Il ne se fait pas de physique ni de sciences en général sans grandeurs physiques ni unités de mesures. Comme il existe des règles d’orthographe pour l’écriture, il existe des règles d’écriture pour les unités ou les symboles. Voici un petit article récapitulatif sur ces règles, qui ne sont que rarement respectées.
Grandeur ? Unité ? Symboles ?
Tout d’abord, il faut distinguer la grandeur, de son unité et de son symbole :
- La grandeur, c’est ce qu’on mesure : une distance, une durée, une température, une puissance…
- L’unité, c’est la référence dimensionnelle de cette grandeur : le mètre, la seconde, le degré Celsius, le watt…
- Le symbole d’une unité est (généralement) un diminutif de l’unité : m pour le mètre, s pour la seconde, W pour le watt, etc.
Il ne faut pas tout mélanger. Ainsi, on mesure une grandeur, on l’exprime avec son unité et on l’écrit avec son symbole.
Règles d’orthographe
Règle générale
Une unité (sans parler du symbole pour l’instant) est un nom commun. Elle ne porte donc pas de majuscule, mais s’accorde en nombre : « 1 mètre », « 12 secondes », « treize watts ».
Les unités dont le nom comporte un nom propre maintiennent la majuscule à ce nom propre seulement : « 37 degrés Celsius ».
Par contre on écrit bien « 310 kelvins », sans majuscule, car l’unité degré Celsius comporte un nom propre : « Celsius » qui reste un nom propre, alors que le kelvin est un nom commun quand c’est une unité (mais issu d’un nom propre).
La règle selon laquelle on met une majuscule quand l’unité dérive d’un nom propre ne concerne que les symboles, pas les unités.
Ainsi, les symboles du mètre et de la seconde sont « m » et « s » car ces unités ne dérivent pas de noms propres. Le symbole du watt ou du kelvin sont eux respectivement « W » et « K », car ils dérivent des noms de James Watt et Lord Kelvin, deux scientifiques du dix-neuvième siècle.
Cas du litre
Une seule exception, le litre, dont le symbole est officiellement aussi bien « l » que « L ».
Il n’existe personne du nom de « Litre » dont le nom aurait donné ce symbole majuscule, mais le BIPM a autorisé la majuscule pour des raisons de lisibilité, car le L minuscule se confond facilement avec un i majuscule ou le chiffre 1.
Il a donc été inventé (au cours d’un canular) le personnage de Claude Émile Jean-Baptiste Litre, dont le nom justifierait le symbole L et sa majuscule. Selon le canular, Claude Litre était le fils d’un fabricant de bouteilles de vin, dont les bouteilles font un litre.
En sus, il existe aussi le L-rond « ℓ », figurant dans la norme Unicode comme le symbole traditionnel du litre et utilisé couramment dans certains pays. Le BIPM (Bureau International des Poids et Mesures) ne le mentionne pas cependant.
Règles de typographie
Une unité, comme son symbole, sont habituellement écrits en écriture latine droite, c’est-à-dire non italique.
La grandeur, en revanche, est généralement écrite en italique, notamment dans les équations.
Exemple :
$$m = 1,00 \text{ kg}$$
Où :
- $m$ est la masse, donc une grandeur ;
- $\text{kg}$ le symbole d’une unité, le kilogramme.
Autre exemple :
$$l = 1,00 \text{ m}$$
Où :
- $l$ est la longueur, donc une grandeur ;
- $\text{m}$ le symbole d’une unité, le mètre.
Comme on peut le voir ci-dessus, un même caractère, « m », peut donc représenter deux choses différentes selon qu’il soit en écriture italique ou en écriture droite. Les règles sont peut-être strictes, mais c’est uniquement parce qu’il y a une raison sémantique à tout ça.
Écrire un nombre et son unité
Lorsque l’on écrit une grandeur mesurée avec le symbole de son unité, il convient de mettre une espace insécable entre les deux : « 2 m » et non « 2m ».
Les seules exceptions sont pour le degré angulaire, dont le symbole se colle à la grandeur : « 90° » et pour les notations minute-seconde : 2 h 13’ 45”. Mais cela ne concerne pas les degrés de température avec son échelle (Celsius, Rankine…) : 37 °C, 558 °R.
