Mon horloge Nixie.
Bien avant les afficheurs LCD ou Led existaient les afficheurs 7 segments, qui permettaient d’afficher les chiffres avec 7 traits seulement. Et bien avant ça, existaient des lampes avec 10 filaments différents dont un seul était alimenté à un moment donné : ces lampes portent le nom de « tube Nixie ».

La lumière produite par ces lampes est très caractéristique et rappelle à juste titre les tubes néon des devantures de magasins des années 60. Le truc étonnant c’est que si les vieilles ampoules à filament chauffaient fortement, les néons et les tubes Nixie restent froids.
Dans cet article, on va voir la technologie derrière ces lampes.

Un type de lampe à décharge

L’horloge Nixie utilise des lampes à décharge comme afficheur.
Dans les lampes à décharge, une cathode plongée dans un gaz est soumis à une haute tension (15 000 V). La cathode va alors éjecter des électrons vers l’anode. Ces électrons, en traversant le tube, vont frapper les atomes du gaz et les exciter. C’est ensuite en se stabilisant que les atomes vont produire de la lumière. La couleur de la lumière dépend de l’atome et donc du gaz utilisé :

Principe d’un tube fluorescent.
Le filament sous haute tension éjecte des électrons, qui vont exciter les atomes du gaz. Ces derniers se stabilisent en émettant de la lumière (rouge si le gaz est du néon).

Contrairement à une lampe à filament, où c’est la lumière provient de l’échauffement d’un filament consécutif au passage du courant, les lampes à décharges ne chauffent pas. La lumière est dite « froide ».

Les ampoules Nixie ne sont pas faites pour éclairer une pièce, juste à produire une lumière visible pour afficher l’heure. Il n’y a donc pas de transformateur 15 kV dedans. Cependant, les tensions appliquées sont de l’ordre de 170 V, obtenus par un petit circuit à partir de l’alimentation 12 V branché dans le socle.

Les filaments restent plongés dans une ampoule remplie de néon, un gaz. Sous l’effet d’une tension de 170 V, seul le néon directement en contact avec le filament est ionisé et luit d’une couleur orange. Le chiffre est donc clairement visible, alors que si l’on appliquait 15 000 V, tout le néon de l’ampoule sera lumineux et on ne distinguerait plus le chiffre.

La technologie Nixie est désuète : les lampes sont grosses, fragiles, nécessitent autant de filaments que de chiffres et ont besoin des hautes tensions. Ils ont aussi une durée de vie limitée car la cathode se met à noircir après quelques dizaines de milliers d’heures de fonctionnement, chose qui n’apparaît pas sur les LED basses tensions.

De l’ampoule à l’horloge

Dans une même ampoule Nixie, il existe 10 cathodes différentes : une pour chaque chiffre. L’ordre des filaments est d’ailleurs pensé pour que les filaments de devant cachent le moins possible ceux de derrière. Les chiffres plus difficiles à lire donc devant et le plus simple, le 1, est tout au fond, car il est reconnaissable même s’il est partiellement caché. L’ordre des chiffres sur les tubes soviétiques est généralement 1-6-2-7-5-0-4-9-8-3, avec le 1 au fond et le 3 tout devant.
À noter que bien-souvent que si le 6 et le 9 sont identiques, il en va de même pour le 2 et le 5 : cela réduit à 8 le nombre de filaments différents pour 10 chiffres et permettait de réduire les coûts de fabrication.

De nos jours, c’est un circuit électronique moderne qui contrôle la cathode à alimenter et donc quel chiffre devient lumineux.
Sur l’horloge Nixie, on dispose de 6 tubes Nixie pour afficher l’heure en entier. Certaines horloges à 4 chiffres existent aussi et s’affranchissent alors de l’affichage des secondes à des fins d’économie.

À l’origine, les afficheurs à Nixie servaient à afficher ce qu’on voulait : la date ou l’heure bien-sûr, mais aussi la fréquence sur un poste radio, la tension mesurée sur un voltmètre, la température, le résultat sur une calculatrice… bref c’était un afficheur comme un autre.

Aujourd’hui, ils reviennent à la mode pour leur design rétro principalement dans les horloges au design varié : du plastique futuriste, au bois/cuir classique en passant par le design steampunk.
Certains modèles ajoutent des LED RGB sous l’ampoule pour accentuer les couleurs. Pour ma part, j’aime beaucoup la lumière bleu foncé, comme vous pouvez le voir dans l’image d’en-tête : je trouve ça donne une image de flamme au gaz, en plus de la couleur chaude des filaments.

Fabriquer ce genre de tubes est relativement difficile, et ça explique le prix élevé de ces horloges.

Beaucoup d’ampoules proviennent de l’époque soviétique, car l’URSS les a fabriqués en masse jusque dans les années 80, alors que le reste du monde utilisait alors les afficheurs 7 segments. Une bonne partie des boutiques qui fabriquent ces objets sont d’ailleurs situées en Russie ou en Ukraine.

