Les aimants sont fascinants, qu’on soit ou non un scientifique. Vous savez par exemple que vous pouvez vous en servir pour soulever des trombones ou d’autres pièces de métal ; mais savez vous qu’on peut aussi faire des trucs plus étranges avec ? Comme repousser de l’eau ou faire léviter du carbone ?
Le paramagnétisme
Le magnétisme habituel, celui qui permet à un aimant de soulever des trombones, c’est le paramagnétisme : c’est le magnétisme du fer et de l’acier, mais aussi du nickel ou du cobalt.
Son fonctionnement est assez simple mais il faut quand même plonger au cœur de la matière. Dans les atomes comme ceux du fer, certains électrons, ceux situés en périphérie de l’atome et qui ne participent pas aux liaisons atomiques, sont comme « orientables » (on parle de moment magnétique de l’électron, qu’on pourrait décrire comme le sens de l’aimant représenté par l’électron).
Quand on soumet un échantillon de fer à un champ magnétique, ces électrons s’alignent tous dans le même sens que les lignes de champ du champ magnétique :
En résultat, le champ magnétique du matériau et celui de l’aimant s'ajoutent. Le matériau et l’aimant sont alors attirés l’un vers l’autre. C’est ce qui permet à un trombone de rester « collé » à un aimant.
De plus, vous avez peut-être remarqué que si on utilise un aimant relativement puissant, on peut créer un sorte de « serpent » avec les trombones : le premier trombone est collé à l’aimant, mais les autres trombones peuvent se coller au trombone précédent. On peut ainsi en faire coller deux ou trois à la suite, suivant la force de l’aimant.
Ceci est dû au fait que chaque trombone, en présence de l’aimant, devient un aimant également (à cause des électrons, tous alignés). Quand on retire l’aimant, les électrons reprennent une orientation aléatoire et l’aimantation disparaît.
Le ferromagnétisme
Si on reprend le cas précédent, où on colle des trombones à un aimant, mais que l’on utilise un aimant très puissant (aimant au néodyme par exemple), alors les trombones conservent une petite aimantation résiduelle même quand l’aimant est retiré.
Les électrons dans la matière restent alors orientés dans le même sens que l’aimant les as mis, même quand on retire l'aimant. On parle alors de ferromagnétisme.
Dans ce cas, le matériau est devenu un aimant permanent lui-même et il conservera cet aimantation tant que l’on ne la supprime pas (en chauffant fortement le matériau, par exemple).
Il faut noter que dans un matériau ferromagnétique, si les électrons s’orientent dans le même sens sous l’effet d’un aimant, puis conservent une partie de cette orientation une fois l’aimant retiré, le caractère aimanté de l’échantillon n’existe pas « de base ».
En fait, la matière est subdivisée en petites régions, appelées micro-domaines de Weiss. L’orientation des électrons de chacune de ces régions est identique, mais chaque domaine a une orientation aléatoire. Au total, l’échantillon dans sa globalité n’est pas aimantée tant que l’on n’applique pas un champ magnétique extérieur.
L’antiferromagnétisme
Dans les matériaux ferromagnétiques, les électrons s’orientent tous dans le même sens que le champ magnétique extérieur. Dans l’antiferromagnétisme, l’orientation est inversée d’un atome sur l’autre, formant un moment magnétique global nul :
Macroscopiquement, ce matériau réagit comme un matériau non magnétique (il n’est ni attiré, ni repoussé par un aimant), mais des phénomènes magnétiques interviennent tout de même au niveau microscopique.
Les matériaux antiferromagnétiques le sont en dessous d’une certaine température (dite de Neel) et sont généralement paramagnétique au dessus.
En plus des matériaux intrinsèquement antiferromagnétique, des assemblages de couches ferromagnétiques séparées par un isolant ont parfois également un comportement antiferromagnétique. Ces dispositifs là sont largement utilisés en électronique et en mécanique, à cause de comportement électroniques particuliers.
Ces constructions au comportement antiferromagnétique sont utilisés sur les têtes de lecture des disques durs, dans la mémoire vive magnétique (la Magnetic Random Access Memory, ou MRAM) et plus généralement dans d’autres formes de microsystème électromécanique (ou MEMS, de l'anglais) dont font partie les accéléromètres et les capteurs à effet hall que l’on trouve dans les smartphones aujourd’hui.
Le ferrimagnétisme
Un peu situé à l’intermédiaire entre le paramagnétisme (tous les électrons s’orientent dans le même sens) et l’antiferromagnétisme (les électrons s’orientent dans des sens deux à deux opposés), on trouve le ferrimagnétisme : les moments magnétiques des électrons sont bien opposés deux à deux, mais ceux étant dans le sens le champ magnétique extérieur sont plus fort que ceux dans le sens inverse. Le moment magnétique total dans un sens est donc supérieur à celui dans l’autre sens et le moment magnétique total de l’échantillon n’est donc pas nul :
Les matériaux ferrimagnétiques ont des propriétés anisotropiques, c’est à dire que l’orientation des cristaux utilisés a son importance. Ceci est utilisé dans le domaine du paléomagnétisme, où les roches ferrimagnétiques capturent le magnétisme terrestre de l’époque de leur formation. L’étude de ces roches permet de déduire que le champ magnétique terrestre s’inverse régulièrement au fil des éons. Inversement, on peut aussi dater une roche en analysant le champ magnétique qu’il a capturé.
Ces matériaux, ont aussi un intérêt dans les nanotechnologies : leur moment magnétique global étant « programmable » sous l’effet de la chaleur, certaines formes de mémoire vives et mortes pourraient utiliser des éléments ferrimagnétiques avec une tête de lecteur et d’écriture à base d’un laser. Le but étant d’avoir des modules mémoires beaucoup plus rapides que la mémoire actuelle, inscrite avec des tensions électriques seulement.
Le diamagnétisme
Quand, dans un matériau soumis à un champ magnétique, tous les électrons s’orientent dans le sens opposé au champ magnétique (donc l'inverse que dans un matériau paramagnétique), alors l’aimant et le matériau se repoussent et on parle de diamagnétisme :
Cette répulsion intervient à de degrés plus ou moins forts dans tous les matériaux, bien qu’elle soit généralement écrasée par d’autres types de magnétisme. Aussi, la répulsion entre un matériau diamagnétique et un aimant n’existe pas de façon intrinsèque : elle naît de la présence de l’aimant, et elle disparaît quand l’aimant est retiré.
On observe ceci par exemple quand on place du carbone pyrolytique au dessus d’un aimant : la répulsion est alors supérieure au poids du morceau de carbone et les deux forces (répulsion diamagnétique et poids) s’équilibrent. On a alors une lévitation du morceau de carbone au dessus de l’aimant :
Ce phénomène est également la vraie raison qui fait que les céréales sont attirées par un aimant : l’eau est également un matériau diamagnétique. L’aimant repousse donc l’eau, formant un creux dans lequel « tombe » la céréale.
Le diamagnétisme est dû à un ralentissement des électrons sur leur orbitales : Cette orbitale est comme une spire de courant, traversé par le flux magnétique de l’aimant. Ceci induit un courant de Lenz et un champ magnétique opposé à celui qui lui a donné naissance et ralentit les électrons. Cette diminution de vitesse des électrons produit réduit la susceptibilité magnétique du matériau et il devient moins magnétisable. Si la susceptibilité magnétique est nulle, elle devient négative : donc répulsive.
Elle a lieu dans tous les matériaux, mais elle ne voit pas toujours, surtout si les autres formes de magnétisme (paramagnétisme par exemple, qui sont bien plus puissantes) en masquent complètement les effets.