En effet, les symboles des degrés (degré angulaire, ou degré d’alcool) et ceux de la minute ou de la seconde sont plus des notations usuelles que des unités, alors que le degré Celsius est bien une unité.
Il faut aussi prendre soin d’écrire l’unité correctement, en particulier les unités composées.
Ainsi, ces écritures sont correctes :
- 130 km/h
- 130 km·h⁻¹.
- cent trente kilomètres par heure
- 130 kilomètres par heure
- dix voltampères
- 10 VA
- 1 200 kilowattheures
- 1 200 kWh
Celles-ci sont en revanche des erreurs métrologiques, physiques, ou orthographiques :
- 130 kmh : la grandeur n’est plus la même ;
- 130 kms/h : les symboles ne s’accordent jamais (on pourrait lire ici « kilomètres·seconde par heure », ce qui n’est plus pareil) ;
- 130 Km/h : le K est le symbole du kelvin, pas du préfixe kilo-, dont le symbole est k ;
- 130 kilomètre-heure : il manque le « par », ce qui change la signification, et l’accord du pluriel ;
- 130 kilomètres/heure : la simple barre oblique « / » pour « par » ne doit s’utiliser qu’entre symboles d’unités, pas entre les unités ;
- dix volt-ampères, dix volts-ampères, dix voltsampères : la règle est de coller les unités sans tiret, puis d’accorder le mot résultat comme un seul, donc avec juste un « s » à la fin en cas de besoin : « dix voltampères ».
Quelques cas particuliers
Il existe un très grand nombre d’unités. Parmi elles, sept seulement sont des unités de base du système international. D’autres sont des unités dérivées des sept unités de base.
D’autres encore sont des unités appartenant à d’autres systèmes d’unités (unités impériales, unités naturelles…). Certaines unités sont également « usuelles », sans vraiment avoir de raison d’être scientifique : le degré Celsius par exemple, est utilisé, car elle est pratique, mais en soi cette unité n’est qu’une translation de l’échelle de température absolue en Kelvin. De même, l’année-lumière est utilisée car plus pratique que le mètre dans certains cas.
Parmi les curiosités des unités, on peut par exemple en citer quelques-unes dont le symbole s’écrit avec plusieurs lettres : l’année-lumière, l’électron-volt ou le sievert, dont les symboles respectifs sont « al », « eV » et « Sv ». Notez les majuscules à chaque fois : on en met une à « V » de volt, car ça dérive d’Alessandro Volta. On en met une aussi au S de « Sv », mais pas au « v » car seul le premier caractère d’un symbole unique peut porter la majuscule. Aussi, écrire « SV » ne symboliserait plus le sievert, mais des siemensvolt : e symbole « S » pour le siemens, et le « V » pour le volt).
Il en existe d’autres, je vous laisse chercher pour Hz, Wb, Gy, mol, Rad, rad, sr, Pa, kat…
Le symbole des unités et le nombre de lettres ne sont pas laissés au hasard : les symboles du watt et du weber sont respectivement W et Wb pour éviter les confusions.
Certains symboles ne sont pas dans l’alphabet latin : le symbole de l’ohm (dérivé de Georg Ohm) est un oméga majuscule : « Ω ». Un autre exemple serait celui de l’euro : « € ».
Le bar, est une unité dont le symbole est « bar ». Il faut faire attention : dans une phrase, on parlera de « 3 bars » ou « trois bars », mais dans un calcul, on écrira « 3 bar ». L’unité s’accorde bien, mais pas le symbole. On peut dire la même chose de l’erg, une autre unité dont le symbole s’écrit comme l’unité elle-même.
Cas des préfixes
Les préfixes multiplicatifs des unités (kilo, méga…) sont eux aussi standardisés et définis précisément. Le préfixe « kilo- » désigne 1 000 unités. Pas 1 024, non, 1 000. Ceci est valable pour des kilomètres (1 000 mètres), des kilogrammes (1 000 grammes) ou des kilooctets (1 000 octets).
Attention, le symbole des préfixes est également important, en particulier les majuscules. Le symbole de kilo est « k », en minuscule. Si vous écrivez « K » vous parlez du kelvin, pas du préfixe kilo-.
Inversement, si vous écrivez « ML », alors vous parlez de mégalitres (1 000 000 litres), car le symbole du millilitre est « mL » ou « ml ».
