Il y a quelques temps, j’ai fait un article expliquant la physique de la bobine Tesla à éclateur à arc. Cet article traite du circuit inventé par Nikola Tesla dans les années 1890, donc bien avant l’invention des semi-conducteurs et de l’électronique.
La bobine Tesla, comme je l’y explique, est principalement un transformateur avec, en circuit primaire un condensateur, un éclateur et une bobine, et au secondaire une bobine. L’ensemble étant réglé très précisément pour que le circuit primaire soit à la résonance du secondaire et obtenir un effet d’amplification qui donne toute son spectacle et son ingéniosité à la bobine Tesla.
Régler les composants pour être parfaitement à la résonance est très difficile : il faut tenir compte de l’environnement : si la bobine (de grande taille) se trouve dans un hangar métallique ou si l’air est humide, par exemple, le circuit réagira de façon différente que si on la place dans un bâtiment en béton et par temps sec.
Depuis Tesla, l’invention du transistor, de la diode et de l’électronique en général, il est possible de faire un circuit qui se place automatiquement à la résonance quelque soient les conditions. Parmi eux, le circuit excitateur de Slayer (souvent appelé le SSTC, pour solid state Tesla coil, traduit par « bobine Tesla à semi-conducteur ») se place à la résonance grâce à un unique fil correctement positionné…
Ce circuit utilise des composants très simples : une diode, un transistor et bien-sûr deux bobines (une primaire et une secondaire). Pas de circuit intégré complexes, ni de programmes. C’est pour cela que je peux l’expliquer très simplement ici.
Contrairement à la bobine Tesla, ce circuit ne permet pas de faire des arcs électriques (j’explique plus bas pourquoi), mais il permet en revanche de créer des tensions beaucoup plus élevées et donc un champ électrique également bien plus intense tout autour du secondaire. Il est donc mieux pour allumer une lampe ou un tube fluocompacte sans contact.
Le circuit excitateur de Slayer utilise un branchement ingénieux entre le secondaire et le primaire pour produire une boucle de rétroaction entre le secondaire et le primaire contrôlant ainsi la fréquence d’oscillation des deux bobines. L’ensemble est possible grâce à un transistor et une diode, afin d’obtenir premièrement un courant alternatif à partir d’une source de courant continue, et deuxièmement la résonance immédiate entre les deux bobines !
La diode et le transistor
Pour rappel…
La diode, qu’elle soit lumineuse ou non, est un composant qui permet de laisser passer le courant que dans un sens, et la bloquer dans l’autre. Si on lui impose un courant alternatif, donc, seuls les portions d’oscillations qui sont positives peuvent passer :
Le transistor, lui, est un composant à trois bornes :
Le courant ne peut passer du collecteur $C$ à l’émetteur $E$ que si la base $B$ est sous tension. Si la tension sur la base est nulle, alors le transistor est bloquant. C’est donc un interrupteur entre deux bornes contrôlé par une tension appliquée sur une troisième. Pour une description plus complète sur son fonctionnement interne et la raison qui l’a permis de révolutionner le monde durant la seconde moitié du XXe siècle, je vous renvoie à mon article « Comment fonctionne un transistor ».
Autrement, c’est tout ce qu’il est nécessaire de savoir sur ces deux composants de base.
L’excitateur de Slayer
Généralement, on trouvera le circuit suivant :
On repère une résistance $R$, les bobines $L1$ et $L2$, un transistor $Q$, une diode lumineuse, en bas et une alimentation 9V. On remarque que la bobine secondaire est branchée d’un côté à la base du transistor mais que l’autre côté n’est relié à rien du tout.
Fonctionnement
Pour commencer, voyons ce qui se passe lorsque l’on ferme le circuit duquel on a retiré la bobine secondaire $L2$ (on élimine donc tous les effets d’induction magnétique) :
Un premier courant va passer dans la résistance sur la base du transistor. Connaissant le fonctionnement d’un transistor, ceci permet à ce dernier d’être passant. Le second courant, passant à travers la bobine $L1$ peut donc circuler aussi et traverser le transistor jusqu’à la borne négative de la batterie, constituant donc un circuit fermé. La diode ici est bloquante.
Le courant est juste un peu ralenti par la bobine $L1$ mais ça ne dure pas, et une fois que le courant est établi, il n’évolue plus du tout. Les choses sympa arrivent quand on ajoute la bobine $L2$ du secondaire…
… sous l’effet de l’induction magnétique produite par $L1$, la bobine secondaire $L2$ réagit et voit une tension apparaître à ses bornes, produisant un courant électrique (en bleu) :
La tension sur la bobine $L2$ est également celle sur la base du transistor, et elle va « absorber » le courant sortant de la résistance : les électrons vont aller dans cette bobine plutôt que sur le transistor. En conséquence, donc, le transistor devient bloquant, ouvrant le circuit primaire.
