bechers en chimie
Ils sont instables, explosifs, corrosifs ou oxydants : certains produits chimiques sont tellement puissants qu’ils nécessitent d’importantes précautions d’emploi, même pour les professionnels.

L’hydrogène

Composant des 3/4 de l’univers connu, l’hydrogène est sur Terre un gaz explosif, détonant et très combustible. Il s’associe avec l’oxygène de l’air pour former de l’eau et libérer une importante quantité d’énergie (mise à profit dans les boosters des fusées).
Dans la bombe à hydrogène (bombe H), la plus puissante bombe créée par l’homme, ce n’est pas sa réactivité chimique qui est utilisée, mais un mécanisme de fusion thermonucléaire.

La nitroglycérine

la nitroglycérine
Classique : ce composé liquide de formule C3H5(NO3)3 explose en formant plusieurs gaz, dont le dioxyde de carbone, le diazote, du dioxygène et l’eau. Si son explosion est si importante c’est en partie à cause de la grande quantité de gaz produits : plus de 1000 fois le volume de gaz par rapport au volume liquide.
La nitro est également très instable mécaniquement : un choc peut détruire la fragile molécule et libérer de la chaleur pour produire une réaction en chaîne. En revanche, des bâtons de sable ou du carton imbibé de nitro sont stables : sous cette forme, c’est de la dynamite. Il peut alors être transporté et même jeté au feu sans que ça n’explose. Pour le faire péter, il faut une onde de choc, telle qu’une étincelle. Ce procédé, breveté par Alfred Nobel, à la fin du 19ᵉ siècle, lui permis d’acquérir une immense fortune, dont les seuls intérêts suffisent encore aujourd’hui à distribuer les fameux prix Nobel.

L’oxygène liquide

L’oxygène est un comburant : il permet une combustion. Sa forme gazeuse pure est déjà suffisamment concentrée pour réactiver instantanément la flamme d’une allumette simplement incandescente. L’oxygène liquide est chimiquement 1 485 fois plus concentré et a donc un pouvoir oxydant plus important. Certains produits explosent à son contact, comme ce coton imbibé d’où l’on approche une flamme.
L’ozone, ou tri-oxygène, est encore plus corrosif que le dioxygène normal.

Le tri-iodure d’azote

trinitrure d’azote
Ce produit, sous sa forme solide, est des plus instables : un simple effleurement par une plume suffit à produire sa détonation. Sous sa forme dissoute dans l’eau il ne pose pas de problèmes, mais l’endroit où il sèche sera forcément l’endroit où il va exploser. Il est impossible de le transporter, car le moindre choc provoque son explosion : même une particule cosmique ou un bruit un peu fort peuvent déclencher l’explosion.

Le difluore

La plupart des produits chimiques sont conservés dans du verre, car ce dernier est assez peu oxydable. Le difluor est un des gaz si corrosifs qu’il attaque le verre. Le fluor est ce qu’on appelle « électronégatif » ce qui signifie qu’il est en manque d’électron. Attaquer un matériau pour lui prendre un électron est sa façon de se stabiliser.

Le fluor attaque l’intégralité du tableau périodique à la seule exception des deux éléments les plus stables : l’hélium et le néon. Même le platine ou l’or ne sont épargnés.
Une des façons de le stocker est d’utiliser un récipient en nickel oxydé : la couche d’oxydation arrive à stopper la corrosion par le fluor.
N’importe quel matériau s’enflamme instantanément au contact de ce gaz : papier, coton, bois, acier.

On trouve du fluor dans le dentifrice ou le sel de table, mais il n’est pas pur. Car une fois que le fluor a trouvé un électron, il est stable et ne présente aucun danger. Dans le dentifrice, il oxyde les dents pour se fixer dessus, empêchant les bactéries de le faire et protégeant ainsi la dent.

Le difluorure de dioxygène

difluorure d’azote
Le difluore ci-dessus est déjà exceptionnellement réactif, et le dioxygène — celui que l’on respire — l’est mine de rien également. Quand on met les deux ensemble et que l’on chauffe, ils se réarragent une seule molécule de O2F2, ou F-O-O-F, parfois appalée simplement FOOF.

