Image de gouttes d’eau sur une surface vitrée.
Il existe, dans le monde automobile, des revêtements de protection en céramique. Peut-être connaissez-vous le Rain-X® ? Les traitements céramiques ont des propriétés similaires au Rain-X, si ce n’est que c’est encore plus efficace et surtout beaucoup plus durable.
Ces traitements protègent la peinture, mais ils ont aussi un effet hydrophobe et déperlant, particulièrement recherché.

En pratique, l’effet déperlant permet de rouler sous la pluie sans avoir à utiliser ses essuie-glaces, tout en ayant une visibilité bien meilleure que sans le traitement. Sur la carrosserie, le nettoyage au jet d’eau est grandement facilité également : moins de saleté reste collé sur la voiture, et le peu qui y reste se décolle tout seul.

Comment fonctionnent ces traitements ? Comment obtient-on un effet hydrophobe ?

Le phénomène de « mouillage »

Le mouillage désigne le comportement d’un liquide en contact avec une surface solide. Quand les gouttes de liquide tombent sur le solide, on peut distinguer trois possibilités :

  • mouillage nul : les gouttes ne collent du tout et roulent (elles « perlent ») sur la surface jusqu’à tomber par terre ;
  • mouillage parfait : les gouttes collent parfaitement et s’étalent au maximum, formant un film mince, parfaitement uniforme ;
  • mouillage intermédiaire : les gouttes collent moyennement sur la surface, formant des gouttes plus ou moins régulière (c’est ce cas qu’on connaît dans la vie courante).

Pour l’effet déperlant, cela peut faire penser à du mercure sur une surface en plastique, ou encore de l’eau sur les feuilles de certaines plantes comme la tulipe ou le lotus (l’effet lotus). La goutte n’accroche absolument pas à la surface et glisse par gravité.

Pour l’effet d’une goutte qui s’étale au maximum de la surface, voyez votre miroir dans la salle de bain sur lequel vous avez frotté du savon. La buée semble ne pas se poser sur la zone savonnée, mais en réalité, l’eau s’y pose bel et bien.
C’est juste que l’eau ne crée pas de gouttelettes qui déforment l’image, mais un film uniforme qui ne déforme pas l’image dans le miroir. Cet effet provient du savon qui est un tensioactif, c’est-à-dire qu’il diminue drastiquement la tension de surface de l’eau. L’eau n’est donc plus tentée de former des gouttes rondes, mais peut au contraire s’étaler librement pour épouser totalement la forme du miroir, et créer un film très mince. Cet effet du tensioactif est également obtenu avec de l’alcool et certains solvants, et c’est pour cela que les lingettes antibuée pour lunettes contiennent de l’alcool notamment.

Dans le cas des revêtements hydrophobes pour voiture, on recherche l’effet déperlant : que les gouttes ne s’étalent surtout pas mais perlent et tombent, par gravité, entraînant la saleté avec elle.

Une question d’énergie superficielle (ou tension de surface)

Dans une phase condensée (liquide ou solide), il faut distinguer le cœur de la matière d’une part et la surface d’autre part. Dans le liquide par exemple, toutes les molécules sont libres de se déplacer, mais restent attirées les unes aux autres. Cette attraction provient de diverses forces intermoléculaires : forces de London, de Debye et forces de Keesom, regroupées sous le terme de forces de van der Waals.

Une molécule située au cœur de la matière présente ces forces attractives dans toutes les directions, et donc sur toutes les molécules autour d’elles. Une molécule en surface essayera de faire de même, mais n’a pas de molécules à lier au-dessus d’elle (vu que c’est en surface). L’énergie destinée à ces liaisons subsiste « en trop », et elle va être redistribuée sur les liaisons en surface. Ces liaisons sont donc plus fortes à cet endroit :

Modélisation des forces superficielles.
Schématisation des forces intermoléculaires. En surface, la molécule n’a pas de quoi se lier au-dessus d’elle, et l’énergie dont elle dispose pour les liaisons est plus forte dans les liaisons de surface (image)

Les molécules en surface sont donc fortement liées les unes aux autres et forment comme une pellicule ; à un tel point que l’on peut faire flotter des petits objets :

Démonstration de la tension de surface avec un trombone qui flotte sur l’eau.
La tension de surface est suffisante pour retenir ce trombone à la surface de l’eau (image : travail personnel).

