Un masque N95, ou FFP2 selon la dénomination européenne.
Les masques FFP1, FFP2, FFP3 sont des masques dont l’objet est de protéger le porteur. Les autres servent avant tout à protéger les autres en bloquant les particules émises par le porteur (en parlant ou toussant) et leur pouvoir filtrant est limité. « FFP » signifie d’ailleurs filtering facepiece, soit « élément facial filtrant ».

Ces masques sont soumis à des normes précises en matière de filtration des corps étrangers (hors gaz) : poussières, bactéries, virus…

Ainsi, quand il est porté correctement, de façon étanche notamment (donc exit la barbe !), on obtient les spécifications pouvoirs filtrants suivants :

(source données)
Taux de filtrage des masques FFPx
FFP1Filtration d’au moins 80 % des particules en suspension
FFP2Filtration d’au moins 94 % des particules en suspension
FFP3Filtration d’au moins 99 % des particules en suspension

À première vue, il semble logique qu’un masque en matière fibreuse puisse filtrer les poussières les plus grosses : ces dernières, plus grandes que le maillage des fibres sont donc bloquées physiquement : ils ne passent tout simplement pas à travers le masque, qui agit comme une vulgaire passoire.

Les masques FFP2 et FFP3 en particulier sont certifiés pour bloquer, en plus des poussières grossières, certains virus et d’autres particules plus fines, comme l’amiante.

Là où ça devient curieux, c’est qu’un virus est incroyablement fin : ce n’est qu’un brin d’ADN dans une protéine : certains ne font qu’une centaine de nanomètres ! C’est donc 1 000 fois plus fin qu’un cheveu, et une centaine de fois plus fin que les fibres utilisées pour confectionner les masques. Pourtant ces masques fonctionnent très bien !

Comment ces masques peuvent-ils filtrer des corps beaucoup plus fin que leurs fibres ?
La réponse à cette énigme : une astuce !

Une question de taille

Si une toute petite poussière arrive droit sur un masque, il peut facilement se trouver sur une trajectoire qui passe à travers l’ensemble des fibres : le filtrage n’est donc pas efficace dans ce cas.

Sauf que plus la poussière est petite, plus elle subit les chocs des molécules dans l’air, autrement dit le mouvement brownien.
Si la poussière arrive près d’un masque, ce dernier n’a pas besoin d’être infiniment épais : la poussière rebondit sur l’air situé entre les fibres du masque, et il y a alors de fortes chances qu’il finisse par toucher les fibres et s’y coller.

Il faut savoir une chose ici, c’est qu’au niveau microscopique, pratiquement tout devient « collant », un peu comme au niveau astronomique, tous les corps s’attirent, par gravité.
Dans le cas des corps microscopiques, on parle de forces intermoléculaires comme la force de van der Waals, la même qui permet à la colle ou aux sticky-pad de coller.

Sachant cela, le contact d’une particule avec une fibre d’un masque suffit pour que la particule cesse sa propagation dans l’air. En utilisant un grand nombre de fibres, cela permet à un nombre important de particules d’être capturées dans le masque et de protéger le porteur.

Les poussières plus grosses, elles, sont directement filtrées par blocage dans les fibres.

Ce qu’un masque de protection faciale peine à réellement filtrer, ce sont les particules de taille intermédiaire : celles qui sont trop petites pour être physiquement filtrées, mais trop grandes pour être déviées et donc être envoyées sur le masque pour être captées par les forces moléculaires.

Mais pour cela, il y a une autre méthode physique implémentée dans les masques FFPx !

Une question d’électricité statique

Dans ce qui précède, j’ai dit que les particules les plus petites finissent statistiquement toujours par heurter les fibres du masque. Ceci est important, car tels que les masques sont faits, les particules (virus, pollen…) restent collées, piégées sur les fibres !
C’est le contact avec les fibres qui fait qu’un petit corps étranger va rester piégé par le masque grâce aux forces de van der Waals.

Pour les particules de taille intermédiaire qui réussissent à passer entre les fibres, il faut une autre solution : il faut les forcer à entrer en contact avec les fibres. Ceci est principalement réalisé grâce à l’électricité statique.

La raison qui fait qu’un masque retient la poussière et les corps étrangers est la même qui fait que ces vieux écrans cathodiques retenaient si bien la poussière : ces écrans étaient chargés en électricité statique.

Alors les masques ne sont globalement pas chargés (vous ne risquez pas un choc électrique en les portant), mais les fibres le sont au niveau microscopique ! Un côté de la fibre est chargé positivement et l’autre négativement. Globalement le masque est neutre, mais à plus petite échelle, les poussières verront des champs électriques non-nuls partout et y seront soumises.

On réalise ça en plaçant les fibres dans un important champ électrique lors de leur fabrication.

