec une fréquence de 50 Hz, les clignotements sont si rapides qu’ils sont invisibles : il apparaît juste moins de lumière, d’où une luminosité plus faible, visuellement.
Au passage, le pourcentage du signal transmis (le 25, 50, 75 %), se nomme le rapport cyclique. Il s’agit de la durée de fermeture du circuit sur la durée totale. Si le circuit est fermé (et donc le courant passe) 25 % du temps, alors le rapport cyclique est de 0,25.
Conclusion
Obtenir une lumière réglable semble quelque chose de trivial, et on peut penser qu’il suffit de balancer une tension ou une intensité plus faible dans la lampe, un peu comme un robinet dont on ouvre plus ou moins le vanne.
Si cette méthode fonctionnait avec les lampes à incandescence, elle ne fonctionne pas avec les LED ou les lampes à arc. Pour ces dernières, il a fallu trouver autre chose : une méthode qui maintienne une forte tension et une forte intensité, tout en réduisant l’énergie totale envoyée dans la lampe. La solution a été de jouer sur le dernier paramètre qui entre en jeu dans l’énergie de l’électricité : le temps.
Avec le gradateur, même si la lumière semble continue, la lampe est en réalité alimentée que durant une petite portion du temps. Ensuite, la persistance rétinienne due au clignotement très rapide fait le reste pour donner l’impression d’avoir réduit la luminosité.
L’ensemble est réalisé avec un circuit électrique bien précis, dont les plus courants sont à base de transistor bipolaire à grille isolée, qui permettent de ne laisser passer que les crêtes des sinusoïdes :
Ce circuit fonctionne à base de thyristors et d’autres composants électroniques un peu plus évolués que la simple résistance, toutes rendues possibles grâce aux semi-conducteurs.
Références
- Making a Heated Seat (Electroboom, sur YouTube)
- Dimmer Switches: Secretly Strobe Lights (Scishow, sur YouTube)