Notez par ailleurs que le préfixe et l’unité sont attachés. On parle de « kilogramme » et non pas « kilo-gramme ».
Les préfixes binaires
Ci-dessus, je dis qu’un kilooctet est égal à 1 000 octets. Je ne reviens pas dessus.
Cela dit, conscient que le système binaire utilisé en informatique demande des préfixes issus du système binaire, le CEI puis l’IEEE (deux organismes de standardisations dans le domaine de l’électronique) ont proposé des préfixes issus du binaire.
Ainsi, au lieu des kilo-, mega-, giga-, respectivement 10³, 10⁶ et 10⁹, on pourra utiliser des préfixes kibi-, mebi- et gibi-, valant respectivement 2¹⁰, 2²⁰ et 2³⁰. D’autres préfixes au-delà existent bien-sûr aussi.
On peut remarquer que 2¹⁰ est très proche de 10³, tout comme 2²⁰ de 10⁶ et également 2³⁰ de 10⁹. C’est ceci qui a provoqué la confusion populaire autour du kilooctet de 1 024 octets.
Cependant « très proche » ne signifie pas « égale à ». Si l’erreur est de seulement 2,4 % au niveau du kilooctet, il est de 7,4 % au niveau du gigaoctet et de 10 % au niveau du téraoctet. Ce n’est donc plus du tout négligeable : un disque dur de 4 To comportera donc 4 000 000 000 000 octets, mais seulement 3,6 Tio !
Les quatre mille milliards d’octets seront bien présents sur le disque, aucun doute là-dessus, mais la manière qu’a l’ordinateur pour écrire ses données en binaire sur le disque fera qu’il ne verra que 3,6 Tio, et donc une erreur de lecture de près de 400 Go tout de même !
Le séparateur de milliers
Quand on écrit de grands nombres, on groupe les chiffres par 3. Ainsi, un milliard se note 1 000 000 000, au lieu de 100000000. D’ailleurs, le séparateur facilite tellement la lecture, que vous n’avez probablement pas remarqué qu’il manque un zéro dans le second cas sans les espaces ;-).
En français, ce séparateur de milliers est une simple espace insécable. Surtout pas de virgule : ça c’est le séparateur décimal, toujours en français.
Ainsi, on écrit 1 999,90 €, et pas 1'999.90 € (ni 1999€90, d’ailleurs).
De même on groupe les chiffres de l’autre côté de la virgule égale : π ≈ 3,141 592 6, pour une question de lisibilité.
Ceci vaut pour les nombres en décimal et en français. Pour les nombres binaires, on tend à les grouper par 8 (et donc par octet) et pour les nombres en hexadécimal, on regroupe généralement les nombres par 2 (ce qui équivaut à 1 octet d’information également).
Conclusion
Au début, tout cet article tenait dans un seul tweet où je mentionnais le fait que les noms des unités ne s’écrivaient jamais avec une majuscule, même lorsqu’ils sont tirés d’un nom propre. Puis en creusant, j’ai noté tout un tas de règles et de fautes à ne pas faire quand on écrit une grandeur suivie d’une unité en sciences.
Cet article n’est probablement pas exhaustif sur le sujet, mais j’espère qu’il vous permettra d’écrire les valeurs physiques un peu mieux que ce qu’on peut voir un peu partout.
Si je devais résumer :
- unités : jamais de majuscules, ce sont des noms communs ;
- symboles : majuscule si l’unité dérive d’un nom propre (ou bien du litre) ; les symboles ne s’accordent pas ;
- une espace entre la valeur et son unité ;
- attention à la différence kilo- kibi- pour les unités numériques.
Et je répète que ces règles sont celles à utiliser en langue française. Les autres langues peuvent ou non avoir d’autres règles.
Enfin, sachez qu’il existe des caractères Unicode pour les symboles les plus courant : ℃, ㎏, ㎐, ㎙, ㎚, ㎛, ㎜, ㎝, ㎞, ㎟, ㎪, ㎧, ㍴… ainsi que plein d’autres. Ces unités sont en usage dans les pays utilisant l’écriture CJK (chinois, japonais, coréen), où les glyphes ont des largeurs fixes permettant entre autres d’écrire aussi bien verticalement qu’horizontalement. Ils sont là, mais ne devraient pas forcément être utilisés dans un texte en français, pour des raisons d’accessibilité notamment.