De la fumée bleue de cigarettes.
Avez-vous parfois constaté que toutes les fumées n’ont pas la même couleur ? Certaines sont blanches, d’autres noires… Et même hors du cadre d’un conclave, on peut trouver quelque chose à dire sur tout ça.

En l’occurrence, les fumées noires sont essentiellement constituées de suie imbrûlée et de particules lourdes, c’est-à-dire bien plus grosses que de simples molécules. Les fumées blanches sont plutôt chargées de vapeur d’eau et forment des nuages (entre autres molécules invisibles et plus ou moins polluantes évidemment).

Mais qu’en est-il des fumées bleues, comme celles observées avec une cigarette ? Et pourquoi, cette même fumée, devient-elle blanche lorsqu’elle est expirée ?

Ce phénomène curieux fait l’objet de cet article. Et non, ce n’est pas une raison pour se mettre à fumer.

La fumée bleue : une question de taille

Ce qui détermine la couleur d’une substance gazeuse, comme une fumée, c’est la façon dont les molécules du gaz interagissent avec la lumière. En particulier, comment et par quel mécanisme la lumière est diffusée — déviée — par le gaz.

Une des formes de diffusion possible est la diffusion de Rayleigh.
Cette diffusion existe quand les particules sont bien plus petites que la longueur d’onde de la lumière. Pour le visible, cela signifie une taille de l’ordre de 100 nm (0,1 µm) maximum.
Cette diffusion se produit alors si les particules se trouvent sur la trajectoire d’un rayon lumineux : l’onde lumineuse, qui n’est autre qu’une oscillation du champ électromagnétique, provoque une oscillation des électrons des atomes qu’elle rencontre et ces derniers vont renvoyer leur propre lumière, identique à celle qui a provoqué la vibration. Il en résulte que la lumière est renvoyée dans toutes les directions autour de cet atome :

Principe de la diffusion de Rayleigh.
Principe de la diffusion de Rayleigh (image)

L’intensité de la diffusion de Rayleigh dépend de la longueur d’onde de la lumière diffusée. Plus précisément, cette dépendance est à la puissance −4. Cela signifie que si la longueur d’onde est multipliée par 2, alors la diffusion est divisée par 16 (car 2⁻⁴ = 1/16). Une faible augmentation dans la longueur d’onde constitue donc une réduction importante dans la diffusion de cette longueur d’onde. Ce que cela signifie pour nous est que le bleu est fortement diffusé, et les autres couleurs, nettement moins.

Tout ce processus est ce qui se produit avec la fumée de cigarette : cette fumée est très fine (les particules sont plus fines que 100 nm) et sous la lumière blanche, le bleu est renvoyé dans toutes les directions, y compris vers l’observateur, alors que les autres couleurs continuent leur chemin en ligne droite, car elles sont peu ou pas diffusées. La fumée nous apparaît donc bleutée.

Et pour la fumée expirée, qui est blanche ?

Maintenant, quand un fumeur inhale la fumée et l’expire quelques instants après, les particules ne sont plus sous le même état dans l’air expiré. L’air dans les poumons est très humide, et cette humidité se condense sur les impuretés. Ici, les particules de la fumée vont produire de petites gouttelettes.

Ces gouttelettes sont beaucoup plus grosses et la diffusion de Rayleigh ne fonctionne plus. La diffusion qui a lieue à présent est appelée diffusion de Mie, qui correspond à la diffusion obtenue quand les particules sont bien plus grosses que la longueur d’onde incidente.
Quand on éclaire cette fumée constituée de gouttelettes d’eau, toutes les longueurs d’ondes sont diffusées dans les mêmes proportions et la lumière blanche est déviée dans sa globalité : la couleur de la fumée est… blanche.

C’est pour ça que je disais plus haut que l’on observe en réalité un nuage : eux aussi sont composés de gouttelettes d’eau, comparativement grosses par rapport aux molécules. Et c’est aussi la raison pour laquelle les nuages sont blancs : toute la lumière y est diffusée par le principe de la diffusion de Mie.

Et pour la complétude : l’origine de la couleur bleue de la fumée est également celle de la couleur bleue du ciel : les très fines impuretés, les molécules elles-mêmes et les variations dans la densité de l’air produisent la diffusion de Rayleigh. Le bleu nous vient donc de tous les côtés, alors que les autres couleurs, le jaune, rouge, vert, orange… nous provient seulement directement du Soleil, qui est donc jaune-blanc.

Image d’en-tête de Lindsay Fox

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