Grâce à ce procédé, si une poussière passe par là, sous l’influence du champ électrique, elle va également produire une différence de charge, finir par s’y coller et rester piégé dedans :

Principe de fonctionnement de la capture électrostatique.
Proche d’une fibre chargée, la poussière devient polarisée et peut se coller sur la fibre : elle est alors capturé par le masque.

Ajoutons que les lingettes et autres plumeaux ultra-dépoussiérants fonctionnent sur le même principe : ils piègent la poussière par des phénomènes de nature électrique plus que mécaniques. Remarquons que ces plumeaux sont, comme les masques FFP2 ou 3, faits de fibres très fines, de façon à maximiser la surface active et capable de capter de la poussière.

Limites d’un tel masque

Si les particules finissent piégées dans le masque, on comprend qu’il ne puisse ni être utilisé trop longtemps, ni réutilisé : si les corps étrangers sont piégés dessus, non seulement le masque finit par se « salir » et à devenir des agglomérats de corps étrangers, dont des agents pathogènes, mais en plus, si le masque vieillit, le principe « collant » des masques peut s’estomper et les corps étrangers se libérer dès qu’on souffle dedans.

C’est également la raison des dates d’expiration inscrites dessus.

Peu importe comment les charges sont positionnées au sein des fibres, les particules sont toujours en agitation et il a constamment des échanges de charges. Comme un condensateur chargé qui se vide si on le laisse dans son coin, les fibres d’un masque FFPx finissent par rééquilibrer leurs charges au niveau microscopique. Quand cela se produit, le masque ne fonctionne plus correctement et il ne protège plus du tout.

Le masque de protection reste une barrière mécanique contre les particules. Pour avoir une barrière physique plus efficace contre toute matière (aérosols, particules, poussières, gaz…) on peut par exemple utiliser un masque ou une combinaison pressurisée avec une bouteille d’air. Ainsi, la surpression dans le masque empêchera que l’air environnant ne pénètre dedans à votre contact.
C’est à ce jour une solution des plus efficaces dans les environnements dangereux (pathogènes, chimiques, radioactifs…), même si c’est moins simple à utiliser dans la vie courante.


Enfin, une dernière note importante.

Je le redis : les masques FFPx, contrairement aux autres masques (chirurgicaux, en tissus, etc.) protègent seulement le porteur. L’air inhalé est filtré et nettoyé et seul de l’air propre est inhalé par le porteur du masque.

Certains masques, en particulier tous les FFP3 et certains FFP2, disposent d’une valve à sens unique qui facilite l’expiration. Avec ça, l’air sort par la valve avec un effort moindre, mais au prix de ne pas être filtré du tout.

Dans le cas d’une épidémie, le FFP3 et le FFP2 avec valve vous protège des autres, mais ne protège pas les autres de vous.

Si le porteur est infecté, ces masques — y compris le FFP3 — ne protégera pas vos proche et les autres personnes. Si vous vous savez malade, préférez un masque chirurgical ou en tissu : au moins cela protégera les autres en captant les aérosols et en filtrant l’air expiré.

Ressources

Cet article recoupe assez largement ce qui est dit dans cette vidéo (en anglais) de Minute Physics : The Astounding Physics of N95 Masks et que je vous recommande d’aller voir.

Autres articles

Il y a d’autres articles liés à la pandémie de Covid-19, sur ce blog :

image d’en-tête de Markus Winkler

10 commentaires

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Juju écrit :

C'est clair.
Notons qu'il existe aussi des masques pour salle propre (ou blanche selon niveau) qui filtrent aussi mais n'émettent pas (ou peu) de particules (fibres du masque).

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Pierre écrit :

Donc pour ce protéger du covid, le fait qu'ils soient chargés électrostatiquement n'est pas vraiment utile...

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Le Hollandais Volant écrit :

@Pierre : heu… si : c’est justement le côté électrostatique qui permet à ces masques de filtrer les virus et de fournir une protection contre le Covid.

Ce qu’il faut juste retenir c’est que les masques FFPx et les masques chirurgicaux (ou en tissu) n’ont pas la même fonction.

Il me semblerait d’ailleurs pas mal que les masques adéquats soient fournis en fonction de l’état de santé de la personne :
— une personne déjà infectée doit protéger les autres : elle doit porter un masque chirurgical (pour éviter de transmettre le virus).
— une personne non-infectée doit se protéger elle-même : elle doit porter un masque FFP2 ou FFP3 (pour éviter d’attraper le virus).

Si on fait l’inverse, c’est pas loin d’être comme ne pas mettre de masque :
– une personne malade qui met un FFP2 ne protègera pas les autres.
– une personne saine qui met un masque chir protégera les autres… d’aucun coronavirus car il n’en a pas.