Ce matériau est un des plus puissants oxydants connus et il arrive à décomposer à peu près n’importe quoi, même à des températures cryogéniques et à l’état solide. Il fait exploser de la glace d’eau, du méthane liquide et même l’ammoniac.

Il est très instable et se décompose même à des températures de −160 °C en dioxygène et difluores, eux-mêmes encore très réactifs. Il n’a à ce jour pas d’applications connues, car il est impossible de le conserver de façon sécurisée : nombre d’expériences parmi lesquelles le FOOF est intervenu ont fini en incendies et explosions

(merci à Théo pour m’avoir partagé cette molécule là !)

L’eau régale

L’eau régale est le seul acide (sauf les superacides) capable de dissoudre l’or. C’est un mélange d’acide chlorhydrique d’acide nitrique concentré. L’acide nitrique arrive à retirer un atome d’or, et l’acide chlorhydrique arrive à le prendre à l’acide nitrique, pour qu’il en retire un autre, et ainsi de suite.
Les deux acides pris de manière séparée n’arrivent pas à dissoudre l’or, ce qui est d’autant plus intéressant d’un point de vue chimique.

L’acide fluoroantimonique

l’acide fluoroantimonique
(source)

C’est le superacide le plus fort connu à ce jour. Il est dix mille millions de milliard de fois plus puissant que l’acide sulfurique à 100 % ! L’étudier est assez difficile en raison de ça, vu qu’il dissout tout ce qui entre en contact avec lui. Il est par ailleurs très difficilement conservable, et seul le téflon peut s’en charger.

La thermite et la thermate

La thermite est un mélange d’aluminium et d’oxyde de fer tous les deux en poudre. Sa particularité est de générer une chaleur plus qu’intense atteignant les 2 500 °C. Cette vidéo le montre à l’œuvre en train de fondre à travers un bloc moteur, en quelques secondes. La thermate contient en plus du soufre par rapport à la thermite, qui augmente encore plus ses effets.

Le potassium métallique

Le potassium, comme le sodium ou le césium et tous les éléments solides de la première colonne du tableau périodique réagissent violemment au contact de l’eau : ils s’enflamment et explosent, libérant de l’hydrogène qui va lui aussi exploser. Le produit qui reste est, dans ce cas, une solution d’hydroxyde de potassium : un agent très corrosif.

L’octonitrocubane

l’octanitrocubane
C’est une belle molécule en forme de cube avec à chaque coin un groupe nitro NO2. Il s’agit de l’explosif non-nucléaire le plus puissant au monde, mais qui malgré cela est extrêmement résistante et stable : il peut être chauffé à 200 °C et percuté avec un marteau sans qu’elle explose. Sa synthèse est cependant difficile, et la production à grande échelle n’est pas encore possible.

Le trifluorure de chlore

Ce produit est corrosif, toxique (il dissout la chair et les os), explose au contact de l’eau, entre en ébullition exposée à l’air et brûle à plus de 2 400 °C. Il a été mis au point par les Nazis avant la seconde guerre mondiale, mais fut rapidement abandonné car trop dangereux et délicat à manipuler.
Il est tellement instable qu’il dissout le béton et réagit vivement si le récipient qui le contient n’est pas propre.

Le diazide de (5-azido-1H-tétrazol-1-yl)-carbamimidoyle

azoazide azide
Souvent, une molécule carbonée qui contient beaucoup d’atome d’azote est aussi un puissant explosif. C’est le cas de la nitroglycérine, ou de l’octonitrocubane vu ci-dessus. La présente molécule (azidoazide azide en anglais, et dont j’ai dû recréer le nom français avec un peu d’aide) contient quatorze atomes d’azote pour deux atomes de carbone, ce qui en fait l’un des explosifs les plus puissants au monde, mais contrairement à l’octonitrocubane et à l’instar du tri-iodure d’azote, il est très instable ! Il explose aux chocs, au bruit, quand on allume la lumière, le place en solution et même… sans aucune raison particulière.

Le tétraazidométhane

tetraazidomethane
Prenez un atome de carbone et collez-lui 4 groupes d’azoture instable N3 : vous avez formé du tétraazidométhane, la molécule organique avec la plus haute concentration en azote, et l’une des plus denses en énergie !
Il est dit qu’une seule goutte de ce produit peut faire péter le récipient qui le contient, en plus de la hotte de protection sous laquelle on le manipule.

