Les masques FFP1, FFP2, FFP3 sont des masques dont l’objet est de protéger le porteur. Les autres servent avant tout à protéger les autres en bloquant les particules émises par le porteur (en parlant ou toussant) et leur pouvoir filtrant est limité. « FFP » signifie d’ailleurs filtering facepiece, soit « élément facial filtrant ».
Ces masques sont soumis à des normes précises en matière de filtration des corps étrangers (hors gaz) : poussières, bactéries, virus…
Ainsi, quand il est porté correctement, de façon étanche notamment (donc exit la barbe !), on obtient les spécifications pouvoirs filtrants suivants :
Taux de filtrage des masques FFPx | |
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FFP1 | Filtration d’au moins 80 % des particules en suspension |
FFP2 | Filtration d’au moins 94 % des particules en suspension |
FFP3 | Filtration d’au moins 99 % des particules en suspension |
À première vue, il semble logique qu’un masque en matière fibreuse puisse filtrer les poussières les plus grosses : ces dernières, plus grandes que le maillage des fibres sont donc bloquées physiquement : ils ne passent tout simplement pas à travers le masque, qui agit comme une vulgaire passoire.
Les masques FFP2 et FFP3 en particulier sont certifiés pour bloquer, en plus des poussières grossières, certains virus et d’autres particules plus fines, comme l’amiante.
Là où ça devient curieux, c’est qu’un virus est incroyablement fin : ce n’est qu’un brin d’ADN dans une protéine : certains ne font qu’une centaine de nanomètres ! C’est donc 1 000 fois plus fin qu’un cheveu, et une centaine de fois plus fin que les fibres utilisées pour confectionner les masques. Pourtant ces masques fonctionnent très bien !
Comment ces masques peuvent-ils filtrer des corps beaucoup plus fin que leurs fibres ?
La réponse à cette énigme : une astuce !
Une question de taille
Si une toute petite poussière arrive droit sur un masque, il peut facilement se trouver sur une trajectoire qui passe à travers l’ensemble des fibres : le filtrage n’est donc pas efficace dans ce cas.
Sauf que plus la poussière est petite, plus elle subit les chocs des molécules dans l’air, autrement dit le mouvement brownien.
Si la poussière arrive près d’un masque, ce dernier n’a pas besoin d’être infiniment épais : la poussière rebondit sur l’air situé entre les fibres du masque, et il y a alors de fortes chances qu’il finisse par toucher les fibres et s’y coller.
Il faut savoir une chose ici, c’est qu’au niveau microscopique, pratiquement tout devient « collant », un peu comme au niveau astronomique, tous les corps s’attirent, par gravité.
Dans le cas des corps microscopiques, on parle de forces intermoléculaires comme la force de van der Waals, la même qui permet à la colle ou aux sticky-pad de coller.
Sachant cela, le contact d’une particule avec une fibre d’un masque suffit pour que la particule cesse sa propagation dans l’air. En utilisant un grand nombre de fibres, cela permet à un nombre important de particules d’être capturées dans le masque et de protéger le porteur.
Les poussières plus grosses, elles, sont directement filtrées par blocage dans les fibres.
Ce qu’un masque de protection faciale peine à réellement filtrer, ce sont les particules de taille intermédiaire : celles qui sont trop petites pour être physiquement filtrées, mais trop grandes pour être déviées et donc être envoyées sur le masque pour être captées par les forces moléculaires.
Mais pour cela, il y a une autre méthode physique implémentée dans les masques FFPx !
Une question d’électricité statique
Dans ce qui précède, j’ai dit que les particules les plus petites finissent statistiquement toujours par heurter les fibres du masque. Ceci est important, car tels que les masques sont faits, les particules (virus, pollen…) restent collées, piégées sur les fibres !
C’est le contact avec les fibres qui fait qu’un petit corps étranger va rester piégé par le masque grâce aux forces de van der Waals.