C’est ce phénomène que l’on appelle la tension de surface (ou tension superficielle). Elle résulte du fait que les liaisons intermoléculaires sont plus énergétiques en surface. Ce surplus d’énergie est aussi ce qui forme le ménisque d’eau et le phénomène de capillarité. L’eau est plus stable en se liant au verre avec des liaisons « normales » qu’en créant des liaisons énergétiques avec le reste de l’eau, quitte à devoir vaincre la gravité en remontant sur les bords.


Des choses similaires se produisent dans les solides : les atomes de la surface ont un surplus d’énergie à cause de liaisons qui ne peuvent se former, faute de matière au-dessus. Pour les solides, on emploie le terme d’énergie de surface (surface free energy en anglais). La conséquence de ce surplus d’énergie est que le solide formera des liaisons avec toutes les impuretés qui se posent dessus… et en particulier les liquides !

Interaction d’un liquide sur une surface solide

Lorsqu’une goutte de liquide tombe sur une surface solide, le liquide et le solide vont se lier. Les gouttes restent « collées » à la surface, même si la surface est inclinée verticalement. Ceci rejoint le phénomène de mouillage vu précédemment.

Différents solides peuvent avoir des énergies de surface différentes : certains solides ont des énergies de surface plus importantes que d’autres.
Ainsi, si un solide a une énergie de surface importante, comme c’est le cas d’une façon générale pour les métaux, le solide cherchera à maximiser la surface de contact avec le liquide : le mouillage est favorable et la goutte d’eau s’étale, augmentant d’autant l’adhésion du liquide.

Au contraire, si le solide a une très faible énergie de surface, ce qui est le cas du polytétrafluoroéthylène (PTFE, connu sous le nom de « Téflon », et qui revêt notamment les poêles anti-adhésives), la surface de contact diminue fortement. L’adhésion est plus faible et la goutte ne colle pas du tout à la surface : elle « perle » et tombe, laissant la surface essentiellement sèche et propre.

Ces différents cas sont modélisés par l’angle de contact de la goutte de liquide avec la surface. Dans le cas de l’hydrophobie, la goutte tend à s’arrondir et à former un grand angle de contact :

Différents niveaux de mouillages
Différents niveaux de mouillages : 1) l’angle de contact >150°, le mouillage est quasi-nul (super-hydrophibicité) ; 2) l’angle de contact >90°, le mouillage est faible (hydrophobicité) ; 3) l’angle de contact est <90°, le mouillage est bon ; 4) l’angle de contact est ~0°, le mouillage est parfait.

On comprend ici que si l’angle de contact est grand, le même volume d’eau n’est accroché au solide que par une faible surface : elle peut donc facilement se détacher. C’est l’hydrophobie. Au contraire, un angle de contact faible signifie que la goutte d’eau est aplatie, formant une surface de contact importante et elle est fortement solidaire de la surface.

Et la céramique ? Et les traitements hydrophobes ?

Considérant tout cela, pour obtenir un effet déperlant, on comprend qu’il faut avant tout un revêtement avec une faible énergie de surface. Ce revêtement sera peu enclin à se lier aux liquides, et ces derniers ne seraient pas retenus et perleraient facilement.

Ces matériaux-là incluent ceux utilisés pour les traitements céramiques. On entend ici par « céramique » un matériau qui n’est ni organique, ni métallique. Le produit lui-même se compose d’un solvant (de l’alcool isopropylique généralement) dans lequel sont en suspension des nanoparticules de céramique.
Pour les traitements pour voitures, on a à faire à des nanoparticules de dioxyde de silicium, de dioxyde de titane, voire du graphène pour certains. Ces céramiques ont une très faible énergie de surface, et c’est ce que l’on recherche.