Par suite, le courant dans la bobine primaire $L1$ s’arrête et son effet d’induction sur le secondaire $L2$ également et le courant dans ce dernier baisse. La bobine $L2$ n’est plus soumise à une tension et le courant sortant de $R$ va de nouveau arriver sur la base du transistor. Puis, le circuit primaire redevient passant, et la bobine $L1$ produit de nouveau un champ magnétique, faisant réagir $L2$, et ainsi de suite…
Une bobine retardant l’établissement du courant, il y a un un délais de l’ordre de quelques micro-secondes entre l’arrivée du courant dans $L2$ et son action sur le transistor. C’est ça la « magie » du circuit : si le transistor est suffisamment rapide, alors il peut passer d’un mode (bloquant ou passant) à l’autre aussitôt que la bobine secondaire atteint un pic de tension et donc bloquer la bobine primaire. La bobine secondaire est donc à son apogée quand le primaire s’éteint : le circuit fonctionne automatiquement à la résonance ! En gros, la bobine primaire a le temps de produire une oscillation avant que son courant ne soit coupé par la réaction du secondaire.
La diode, quant à elle, permet de reboucler le courant sortant du transistor par l’émetteur sur la bobine secondaire, ceci afin de réduire les tensions trop négatives sur la base du transistor : si la bobine secondaire produit une tension négative trop forte, des électrons fuitent de la base vers la bobine $L2$ et ceci risque à coup sûr de griller le transistor :
Remarque
On peut se demander comment la bobine $L2$ peut produire un courant si elle n’est pas branchée par ses deux extrémités.
Dans la bobine Tesla, on place généralement un tore ou une sphère métallique en haut : ce bloc métallique agit comme une charge capacitive, une « réserve d’électrons ». Quand le courant monte la bobine, elle entraîne des électrons de la charge du bas vers celle du haut. Quand le haut est chargé, les charges sont repoussées vers le bas, à travers la bobine, et ainsi de suite : c’est comme ceci que l’ensemble oscille.
Si la tension est suffisante, des électrons peuvent s’échapper dans l’air : c’est ça qui produit les arcs électriques dans l’air quand on s’en approche (et l’usage d’une boule ou d’un tore lisse évite cela, contrairement à des pièces pointus).
L’air est très fortement résistif, mais en s’ionisant il peut tout de même absorber des charges. Ces dernières sont ensuite conduites (par convection dans l’air) d’une charge capacitive à l’autre. L’air constitue donc une sorte de condensateur invisible, de très faible capacité, mais existante.
Dans le cas du circuit de Slayer, la borne inférieur de la bobine est reliée à la base du transistor. Il n’y a donc pas de charge capacitive — de réserve d’électrons —et le courant que la bobine pousse vers le haut est très faible, et peut encore moins les accumuler comme dans le circuit de Tesla. C’est la raison pour laquelle l’excitateur de Slayer sous cette forme, ne peut pas produire d’arcs électriques conséquents.
Sur certains circuits, on observe une petite « flamme » violette (du plasma) émise par le fil libre de la bobine : quelques charges électriques sont bien émises dans l’air, mais on est loin d’obtenir un arc : le courant reste bien trop faible pour ne serait-ce que constituer l’arc électrique :
Ces quelques charges qui s’échappent dans l’air permettent à l’air de constituer une petite réserve de charges, et donc une capacité. Ces charges finissent par retourner dans la masse de la batterie. C’est donc comme si on avait ce circuit là :
Notes et conclusion
Le principal intérêt du circuit de Slayer, c’est qu’il fonctionne automatiquement à la résonance : peu importe les caractéristiques des éléments, c’est la sortie de la bobine qui commande exactement quand la bobine primaire produit une nouvelle impulsion qui va servir à envoyer de l’énergie dans le secondaire.
Sur cette simulation informatique, on voit très nettement des pics de tension sur la sortie qui sont peu à peu amplifiés après la mise sous tension du circuit :
Autre note, sur l’air et la charge capacitive.
Le fait que l’air constitue une charge capacitive, et peut donc « emmagasiner » des charges est une chose fondamentale pour les orages : c’est ça qui rend les orages possibles. Les particules (poussières, glace…) dans l’air ont tendance à toujours se charger de la même façon : toujours en perdant un électron, ou en en gagnant.
Du coup, quand la pluie (chargée) tombe, ou que les poussières s’élèvent, une grande quantité de charges identiques se retrouvent isolées. C’est quand la quantité de charges est trop forte et que l’air ne peut plus tenir cette différence de potentiel qu’un éclair jaillit et rééquilibre brièvement les charges : des millions d’ampères circulent alors dans le ciel, grâce à des potentiels électriques de l’ordre de centaines de millions de volt.