Il manque une éducation et une information sur ce plan là et je n’ai rien vu nulle part.

Alors bien-sûr, un masque chir c’est mieux que rien et protège "un peu" soi-même, mais pas autant qu’un FFP2 qui est fait pour ça. Par contre, le FFP2 ne protège pas du tout les autres car l’air expiré n’est pas filtré (en tout cas sur les modèles possédant une valve d’expiration).

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Gfwi écrit :

Merci de nous éveiller une nouvelle fois ! Jai bien saisi que la valve ne permet pas de filtrer l'air expiré mais vos conclusions me laisse un gros doute dans le cas d'un FFPx sans valve : un ffpx sans valve protége t'il les autres ? Filtre t'il à l'expiration ?.
Merci par avance.

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Pierre écrit :

@Le Hollandais Volant :

Tu disais justement qu'un virus c'est extrêmement petit, ça n'entrait pas pour moi dans la catégorie des particules de taille intermédiaire pour qui le fait que le masque soit chargé électrostatiquement soit utile.

Mais j'imagine que le brun d'ADN ne vole pas comme ça tout seul dans l'air mais qu'il se "greffe" à d'autres particules plus grosses qui elles vont avoir besoin de cette charge pour être piégé par le masque.

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Hugo écrit :

@Le Hollandais Volant : J'ai aussi compris comme Pierre, les virus (tout petit) vont se coller aux fibres alors que les particules moyennes (qui ne sont pas des virus, si j'ai bien compris) sont piégées grâce à l'électricité statique.

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Le Hollandais Volant écrit :

@Pierre : En fait, les petites particules sont certes déviées par les molécules de l’air, mais sont également soumis aux champs électrostatiques. L'un n'empêche pas l'autre.

Ensuite, les FFP ne sont pas spécifiquement faits pour les virus, mais pour filtrer tous les aérosols, virus ou non.

@Gfwi : un FFPx sans valve protège les autres, oui (en tout cas pour ce qu’il est censé filtrer : un FFP1 n’a qu’un pouvoir filtrant limité pour les virus.

Ce que je voulais dire surtout c’est que si le FFP2 ou 3 (avec valve) a un pouvoir filtrant beaucoup plus important que le FFP1, il peut se révéler moins efficace que le FFP1 (sans valve) dans le cas d’une personne infectée et qui ne doit pas contaminer les autres.

Ce n’est donc pas parce que le FFP3 filtre 99 % des aérosols et le FFP1 « seulement » 80 %, qu’il faut systématiquement préférer un FFP3.

C’est ça que je veux dire :)

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L6 Atmo écrit :

@le hollandais volant filtrant :
tu m'as fait peur quand j'ai lu ça : "une personne malade qui met un FFP2 ne protègera pas les autres" mais tu t'es rattrappé ensuite : "un FFPx sans valve protège les autres, oui ". Cependant, je pense que ton article devrait être un peu remanié pour éclaicir ce point (ya qu'à voir les coms pour s'en convaincre).

Un masque FFPx est évidemment conçu pour protéger le porteur et tu as bien expliqué l'intérêt (ou le manque d'intérêt pour la covid) de la soupape. Cependant sa construction fait qu'il filtre à l'inspiration comme à l'expiration et même si le masque chirurgical évite de projeter ses "miasmes" à tout vent (on l'appelle aussi masque anti-projection), il n'est pas aussi étanche qu'un FFPx donc il permet quand même la dispersion dans l'air mais pas en ligne droite vers une autre personne.

Un point que tu as oublié (et qui pourtant est écrit noir sur blanc dans la notice des FFPx) : le port de la barbe est interdit au porteur pour assurer l'étanchéité (normalisée) du masque sur le visage.

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Le Hollandais Volant écrit :

@L6 Atmo : Ben avec la valve, le pouvoir filtrant en expiration est quand-même très limité. Logiquement, un FFP2 sans valve reste la meilleure option dans ce cas là.

La valve devient, en exagérant, à faire un trou dans le masque pour aider l’expiration (CF ceux qui faisaient un trou dans leur masque chirurgicaux).

(tu as raison pour l’absence de mention pour l’étanchéité ; je vais dire deux mots sur ça)

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seb écrit :

Concernant l'actualité récente sur les masques chirurgicaux qui seraient réutilisable après lavage (l'info venant de l'UFC Que Choisir, ça me semble fiable). J'ai bien compris que les masques chirurgicaux et les FFPx sont différent, c'est très bien expliqué dans l'article. Ce qui me met le doute c'est le coté électrostatique des masques FFPx. J'imagine que l'électricité statique ne résisterait pas au lavage.
Est ce que l'électricité statique est la seule différence entre un masque chirurgical et un masque FFPx?


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