Ces nanoparticules, appliquées sur une vitre ou sur une carrosserie, vont se solidariser sur la surface, et former une couche protectrice hydrophobe. L’eau qui tombera dessus ne s’étalera pas, formera de grosses gouttes peu liées à la surface, qui tombent donc très facilement par simple gravité.

Conclusion (et est-ce réellement efficace ?)

Pour résumer, un revêtement céramique avec effet hydrophobe déperlant tire son efficacité des phénomènes à la surface des matériaux : les liaisons inter-moléculaires y sont plus fortes qu’ailleurs. Une goutte d’eau sur le verre va donc avoir tendance à se lier au verre et à rester dessus, même si la surface est inclinée.

En recouvrant la vitre avec un revêtement ayant des liaisons de surfaces plus faibles (l’énergie de surface est plus faible), l’eau n’aura plus tendance à s’étaler et à se coller sur la surface. Elle conservera sa forme de bille sphérique, et perlera sur la vitre, ce qui constitue l’effet tant recherché.

En pratique, les revêtements grand publics diminuent seulement l’énergie de surface sans la faire disparaître totalement. En résulte que l’eau collera juste beaucoup moins, mais l’hydrophobie n’est pas totale.
Néanmoins, ils repoussent toujours beaucoup mieux l’eau qu’une surface normale. Les meilleurs traitements donnent un effet assez spectaculaire et aident réellement lors du lavage ainsi que sous la pluie. De plus, les céramiques utilisées sont essentiellement transparentes, dues à la finesse extrême de la couche posée : 5 à 10 nanomètres. Ils sont prévus pour durer entre 1 à 5 ans.
Généralement, on fait un compromis entre l’hydrophobie et la tenue dans le temps (même si les gammes de produits s’améliorent d’année en années, tant sur la durabilité que l’hydrophobie).

Les revêtements « super-hydrophobes » que l’on voit dans certaines vidéos où l’eau n’accroche absolument pas, sont ce qui se fait de mieux en termes d’hydrophobie. Pour le moment, ces produits issues de la recherche sur les matériaux sont non seulement encore opaques (et donc inadaptées pour une vitre de voiture), mais surtout aussi fragiles : ils ne durent pas dans le temps, en particulier exposées aux UV dehors. Nulle doute qu’un jour, il existera un tel produit à la fois super-hydrophobe et résistant aux éléments (et à un prix convenable pour le public), mais ce produit reste encore à découvrir ou à inventer.

Enfin, ces traitements fonctionnent tant qu’ils ne sont pas totalement usés (après plusieurs années), ou recouverts de saleté incrustées (la saleté très fine finit toujours par s’accrocher partout), or, cette saleté n’est, elle, pas hydrophobe. Si l’effet semble s’estomper un peu rapidement, il est peut-être temps de passer au lavage-auto.

Pour s’amuser

Pour visualiser tout ça, on peut prendre une seringue quelconque et de l’eau. La seringue formera des gouttes d’eau de taille relativement identiques. À partir de là, on peut essayer de faire tomber des gouttes une par une sur des surfaces variées :

  • métaux ;
  • plastiques ;
  • poêle antiadhésive ;
  • verre normal ;
  • verre frotté avec du savon puis essuyé avec un essuie-tout ;
  • verre frotté avec de la cire (d’une bougie, ou cire à chaussure ; puis essuyée également) ;
  • verre traité au Rain X.

On peut aussi remplacer l’eau par de l’alcool, du liquide vaisselle, de l’huile…

On constatera assez vite que certaines surfaces tendent à étirer les gouttes d’eau (le verre frotté au savon et les métaux), et d’autres forcent les gouttes à prendre une forme bien ronde (plastiques, poêle, verre traité au Rain X).