Lien :

(Cet article a initialement été publié sur Le Hollandais Volant. J’ai décidé de le déplacer ici, avec ses commentaires)

image de Kingway School

15 commentaires

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brusicor02 écrit :

Bonjour, je n'ai pas compris pourquoi parler de potassium "solide", alors que cela ne détermine pas leur réactivité. Un adjectif plus approprié aurait été "métallique".

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Gokudera ElPsyCongroo écrit :

Super intéressant merci pour l'article !
Un truc que je ne comprends pas : qu'est-ce qui fait qu'un produit chimique est instable ? J'ai compris qu'il est instable quand il est plus ou moins sensible aux perturbations, mais à l'échelle moléculaire quels sont les critères ? L'électronégativité par exemple pour le fluor, y en a-t-il d'autres ? (j'ai peut-être fait ça en physique chimie un jour mais aucun souvenir je suis en lettres lol)

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Michel écrit :

Je confirme que l’hydrogène est l'un des produits chimiques les plus puissants, d’ailleurs il y a beaucoup des recherches sa capacité explosive et on a crée par exemple des voitures qui roulent à l’hydrogène dissolue de l'eau..

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Le Hollandais Volant écrit :

@brusicor02 : effectivement, métallique est ce que je voulais dire ici.
Ceci dit, certains produits réagissent plus facilement selon l’état physique dans lesquelles ils se trouvent. Un gaz par exemple, offre plus de surface de contact pour permettre une réaction que deux liquides non miscibles ou deux solides.

@Gokudera ElPsyCongroo : Un produit instable, c’est un produit qui ne reste pas sous sa forme initiale, et qui peut se décomposer, réagir tout seul ou avec une petite perturbation.
Pour faire simple, c’est une question d’énergie. Les produits veulent être dans un état où ils se délestent le plus possible de l’énergie dont ils disposent. L’énergie qui leur reste est alors très bas.

Si on prend l’exemple du diazote, il s’agit d’une molécule notée $\text{N}_2$ où les deux atomes d’azote sont liés par une triple liaison de très basse énergie (et donc très forte : la molécule n’a pas beaucoup d’énergie). Pour briser cette molécule, il faut donc apporter nous même une grande quantité d’énergie (tout ce que la molécule n’a pas, en fait). Dans la nature, rares sont les réactions qui peuvent briser une molécule de $\text{N}_2$, et la molécule de diazote est donc inerte, peu réactive.

À l’inverse, si on prend la molécule de nitroglycérine, cette molécule a plusieurs liaisons à haute énergie (donc bien loin de son état stable où la molécule a évacué l’énergie qu’elle a). Pour briser cette molécule, il suffit donc d’un tout petit apport d’énergie : un choc ou une étincelle, par exemple.
Certaines molécules comme le tri-iodure d’azote ou l’azidoazide azide sont à la limite de contenir assez d’énergie pour se désintégrer d’elles-même, et parfois la moindre perturbation suffit à tout faire sauter.

De là, les molécules réagissant, les atomes se recombinent de façon à être d’avantage stable : ils en profitent pour libérer toute l’énergie sous forme de chaleur, de bruit, de lumière…

L’électronégativité est un critère, mais c’est plutôt pour le caractère corrosif ou oxydant. Le fluor attaque tout ce qu’il trouve, mais il n’explose pas quand il est seul.

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FlorentPessina écrit :

je vous conseille les publications de Thomas M. Klapötke si vous vous intéressez aux molécules ayant le plus d'azote possible !
https://scholar.google.com/scholar?q=+Klapotke&hl=fr
http://blogs.sciencemag.org/pipeline/archives/2013/01/09/things_i_wont_work_with_azidoazide_azides_more_or_less

D'ailleurs n'oublions pas que tout matériaux énergétique peut s'auto dégrader (déflagrer ou bruler généralement, les détonations surviennent plutôt en détonation sympathiques) avec le temps ou selon son stockage (sous son propre poids, sous confinement etc)

PS:cet article manque cruellement d'illustration si je peux me permettre (formule de Lewis)

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blux écrit :

bon article, tu aurais pu aussi parler de l'acide fluorhydrique, d'usage 'presque' courant dans l'industrie.