Pour les particules de taille intermédiaire qui réussissent à passer entre les fibres, il faut une autre solution : il faut les forcer à entrer en contact avec les fibres. Ceci est principalement réalisé grâce à l’électricité statique.
La raison qui fait qu’un masque retient la poussière et les corps étrangers est la même qui fait que ces vieux écrans cathodiques retenaient si bien la poussière : ces écrans étaient chargés en électricité statique.
Alors les masques ne sont globalement pas chargés (vous ne risquez pas un choc électrique en les portant), mais les fibres le sont au niveau microscopique ! Un côté de la fibre est chargé positivement et l’autre négativement. Globalement le masque est neutre, mais à plus petite échelle, les poussières verront des champs électriques non-nuls partout et y seront soumises.
On réalise ça en plaçant les fibres dans un important champ électrique lors de leur fabrication.
Grâce à ce procédé, si une poussière passe par là, sous l’influence du champ électrique, elle va également produire une différence de charge, finir par s’y coller et rester piégé dedans :
Ajoutons que les lingettes et autres plumeaux ultra-dépoussiérants fonctionnent sur le même principe : ils piègent la poussière par des phénomènes de nature électrique plus que mécaniques. Remarquons que ces plumeaux sont, comme les masques FFP2 ou 3, faits de fibres très fines, de façon à maximiser la surface active et capable de capter de la poussière.
Limites d’un tel masque
Si les particules finissent piégées dans le masque, on comprend qu’il ne puisse ni être utilisé trop longtemps, ni réutilisé : si les corps étrangers sont piégés dessus, non seulement le masque finit par se « salir » et à devenir des agglomérats de corps étrangers, dont des agents pathogènes, mais en plus, si le masque vieillit, le principe « collant » des masques peut s’estomper et les corps étrangers se libérer dès qu’on souffle dedans.
C’est également la raison des dates d’expiration inscrites dessus.
Peu importe comment les charges sont positionnées au sein des fibres, les particules sont toujours en agitation et il a constamment des échanges de charges. Comme un condensateur chargé qui se vide si on le laisse dans son coin, les fibres d’un masque FFPx finissent par rééquilibrer leurs charges au niveau microscopique. Quand cela se produit, le masque ne fonctionne plus correctement et il ne protège plus du tout.
Le masque de protection reste une barrière mécanique contre les particules. Pour avoir une barrière physique plus efficace contre toute matière (aérosols, particules, poussières, gaz…) on peut par exemple utiliser un masque ou une combinaison pressurisée avec une bouteille d’air. Ainsi, la surpression dans le masque empêchera que l’air environnant ne pénètre dedans à votre contact.
C’est à ce jour une solution des plus efficaces dans les environnements dangereux (pathogènes, chimiques, radioactifs…), même si c’est moins simple à utiliser dans la vie courante.
Enfin, une dernière note importante.
Je le redis : les masques FFPx, contrairement aux autres masques (chirurgicaux, en tissus, etc.) protègent seulement le porteur. L’air inhalé est filtré et nettoyé et seul de l’air propre est inhalé par le porteur du masque.
Certains masques, en particulier tous les FFP3 et certains FFP2, disposent d’une valve à sens unique qui facilite l’expiration. Avec ça, l’air sort par la valve avec un effort moindre, mais au prix de ne pas être filtré du tout.
Dans le cas d’une épidémie, le FFP3 et le FFP2 avec valve vous protège des autres, mais ne protège pas les autres de vous.
Si le porteur est infecté, ces masques — y compris le FFP3 — ne protégera pas vos proche et les autres personnes. Si vous vous savez malade, préférez un masque chirurgical ou en tissu : au moins cela protégera les autres en captant les aérosols et en filtrant l’air expiré.
Ressources
Cet article recoupe assez largement ce qui est dit dans cette vidéo (en anglais) de Minute Physics : The Astounding Physics of N95 Masks et que je vous recommande d’aller voir.
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