Enfin, rien n’oblige à avoir des filaments en forme de chiffres : il en existe avec des lettres ou d’autres symboles plus ou moins exotiques servant simplement à amuser la galerie.

À propos du nom « Nixie »

Le nom Nixie dériverait du nom initial de cette ampoule : « Numeric Indicator eXperimental No. 1 », ou « indicateur numérique expérimental n° 1 », où le « 1 » final est lu comme un I.

Lien

Mon horloge Nixie provient de chez Nixie Shop, une boutique ukrainienne. Rien à redire sur la qualité et le prix est parmi le plus bas de ce que j’ai pu trouver.
Il en existe plein d’autres, au design aussi varié que vous voudrez, comme mentionné plus haut.

Image d’en-tête : travail personnel.

10 commentaires

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Pépito écrit :

super article comme d'habitude :) ces lampes me font vraiment penser au fonctionnement d'un écran cathodique avec le canon à electron etc. Elles ont été créé à partir de ce fonctionnement ?

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Le Hollandais Volant écrit :

@Pépito : Nope, pas du tout :)

L’écran à tube à rayon cathodique (cathode ray tube, ou CRT) utilise un faisceau d’électrons émis par une haute tension (10 kV) de façon unidirectionnelle dans le vide. Le faisceau (dirigé) heurte ensuite un écran recouvert de poudre luminescente (les pixels).
Dans les tubes Nixie, il n’y a pas de direction privilégiée pour le rayon : les électrons sont émis dans toutes les directions, et dans un gaz, pas le vide.

L’origine de la lumière reste la même cependant : un électron a excité un atome et ce dernier émet une lumière pour retourner dans son état stable.

Le Nixie est plus proche du tube fluorescent (que ce soient les « tubes néon » des enseignes durant des années 30/60, les tubes fluo actuels — sans néon, ou les tubes fluocompacts, qui sont des tubes identiques mais plus petits).

Je vais peut-être faire un article sur les CRT. Il y a à dire dessus. C’est une technologie sympa. J’ai un tube cathodique chez moi, avec la croix de Malte dedans pour mettre le rayon en évidence. Mais ce truc émet des rayons X aussi, donc faut faire gaffe :)

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Pépito écrit :

@Le Hollandais Volant : hann ok c'est vrai que j'avais pas pensé au gaz pour le coup mais c'est tout de même intéressant

(et puis pour les Rayon X ça fera des scanners gratuit)

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blux écrit :

@Le Hollandais Volant :
Euh, le scanner est un appareil à rayons X !
L'IRM n'irradie pas, se contentant de capter les signaux d'atomes soumis à un champ magnétique.

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Le Hollandais Volant écrit :

@blux : J’ai été voir suite à ton comm, et tu as raison ! Je connais le mécanisme d’une IRM, mais pour moi c’était synonyme d’un scanner. Merci du coup :D
Le scanner est donc plus proche d’une radiographie que d’une IRM.

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Juju écrit :

Ceci dit, il y a bien de la radioactivité pour faire fonctionner le "PET Scan"; elle est injectée dans le patient. Sinon, très joli objet !

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Pierre écrit :

Super article !! Je ne connaissais pas du tout ces horloges mais c'est très intéressant !!
Une raison particulière au fait que l'URSS en a fabriqué en masse ?

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Le Hollandais Volant écrit :

@Pierre : je ne sais pas trop, mais je pense que c'est parce que l'URSS avait pour politique de fabriquer des trucs en masse, en immenses séries, et de stocker ça en attendant d'être vendus. Ça vaut pour les armes de guerre, mais aussi ces composants. Entre temps les Nixies ont finis par être abandonnés, mais les stocks n'ont jamais été détruits ou recyclés (chose que beaucoup d'autres pays, d'Europe, les USA, etc. auraient fait).

Depuis, les Nixies sont revenus à la mode pour un usage decoratif et les stocks russes peuvent de nouveau être écoulés.

Je pense qu'il en sera de même pour les ampoules à filament, par exemple. Ils reviennent pour un usage éducatif ou artistique. J'en ai une chez moi, pour faire tourner mon radiometre de Crookes :)

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Cyprien écrit :

Chouette article comme d'habitude :)

A l'heure actuelle il y toujours un afficheur de ce type en salle de commande des réacteurs de la centrale du Bugey pour afficher la puissance, on peut le voir sur cette photo d'ailleurs (https://cdn-s-www.leprogres.fr/images/DDFBFB5A-4BB5-4BB4-9D06-194E7924E7B5/NW_raw/dans-la-salle-de-commande-d-un-reacteur-de-la-centrale-du-bugey-un-systeme-independant-du-reseau-informatique-qui-gere-internet-ou-les-boites-mail-photo-laurent-thevenot-1444343112.jpg).


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