Mieux, on peut essayer de souffler sur les gouttes : on verra que les matériaux avec les gouttes les plus arrondies sont plus faciles à sécher : les gouttes partent plus rapidement. Cela est dû à la forme plus bombée de la goutte, offrant une meilleure prise au vent, et à la surface de contact de la goutte, plus faible, donc moins bien « collée ». Ceci, appliqué à une voiture en déplacement, permet donc à l’eau de perler beaucoup plus facilement sur une vitre traitée, offrant donc indéniablement une visibilité bien meilleure sous la pluie.

Pour finir, une petite précision tout de même : ce qui est décrit dans cet article concerne les protections céramique pour vitres, qui est posé sur la vitre, en tant que couche. Pour les protections appliquées sur les carrosseries (sur la peinture, son vernis), le traitement se fait en deux étapes : un premier traitement qui va se fixer chimiquement sur le vernis, par l’intermédiaire d’un solvant par exemple, puis un traitement hydrophobe sur la première couche (comme décrit dans l’article).

Liens et ressources

Image d’en-tête produite par Bing AI

4 commentaires

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seb écrit :

Est ce que ces traitements "s'usent" aussi par effet mécanique? En passant sa voiture au lavage haute pression ou aux rouleaux, par les essuie-glaces, par un coup de chiffon?
Avec l'exemple du verre frotter au savon ou à la cire, si on essuie le savon ou la cire, il n'y en a plus, on se retrouve donc avec du verre normal. J'ai du mal à comprendre comment ça peut changer quelque chose de mettre un produit puis de l'enlever tout de suite après

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Yann écrit :

Bonjour,
Très intéressant.
J'avais entendu parler des certains traitements appliqué sur les vêtements / chaussures de marque de sport qui se vendaient également en bombe. Il me semble qu'il s'agissait de PFC.
Le problème: ces composés ayant une durée de vie illimitée (à notre échelle) il se retrouvaient rapidement dans la nature et les organismes vivants qui buvaient l'eau contaminée allaient vite avoir des problèmes vitaux.
Je ne sais plus s'il s'agit du même composé pour les bombes vendues pour les pare-brise, mais si oui cela expose au mêmes conséquences.

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Le Hollandais Volant écrit :

@seb : Oui, on peut les "user".
Par exemple, on peut la retirer d’une vitre avec un produit à base d’argile en suspension dans l’eau : l’argile (très fine) abrase le revetement, mais pas le verre, bien plus dur.

La même chose arrive quand on essuie à sec une vitre sur lequel il a plu de l’eau sableuse (sableuse du Sahara, par exemple, comme ça arrive parfois). Ça m’est arrivé. C’est pour ça, ne jamais utiliser les essuie glace sur une vitre sèche ou sans lave-glace. Heureusement, on peut reconstituer le revêtement en rappliquant une nouvelle couche, par exemple.
Le revêtement est très fin (5-10 nm), donc reste fragile. Aussi, il faut à tout prix éviter les lavages "rouleaux". La haute pression est encore ce qui est le mieux

Pour le truc du savon ou de la cire : il reste toujours un film très fin. Quand je parle de l’essuyer, c’est à sec (sans solvant, ce qui inclut l’eau). Si tu tartines tes mains d’huile de tournesol, et que tu les essuie ensuite avec une serviette, tes mains resteront grasses quand-même. C’est la même idée : on enlève l’excès, pas la totalité.

@Yann : oui, les produits super-hydrophobes sont à bases de polymères ou de composés organiques, pas des céramiques. Le composé en lui-même est peut-être « éternel », mais le revêtement, lui, est loin de l’être.
Les céramiques sont à base de nanoparticules minérales (TiO2, SiO2…). C’est pas forcément bon pour la santé non plus, mais c’est déjà plus résistant en tant que revêtement.

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Juju écrit :

L'eau "perle" très bien aussi dans une poêle chaude (mais je pense que tu as déjà parlé de ce cas...)


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