a fisher space pen
Les objets les plus simples sont les plus faciles à faire et à utiliser, mais ils sont par nature également souvent limités. Un stylo, par exemple, utilise la gravité pour faire couler de l’encre sur du papier.

Une conséquence, en plus d’empêcher ce stylo de fonctionner à l’envers, est que le stylo ne fonctionne plus dans les situations d’apesanteur. Typiquement, ceci pose un problème pour la Nasa quand il s’agit d’écrire à bord d’une station spatiale.

Des stylos à cartouches pressurisées

Pour résoudre ce problème, il a fallu faire appel à un peu de science et l’appliquer dans des stylos spéciaux : le space-pen était né.

Ces stylos ne comptent alors plus sur la gravité, mais sur un système de cartouches pressurisées pour toujours pousser l’encre vers la pointe. Mais vous vous doutez bien que ce n’est pas tout.

En effet, lorsque l’on met une cartouche sous pression, l’encre fuit et sort tout de suite, ce qui n’est pas acceptable : l’encre ne doit pas fuir constamment, mais seulement quand on écrit.

Le space-pen fonctionne pourtant très bien et ne fuit pas. De nouveau, la science a apporté une solution : ces stylos utilisent une encre dite thixotrope.

Une encre caoutchouteuse thixotrope

Un fluide thixotrope est un certain type de fluide non-newtonien. L’application la plus connue du fluide-non-newtonien, c’est un liquide sur lequel on peut marcher. En effet, leur particularité est que le fluide voit sa viscosité se modifier lorsqu’il est soumis à une contrainte mécanique (pression, déformation). Ainsi, si l’on marche dessus, on exerce une force (son poids) dessus, et il devient très visqueux, pratiquement solide, permettant de marcher dessus.

En réalité, les fluides non-newtonien représentent plusieurs types de phénomènes. Quand le liquide devient dur au point de pouvoir marcher dessus, on dit que c’est un fluide rhéo-épaississant.
Si le fluide devient au contraire plus liquide quand on exerce une contrainte dessus, il est dit thixotrope.

Ceci est parfait pour nous : un tel fluide deviendrait aussi liquide lors de la friction d’une bille de stylo !

Le space-pen utilise donc une pointe à bille et une encre thixotrope.

Au repos, quand la bille est immobile et l’encre est très épaisse, pratiquement solide, et à la texture du caoutchouc, la pression interne de la cartouche ne suffit pas à faire sortir l’encre du stylo.
Quand on se met à écrire, la bille de la pointe frotte contre le papier et tourne. L’encre dans la cartouche directement en contact avec la bille est remuée, elle se liquéfie par thixotropie, et peut donc sortir de la cartouche sur la bille.

En utilisant une encre thixotrope, donc dont la viscosité diminue sous l’effet d’une contrainte mécanique, on arrive à fluidifier l’encre au moment voulu et à la conserver pratiquement solide (donc ne coulant pas) le reste du temps.

Bien-sûr, il faut aussi que l’encre soit collante pour pouvoir se fixer sur le papier puis sécher. C’est pourtant ce qu’a réussis à faire la société Fisher dans les années 60, après plusieurs années de développement et de multiples échecs.
De plus, et contrairement à la légende, la Nasa n’a pas investi un dollar dans le développement de ce stylo. La société Fisher a investi 3 millions de dollars de son propre côté pour réussir, avant de contacter la Nasa, qui, très satisfait, en commanda directement 400.

Conclusion

À nouveau, le space pen est un de ces gadgets bien plus techniques qu’il n’y paraît au premier abord.
Il ne suffit pas de pressuriser une cartouche, il faut aussi faire en sorte que l’encre sous pression ne fuit pas n’importe comment, tout en permettant de la garder fluide pour permettre d’écrire.

Fisher a réussis cela en rendant l’encre fluide uniquement lors de l’écriture grâce à des fluides non-newtoniens.

Au passage, ce style peut donc écrire à l’envers et en apesanteur, mais également sous l’eau, dans la graisse, l’ammoniaque, et par des chaleurs et des froids extrêmes. Il en fait donc un stylo de choix pour beaucoup de domaines extrêmes.

Il est toujours utilisé par la Nasa et divers autre agences spatiales (y compris les russes), depuis l’époque Apollo jusqu’à aujourd’hui.

Liens :

image d’en-tête de guccio@文房具社

11 commentaires

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seb écrit :

Il y a une histoire qui circule sur internet depuis quelques années sur ce crayon, je me suis toujours demandé si c'était vrai ou pas.
En gros il explique que la Nasa avait besoin de créer un stylo qui puisse être utilisé dans l'espace et a passé un certain temps et une certaine somme pour le créer.En face, l'URSS, qui avait le même problème, a utilisé un crayon a papier.

@Timo, je profite de ce commentaire pour une petite remarque sur ta nouvelle page d'accueil.
On ne voit plus le nombre de commentaires dans l'article, on est obligé d'aller sur l'article pour voir si il y en a des nouveaux. En général les commentaires sont tout aussi intéressant à lire que l'article, je trouve dommage d'en louper.

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john Doe écrit :

Et le crayon de bois?

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Laguene écrit :

Notons que pendant que les États-Unis développaient leur Space pen, l'URSS avaient trouvés la solution en utilisant... Un crayon à papier !
Un peu moins cher en R&D...

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maogosute écrit :

ou faire comme les cosmonautes russes : utiliser un crayon papier. A mine de carbone, donc.

Aucun soucis quelle que soit la gravité.

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Loukatao écrit :

Bonjour,
Ce serait super si il existait de l'huile thixotrope. On n'aurait plus de grosses taches d'huile dans nos garages avec des moteurs qui fuient.(Pour le changement d'huile, ce serait peut-être plus compliqué!)

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Le Hollandais Volant écrit :

@john Doe :
@maogosute :
@Laguene : le crayon à mine de graphite fait de la poussière de graphite. La poussière n'est déjà pas idéale, mais le graphite est conducteur de courant donc très mauvais pour l'électronique.

Le space pen n'a pas ce soucis ^^

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Le Hollandais Volant écrit :

@seb : je note la remarque, merci ! J'y travaille après le week-end.

ÉDIT 2018/05/10 : c’est bon j’ai rajouté le lien :)

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Le-Gritche écrit :

@Le Hollandais Volant :

C'est étonnant la quantité de commentaires sur le crayon de bois soviétique. Un coup sur la page wikipédia nous donne des sources confirmant que les russes sont passés au space pen également.

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qwerty écrit :

Vu que c'est l'encre qui permet de by passer la gravité, si on met une cartouche dans un stylo plume classique, on a le même effet ?

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Le Hollandais Volant écrit :

@qwerty : En dehors des problèmes techniques lié au format des cartouches… non.

Ce n’est pas l’encre, mais le fait que la cartouche sous pression (plusieurs atmosphères de pression).
La bille fait office de bloqueur de l’encre, cette dernière étant thixotrope. L’encre ne devient liquide et coule sur le papier que lorsque la bille tourne, lorsqu’on écrit.

Si tu mets cette cartouche dans un stylo plume, l’encre sera éjectée par le bout du stylo, comme si on appuyait avec les doigts sur une cartouche d’encre classique : il n’y a pas de bille pour bloquer l’écoulement.

Le space-pen ne coule pas même si elle est sous pression, grâce à la thixotropie et à la bille. Sans bille, c’est juste une petite bouteille sous pression… sans son bouchon.

En fait non : en l’absence de la bille, je pense que l’encre resterait trop épaisse pour pouvoir couler et donc écrire. Le canal de l’encre dans un stylo plume finirait simplement bouchée par l’encre.


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