Ça y est, le télescope spatial nouvelle génération James Webb a produit ses premières photos époustouflantes.
Ce télescope est dans la continuité des télescopes spatiaux après Hubble ou Kepler, mais ne les remplace pas totalement. Webb ne voit pas dans les UV, par exemple, contrairement à Hubble.
Le télescope spatial James Webb, abrégé JWST (pour « James Webb Space Telescope ») n’est pas en orbite autour de la Terre. Il a été placé au point de Lagrange 2, qui est un point de l’espace aligné avec le Soleil et la Terre, dans l’ombre de ce dernier, où les forces de gravité s’annulent. Ceci permet de maintenir le JWST à une place stationnaire dans le ciel sans grand effort et à 1,5 millions de kilomètres de la Terre (soit cinq fois plus loin que la Lune).
Maintenant que les présentations sont faites, on peut constater quelques faits intéressants sur les photos.
Déjà, les photos sont incroyablement nettes, d’autant plus si on compare avec ce que nous permettait déjà de voir Hubble. Ceci est dû au miroir collecteur du JWST, beaucoup plus grand. Mais ce n’est pas tout.
Voyez par exemple ces deux photos du même endroit dans le ciel :
On remarque que les galaxies photographiées apparaissent de façon étoilée, avec des branches. Ces branches sont nommées des aigrettes de diffraction et sont visible dès qu’on utilise un télescope.
On remarquera que les photos prises avec Hubble affichent des étoiles à quatre branches, alors que les photos prises par Webb montrent toujours six aigrettes (et même huit, si l’on regarde bien). Pourquoi cette différence ?
D’où viennent les aigrettes de diffraction ?
Comme j’ai dit, tous les télescopes montrent ces aigrettes, or Webb comme Hubble sont des télescopes. Les télescopes utilisent des miroirs pour concentrer et diriger la lumière.
Le premier miroir, ou miroir principal est le collecteur : c’est lui qui collecte la lumière et l’image de ce que l’on souhaite photographier. C’est un miroir parabolique concave qui renvoie toute cette image sur un point appelé foyer. En ce foyer (ou juste avant), se trouve un miroir secondaire, éventuellement plat, qui envoie l’image vers un oculaire ou un appareil photo :
Ce miroir secondaire ne tient pas là tout seul : il est maintenu en place par une structure de maintien, généralement des barres métalliques. Ce sont ces barres de maintien qui sont responsables de ces aigrettes. En tout cas d’une partie d’entre elles : car la forme des miroirs joue également.
Les aigrettes ont donc deux origines distinctes : la forme des miroirs et la structure de maintien du miroir secondaire, qui passe devant le miroir principal.
Les aigrettes dues à la structure du télescope
Les tiges qui maintiennent le miroir secondaire en place sont responsables d’une partie des aigrettes de diffraction. Pour comprendre comment, un peu de physique optique de niveau lycée.
On parle de diffraction des ondes. Si vous avez chez vous un pointeur laser, je vous invite à essayer ceci : visez le faisceau laser sur un cheveu et regardez ce qu’il advient de la tâche lumineuse. Sans le cheveu, le laser fait un point, mais avec, il fait… une série de taches alignées :
Ceci se produit, car le cheveu coupe le faisceau en deux et chaque moitié de faisceau va agir sur l’autre moitié par interférences lumineuses. Sur un télescope, les tiges métalliques qui maintiennent le miroir secondaire produisent des interférences de ce genre-là.
Si le miroir est maintenu par deux paires de tiges perpendiculaires, on obtient deux lignes lumineuses et l’étoile a 4 branches. S’il y en a trois, on en obtient trois, et l’étoile a 6 branches :
Maintenant… ceci est bien ce qui produit les aigrettes de diffraction sur les photos prises par Hubble, mais pas par Webb. Pas tous. En effet, le JWST tient son miroir avec trois branches, mais espacées de façon irrégulière à 150°, 60° et 150° :
Comme on voit, la structure de maintien produit 6 aigrettes, mais il y en a d’autres. Il y a la ligne verticale en plus: d’où vient-elle ?
Les aigrettes dues à la forme du miroir
Sur les photos de Webb, certaines aigrettes sont bien formées par la structure, mais elles ne sont pas dominantes. Les deux horizontales sont d’ailleurs plus fines que les 6 autres.
En plus des tiges de maintien du miroir secondaire, il faut tenir compte de la forme du miroir lui-même : ce dernier est délimité et le bord est source d’interférences également.
Si le miroir est parfaitement circulaire, alors cela produit des taches de diffraction concentriques. Mais dès qu’il y a un bord droit, cela produit une ligne. Or, le télescope Webb a une série de miroirs hexagonaux disposés en nid d’abeille :
Chacun de ces miroirs produit donc des lignes d’interférences. Quand tous ces éléments sont bien ajustés, les aigrettes se superposent : l’image totale voit alors 6 aigrettes sur les photos.
Par ailleurs, le télescope est construit de telle sorte que quatre de ces 6 aigrettes du miroir viennent se superposer avec 4 aigrettes des six engendrées par la structure de maintien :
Il y a donc 12 aigrettes de sources diverses, mais le rendu sur l’image n’en montre que 8.
Conclusion
Les télescopes sont des instruments d’optique, et subissent donc les effets de diffraction de la lumière. Sur les photos prises avec un télescope, on voit une partie de ces aberrations sous la forme de branches sur les étoiles et les galaxies : ce sont les aigrettes de diffraction.
Sur la plupart des télescopes à miroirs circulaires, ces branches d’étoiles proviennent uniquement de la structure de maintien du miroir secondaire devant le miroir primaire (miroir principal). C’est le cas pour Hubble et les télescopes amateurs.
Dans le cas de Webb, cela n’explique pas tout : le miroir est bien tenu par 3 tiges, et l’on devrait voir 3 lignes (6 aigrettes), mais on en voit en réalité 8 : les deux verticales ne peuvent pas être expliquées par ce mécanisme.
Or, on se souvient que le miroir principal de Webb est formé d’hexagones. Ce sont les bords droits de ces hexagones qui forment trois paires d’aigrettes supplémentaires. Ce sont même les aigrettes les plus brillantes sur les photos.
Au final, les photos prises par le JWST montrent des étoiles à 8 branches :
- 2 aigrettes horizontales, exclusivement dues à une partie de la structure de maintien du miroir secondaire
- 2 aigrettes verticales, exclusivement dues aux bords horizontaux des miroirs
- 2×2 = 4 aigrettes composées de la superposition d’aigrettes du miroir et d’aigrettes de la structure de maintien du miroir secondaire.
Pour finir, sur les lunettes astronomiques, on n’utilise pas de miroir et le trajet de la lumière n’est pas occultée par quoi que ce soit. Il n’y a donc pas de tiges qui bloquent quoi que ce soit.
Des aigrettes de diffraction peuvent également être produites par certaines caméras et certains appareils photo. Sur ces appareils, cela provient de l’obturateur ou le diaphragme qui n’est pas forcément circulaire, mais peut être fait de deux volets (donc une fente) ou quatre volets (un carré) voire beaucoup plus. On observe alors facilement des 6, 9, 18 ou plus d’aigrettes sur ces images.