Petite remarque : détonnant à changer par détonant. En effet, détonnant signifie 'qui sort du ton' alors que 'détonant' signifie 'qui provoque une détonation'. La langue française a ses petits secrets (comme balade et ballade :-))

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graffx écrit :

Merci Timo, comme d'hab, un régal de te lire....

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Le Hollandais Volant écrit :

@FlorentPessina : j’ai ajouté quelques images :)

@blux : C’est vrai, mais je dirais que l’acide fluoroantimonique le remplace bien.
Le HF sert surtout à dissoudre des corps, si tu vois la référence ;)

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Mendeleiev écrit :

C'est un peu perturbant de voir noté "hydrogène" et "oxygène" qui sont des éléments et non des produits. Écrire "dihydrogène" et "dioxygène" serait juste.

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Mathias Poujol-Rost écrit :

Concernant l'oxygène liquide, c'est aussi pour ces raisons que l'oxygène médical (en hopital, poste de secours...) doit être éloignée de toute graisse : porter des gants "secs", ne pas graisser ou tenter de lubrifier la bouteille...

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Chimie écrit :

Fluor ou hydrogène le plus réactif?

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Le Hollandais Volant écrit :

@Chimie : Le fluor réagit spontanément avec tous les éléments du tableau périodique (sauf deux).
L’hydrogène est explosif, mais pas si réactif que ça (il faut une énergie extérieure dans la plupart des cas).

Je dirais donc le fluor :)

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Red écrit :

Est-ce que ces représentations des molécules sont l'exacte réalité ou bien c'est un schéma ? Elles me semblent très géométrique, et proportions symétriques pour la plupart d'entre elles. Je n'y connais rien en chimie, je m'intéresse juste à des sujets, et je vois ces formes qui m'ont l'air un peut trop parfaites pour être vraies, mais la nature sais se montrer bluffante quand elle veut. Donc si quelqu'un pourrait me dire...

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Le Hollandais Volant écrit :

@Red : les molécules ont des formes bien précises et certaines sont symétriques.

Suffit de voir les flocons de neige ou les cristaux de bismuth pour voir ce que la nature peut faire :

https://couleur-science.eu/?d=2f27fa--dou-vient-la-forme-des-flocons-de-neige

https://cdn.futura-sciences.com/buildsv6/images/largeoriginal/7/a/f/7affa5c150_82658_bismuthok.jpg

Tout ceci s'explique par la chimie.

Autre exemple : le sel et le sucre : ces cristaux sont cubiques, et si on ne les casse pas pour en faire des petits grains, les cubes (quasi-parfaits) peuvent faire la taille d'un dé à jouer :)

Dans le cas de molécules dans l'article, par exemple l'octonitrocubane, ce sont des molécules faites de façon synthétique. Mais ça ne les empêche pas d'exister.

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Red écrit :

Merci pour ta réponse. C'est bon à savoir pour le sucre et le sel.

Etant spirituel j'y vois l'oeuve divine. Pas au sens d'un dieu personnifié de type abrahamique, mais un ordre divin, et un esprit de Dieu qui s'exprime au travers d'un certain logos, nombres, géométrie, logiques, verbe, idées, systèmes. Un big bang tout hypothétique ne peut pas expliquer ce qui pousse les atomes à se mouvoir dans un sens ordonné plutôt que chaotique. C'est force constituante, ce mouvement qui va pousser les atomes à se former en cellule puis à fabriquer un foie ici, un cerveau ultra complexe là-haut, etc. Maintenant que tu me confirmes que ces formes géométriques sont bien créées par la nature, cela renforce ma conception créationniste du monde. Pas la peine de t'énerver, je ne cherche pas à te convaincre, et je sais que passant par un forum scientifique, l'esprit est plutôt dans la rationalité matérialiste plutôt que la rationalité du sacré, mais je pense qu'il est scientifique et rationnel que de dire qu'on ne peut pas attribuer au hasard le fait qu'en jetant en l'air un jeu de carte, il serait fort probable qu'il retombe au sol en château de carte parfaitement équilibré !

A plus peut-être.


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