Des verres de champagne avec des bulles.
Vous connaissez très probablement les boissons gazeuses, telles que le Coca, de la limonade, de l’eau gazéifiée, ou encore le champagne. Mais pourquoi ces boissons piquent ?

Est-ce que ce sont bulles qui piquent ? Non, pas directement !

Une question d’acide

Toutes ces boissons sont à base d’eau dans laquelle on dissout du dioxyde de carbone, le CO2. Ce dernier est un gaz, mais cela reste un composé qu’il est possible de dissoudre dans l’eau. Le dioxygène, O2, un autre gaz, est aussi soluble dans l’eau : c’est comme ça que les poissons arrivent à respirer sous l’eau, grâce à leurs branchies.

Une fois dissoute, le CO2 réagit avec l’eau pour former de l’acide carbonique :

CO2(aq) + H2O(l) ⇌ H2CO3(aq)

Cette réaction se fait toute seule dès lors qu’on met de l’eau en contact avec du CO2, mais se produit mieux sous pression. Les boissons gazeuses sont d’ailleurs préparées sous pression, pour maximiser la teneur en CO2 et donc en bulles.

Cette réaction est également réversible : si l’on diminue la pression, l’acide carbonique se décompose en eau et CO2 et ce dernier forme des bulles qui remontent alors à la surface. C’est ce qui se produit lorsqu’on ouvre une bouteille de boisson pétillante pour la première fois.

Cependant ce ne sont pas les bulles qui produisent la sensation de picotement. D’une, si c’était le cas, alors le picotement serait ressenti par exemple avec un doigt que l’on plongerait dans la limonade. Or ce n’est pas le cas. Si cela picote en bouche, et essentiellement sur la langue, c’est une affaire liée au sens du goût.

L’acide carbonique reste avant tout un acide : c’est ce qui donne à l’eau gazéifiée ce petit goût acidulé. Si l’eau est fortement gazéifiée, comme c’est le cas dans les boissons gazeuses, l’acide carbonique a pour effet d’activer sur la langue les mêmes récepteurs que ceux activés par la moutarde ! C’est ça qui provoque ce picotement.

Maintenant, l’effet est très court : l’acide finit par se décomposer et l’effet ne dure pas, à la différente de l’effet du piment par exemple, qui reste quand-même longtemps en bouche.

Et les boissons « light » ?

On remarque assez bien, que ce soit au goût au bien avec la fameuse expérience « coca-menthos », que les boissons allégées en sucres, ou « light », contiennent plus de bulles. Ceci est lié essentiellement à la solubilité du gaz dans l’eau de la boisson et de la facilité des bulles à se former lorsqu’on ouvre la bouteille.

Quand la pression est relâchée lors de l’ouverture, l’acide carbonique peut se décomposer en eau et en CO2, mais ce dernier doit pouvoir repousser de l’eau afin de former des bulles. Or, il intervient ici la notion de tension de surface de l’eau, qui empêche la formation de ces bulles s’il n’y a pas assez de CO2 pour constituer une bulle.

Dans les boissons light, le sucre est retiré, mais des édulcorants comme l’aspartame sont ajoutés à la place. Or ce produit a le pouvoir de réduire la tension de surface de l’eau : on dit que c’est un tensioactif. Sous son effet, l’eau résiste moins à la formation de bulles et elles sont plus nombreuses, et plus petites aussi.

Et avec d’autres gaz ?

Certaines bières contiennent de l’hélium, non pas pour le goût, mais pour s’amuser à avoir cette voix de Donald Duck quand on parle (une question d’absorption de certaines fréquences dans le gaz).
Ces bières contiennent toujours du CO2 (produits par la fermentation), et restent donc piquantes à cause de ça, sans que l’hélium n’y change quoi que ce soit.

En principe, donc, une boisson dont les bulles sont exclusivement formées par autre chose que du CO2 ne piqueraient pas, ou en tout cas pas de la même façon. Ceci reste difficile à tester toutefois, car le CO2 est environ 50 fois plus soluble que l’oxygène ou le diazote, tous les deux constituants de l’air. Les quelques gaz plus solubles dans l’eau que le dioxyde de carbone comprend par exemple le dichlore ou le sulfure d’hydrogène, qui sont très ou extrêmement toxiques, et peu recommandables.

Certaines autres substances, comme la chantilly contiennent des gaz dissous également, en l’occurrence du protoxyde d’azote. On utilise spécifiquement ce gaz, car il est liposoluble (soluble dans le corps gras de la crème) alors que le CO2, acide, on l’a vu, risque de faire tourner la crème.
Ceci étant dit, le protoxyde d’azote ne produit pas de pétillement. Il reste néanmoins du gaz hilarant (le gaz hilarant est du protoxyde d’azote), il ne faut pas en abuser non plus.

Conclusion

Pour conclure : ce ne sont pas les bulles elles-mêmes, ni leur éclatement qui piquent quand on boit une boisson gazeuse. Il semble que l’effet soit dû spécifiquement à l’action de l’acide carbonique, un acide formé par réaction d’hydratation du CO2 par l’eau.

Le CO2 est utilisé car il est facilement soluble dans l’eau, contrairement à d’autres gaz courants, et sans danger.

Le CO2 est aussi le gaz qui est produit lors de la fermentation alcoolique de certains jus de fruits, un processus où des micro-organismes transforment les sucres en alcool. Dans le vin, on laisse ce gaz s’échapper jusqu’à la fin de la fermentation. Pour le champagne, le cidre ou encore la bière, la fermentation se fait dans un contenant fermé qui force le gaz à rester. Dans ce cas, la pression monte, le CO2 se dissout dans l’eau et on obtient des boissons à bulles.

Références

image d’en-tête d’Antoine Cottais

3 commentaires

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blux écrit :

Il est aussi à noter que les bulles ne se créent pas n'importe où.
Dans un verre rigoureusement propre, aucune bulle ne pourrait se former.
Ce sont les micro-aspérités de la paroi du contenant (qu'elles soient dues à la fabrication ou extérieures : poussière, résidu de torchon...) qui font que le pression du liquide à cet endroit se modifie à la baisse permettant au CO2 de passer à l'état gazeux.
Cet endroit porte le joli nom de "site de nucléation"...
Et la quantité, la taille et la régularité des bulles sont dues uniquement à la structure de ce site de nucléation.

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Lokoyote écrit :

Outre l'hélium dans les bières qui reste clairement anecdotique, l'utilisation d'azote est souvent ajouté en complément du CO2 pour jouer sur la structure de la mousse en la rendant plus onctueuse et sur l'effet en bouche en simulant une bière onctueuse car la perception du N2 en bouche n'est pas le même que le CO2 qui "pique".

NB également, le champagne est un vin dit "effervescent", ça reste donc un vin, comme les mousseux ;)

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blux écrit :

D’une, si c’était le cas, alors le picotement serait ressenti par exemple avec un doigt que l’on plongerait dans la limonade.
Pas forcément, à la surface de notre peau se trouvent des récepteurs qui captent tout un tas de signaux, ce sont des nocicepteurs. Ils réagissent au contact (mécanique), à la température (chaleur/froid) ou à d'autres choses (produits chimiques...) en envoyant des signaux de protection au cerveau et à la moelle épinière (douleur). Il est très probable que la concentration en acide carbonique ne soit pas suffisante pour qu'elle soit signalée.
Dans la bouche, on trouve aussi des nocicepteurs mais sans doute avec des niveaux de sensibilité plus faible que sur la peau.


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