Le décibel est l’unité utilisée pour parler de l’intensité du bruit. Son origine et sa manière de fonctionner sont un peu particulières par rapport aux autres échelles d’unités et je vais expliquer tout ça dans cet article.
L’origine du bruit
Le bruit est une vibration de l’air : une variation rapide, locale et répétée de la pression de l’air. Ces variations de pressions acoustiques sont captées par les tympans, et l’intensité de vibration des tympans est transmise au cerveau qui interprète ça comme un son, une note, un bruit spécifique.
Les oreilles humaines sont sensibles à des bruits dont la pression acoustique varie de $0,000\ 02\text{ Pa}$ à $200\text{ Pa}$ (sachant que la pression atmosphérique est de $101\ 300\text{ Pa}$ — $\text{Pa}$ est le symbole du pascal, l’unité de pression).
De ces chiffres, on remarque deux choses :
- la pression captée par les oreilles est extrêmement faible par rapport à la pression atmosphérique (de l’ordre du dix-milliardième environ) ;
- l’étendu entre les sons faibles et les sons forts est très grande sur l’échelle des pressions : on passe d’un nombre très petit (0,000 02) à un nombre très grand (200).
Ce second point rend la notation du niveau sonore peu pratique dans l’usage : on traînerait beaucoup trop de chiffres dans les calculs, les étiquettes sur les casques audio ou les textes législatifs relatifs aux nuisances sonores.
De plus, on s’est rendu compte (en 1860) qu’un son d’une pression acoustique de 1,5 Pa sera aussi fort par rapport à un son de 1 Pa qu’un autre son de 0,015 Pa comparé à un son de 0,01 Pa, quand bien même la pression est augmenté de 0,5 Pa dans un cas et de seulement 0,005 Pa dans l’autre.
Ce n’est donc pas la variation de la pression acoustiques dans l’absolu qui importe, mais la variation relative entre deux sons.
Une échelle logarithmique
Des deux constats précédents, il a été décidé d’utiliser pour le son une échelle qui rend compte des variations relatives entre deux valeurs plutôt qu’absolues : une échelle logarithmique.
Cette façon de noter l’intensité des sons est rend compte de la perception humaine qui est également logarithmique (sensible à variation relative, pas absolue).
Mathématiquement, cela a la propriété de réduire l’étendue de l’échelle : au lieu de passer de 0,01 à 100 000, on passera de –2 à +5, ce qui est bien plus commode.
De plus, pour pouvoir avoir une échelle relative, il faut considérer une référence. Pour ça, on utilise une échelle dont on mesure une puissance sonore par rapport à une puissance sonore de référence. On utilise pour cela l’échelle des décibel, qui rend compte à la fois d’un rapport de puissances (et non seulement une puissance), et du caractère logarithmique de cette échelle.
Spécificités de cette échelle
L’utilisation du décibel pose cependant un problème : c’est une des seules fois dans la vie courante où on utilise une échelle logarithmique et donc non linéaire. Cela peut prêter à confusion pour une personne non-avertie.
Par exemple, si on a une installation qui émet un bruit de 40 dB, combien de décibels produiront quatre de ces machines ? Réponse : 46 dB, et non pas 160 !
Autre exemple, si une installation émet 40 dB, combien faut t-il de ces installations pour produire 160 dB de bruit ? Réponse : 1 099 511 627 776, et non pas 4 !
En fait, l’échelle logarithmique fonctionne de la façon suivante :
- ajouter 3 dB correspond à multiplier l’énergie acoustique (l’intensité des vibrations) par deux : 26 dB est donc deux puissant que 23 dB et 23 dB est lui-même deux fois plus puissant que 20 dB.
- retirer 3 dB correspond à diviser l’énergie acoustique par deux.
Ainsi, si on augmente le niveau sonore de 12 dB, on multiplie la quantité d’énergie par seize ($2^\frac{12}{3} = 16$).
En revanche, vu que la perception humaine est logarithmique, comme les décibel, un son de 26 dB est juste un peu plus fort que 23 dB. L’intensité perçue n’est pas doublée. C’est l’énergie acoustique qui l’est.
C’est précisément ça qui rend nécessaire une telle échelle : la perception de l’énergie acoustique et l’énergie acoustique elle-même ne suivent pas la même échelle.
Il faut faire attention à ces choses là. Si vous travaillez dans un lieu où règne un niveau sonore de 91 dB, il ne faut pas se fier trop vite aux 85 dB que sont la limite imposée par la législation concernant le seuil de danger pour les oreilles. 91 et 85 peuvent sembler proches, alors qu’en réalité l’énergie acoustique reçue par les oreilles est bien multipliée par quatre ! Une augmentation de seulement de 6 dB dans le bruit ambiant au travail est perçue comme dérisoire, mais les oreilles et les tympans sont beaucoup plus sollicitées.
De même, l’anecdote dit (cf : mon prof d’IUT) que le législateur non-physicien avait un jour décrété que le niveau sonore sur le lieu de travail devait être abaissée d’environ 30 dB, pensant que passer de 100 dB à 70 dB semblait appropriée. Sauf que là encore, une baisse de 30 dB correspond à une division par 1 024 de l’intensité sonore. Ceci serait très agréable pour les oreilles, mais impossible à mettre en place pour les machines et les outils bruyants…
Conclusion
La chose importante à voir ici c’est la différence entre l’énergie acoustique — les vibrations de l’air — captée par les oreilles et l’interprétation qu’en fait le cerveau, c’est à dire la perception.
Si l’énergie est multipliée par deux, la perception, elle, n’est évaluée que de +3 dB.
On a donc l’impression que le son monte peu (seulement 3 dB), alors que l’énergie sonore que l’on envoie à nos oreilles est bien doublée.
Note additionnelle
Le décibel — qui est le dixième du Bel — n’est pas seulement réservé à la mesure d’un niveau sonore.
Il mesure, de façon générale, le logarithme d’un rapport de deux puissances. Cela peut-être la puissance acoustique, comme ici, mais aussi une puissance d’un signal radio, dont les atténuations sont également exprimées en décibel. Même chose pour l’atténuation d’un signal électrique dans un câble ADSL.