Récemment, l’actualité scientifique a fait l’objet de la publication d’une photo d’un atome unique piégé dans un champ électrique (photo d’en-tête ci-dessus). Au delà de la prouesse technique réalisée, les articles qui en parlent, comme celui-ci du SciencePost, parlent d’une technique appelée « refroidissement par laser ».
Les lasers sont des dispositifs qui concentrent un faisceau lumineux unique. Sachant par ailleurs qu’un système froid est un système chaud dont on a retiré de l’énergie, il peut paraître étonnant qu’on utilise des rayons lasers hautement énergétique pour refroidir des particules.
La technique de refroidissement au laser fonctionne cependant en envoyant de la lumière sur des particules et ça marche très bien : cette méthode permet de refroidir des particules à des températures aussi basses que le microkelvin, soit 0,000 001 K (donc des températures très très proches du zéro absolu). Dans ce article, on va voir comment ça fonctionne.
Avant d’entrer dans les détails, commençons par définir quelques notions.
Quelques définitions
La température d’un corps peut être définie comme le degré d’agitation des particules. Plus la température est élevée, plus la particule est agitée : plus elle vibre, ou plus elle se déplace rapidement. Pour refroidir notre atome, il faut donc l’immobiliser. À l’échelle d’un atome, on ne peut utiliser une point solide, on utilise de la lumière.
La lumière issue d’un laser a la particularité d’être monochromatique. Par ailleurs, bien que la lumière soit sans masse, elle possède une énergie et une quantité de mouvement. Éclairer un objet revient à exercer une pression, appelée « pression radiative » dessus. C’est la force exercée par la lumière que l’on utilise pour ralentir le mouvement d’une particule.
L’effet Doppler, c’est ce qu’on entend quand une ambulance qui passe devant nous semble émettre un bruit plus aigu quand il s’approche et plus grave quand il s’éloigne de nous. Ce phénomène se produit avec toutes les ondes (y compris la lumière) dont la source et l’observateur son en mouvement relatif l’un par rapport à l’autre. Quand la source et l’observateur se rapprochent, les ondes sonores sont perçues comme compressées : les longueurs d’ondes sont plus courtes. Quand ils s’éloignent, la longueur d’onde est augmentée.
Du point de vue de notre atome en mouvement, quand il s’approche d’un rayon lumineux, il verra cette lumière avec une longueur d’onde plus courte. S’il s’en éloigne, la longueur d’onde est perçue comme plus grande.
Le terme de blueshift, ou « décalage vers le bleu » en français, provient du fait que la lumière (dans le cas du visible) dont la longueur d’onde est réduite a une couleur plus proche de l’extrémité bleue du spectre du visible. Si l’on s’éloignait de la source, la longueur d’onde étirée serait plus longue, donc décalée vers le rouge (on aurait parlé de redshift).
Le refroidissement par laser
La technique de refroidissement par laser est d’utiliser tout ce que j’ai défini la-haut pour immobiliser des atomes.
Pour comprendre le principe, imaginez vous sur un vélo. Un vent de face vous ralentirait, mais un vent de dos vous permettrait d’aller plus vite. Si vous êtes sur un chemin qui change de sans arrêt de direction, vous serez sans cesse ralenti puis accéléré. L’idéal serait évidemment de pouvoir profiter du vent arrière sans avoir à subir le vent de face : on serait alors sans cesse accéléré sans être ralenti.
Pour nos atomes que l’on veut ralentir, ça serait l’inverse : il faudrait pouvoir leur faire subir un ralentissement par « vent de face » sans jamais que le vent arrière ne les accélère. Et bien sachez que grâce à la mécanique quantique et le phénomène de blueshift, c’est ce qui se passe.
Les atomes obéissent à la physique quantique : ils ont des niveaux d’énergie précis, et ne réagissent qu’aux phénomènes qui ont des niveaux d’énergie bien précis, comme la lumière. Toute action dont l’énergie n’est pas un des niveaux autorisés par l’atome n’a aucun effet sur lui. Ainsi, quand on éclaire un atome A avec de la lumière bleue, l’atome peut absorber le photon. Mais si on l’éclairait avec du vert ou du rouge, il ne se passerait rien du tout.
Pour obtenir un refroidissement, on va utiliser le blueshift. On va s’arranger pour que le laser émette une longueur d’onde très légèrement supérieure à la lumière autorisée par l’atome. Ainsi, un atome immobile n’y serait pas soumis (seule une lumière ayant une énergie exactement un des niveaux de l’atome a un effet sur lui).
En revanche, un atome qui s’approche verrait la lumière avec une longueur d’onde un peu plus courte, donc correspondant à son niveau autorisé ! L’atome va absorber cette lumière et ralentir :
Les atomes qui s’éloignent verraient, quant à eux, une longueur plus grande et n’y sont donc pas soumis :
On a alors ce que l’on souhaite : la lumière laser peut ralentir un atome qui vibre, mais pas l’accélérer : le laser refroidit donc notre atome.
Pour compléter le dispositif, il suffit donc d’envoyer des faisceaux lumineux dans les 6 directions possibles (vers le haut, le bas, la gauche, la droite, l’avant et l’arrière) et les atomes seront ralenti quelque soit leur sens de déplacement. Et à chaque fois, la lumière ne fera toujours que ralentir le déplacement des atomes, jamais l’accélérer, grâce à l’usage ingénieux du phénomène de blueshift !
En soumettant l’atome à des longueurs d’ondes de plus en plus proche de leur niveau d’énergie autorisée, on arrive à éliminer des mouvements de plus en plus faibles, pour les approcher de plus en plus d’un état d’immobilité, donc du zéro absolu.