Un circuit électrique est assez mystérieux : même en fonctionnement, on ne voit rien de spécial se produire : pas de mouvement, ni de bruit et pas toujours de lumière non plus. Pourtant, il se passe beaucoup de choses quand on branche un circuit aussi simple qu’une pile avec une bobine de fil de cuivre.
Parfois, on se décrit un circuit électrique comme un cours d’eau. L’intensité du courant est alors analogue au débit de la rivière et la tension électrique est la hauteur de chute d’une cascade (ou la pente d’une rivière). On peut ajouter que la résistance électrique serait comme un tuyau ou un barrage : plus le barrage est ouvert, plus l’eau s’écoule, et plus la résistance est faible.
Cette analogie permet de comprendre facilement beaucoup de choses, mais comment se modéliser les notions un peu plus poussées, comme l’inductance ou la capacité électrique, toujours avec de l’eau ?
Inductance électromagnétique d’une bobine
Explications sur le courant
Quand un fil est traversé par un courant électrique, il apparaît un champ magnétique tout autour. C’est la loi d’Ampère et elle est très connue et universelle.
Une bobine est un fil enroulé en une succession de spires : le champ magnétique qui est produit est piégé dans la bobine, ce qui a quelques effets sympathiques.
Quand les électrons sont mis en mouvement dans le fil juste après que l’on branche le circuit, alors le champ magnétique progresse en même temps que les électrons le long du fil. Ceci est pratiquement instantané sur un fil, mais pas dans une bobine, où le champ magnétique est confiné à l’intérieur. Dans ce cas, le champ magnétique freine l’établissement du courant : les électrons peinent à se mettre en mouvement. Dans une bobine, les conditions électromagnétiques ralentissent l’établissement du courant électrique.
Ainsi, si l’on branche en série une pile, une lampe et une bobine, la lampe s’allumera progressivement et graduellement car le courant est freiné par la bobine au début :

Une fois établi, le courant circule normalement et la lumière brille normalement aussi.
Quand on coupe le courant, le champ magnétique produit à l’intérieur de la bobine continuera, durant un instant, à faire circuler les électrons (et si le circuit est ouvert, ceci produit une accumulation de charges sur l’interrupteur et peut donner lieu à de belles étincelles).
On peut considérer que la bobine est un composant qui donne de l’inertie au courant : elle s’oppose aux variations de courant, mais uniquement aux variations et pas au courant lui-même, car une fois que les électrons sont lancés, le courant est établi et ne varie plus : ce n’est donc pas comme une résistance.
Explications sur la tension
D’un point de vue de la tension électrique, lorsque le courant est en cours d’établissement, à cause du phénomène de retard des électrons, les charges électriques à l’entrée de la bobine arrivent sans que les charges en sortie n’en sortent. Il y a un surplus d’électrons d’un côté et donc un potentiel plus élevé, donc une tension aux bornes de la bobine. Cette tension disparaît quand le courant est totalement établi.
Ce phénomène où le courant réagit au champ magnétique qu’il a lui-même induit, se nomme l’inductance. Elle se note $\text{L}$ et son unité est le Henry (symbole : $\text{H}$).
Plus l’inductance d’une bobine est importante, plus elle retarde les électrons et plus la tension aux bornes de la bobine est grande au moment où le courant se met en place et plus l’établissement du courant prend du temps.
Une inductance de 1 henry caractérise une bobine qui affiche une différence de potentiel de 1 volt au moment où on lui impose un courant de 1 ampère en entrée alors que le courant de sortie n’est toujours pas visible.
On peut donc dire que la tension apparaît dès le début mais que le courant à la sortie de la bobine met du temps à arriver. L’intensité est donc en retard sur la tension. On dit que la tension dérive du courant.
C’est pour cela que l’on a la relation différentielle liant la tension u à l’intensité i (apprise au lycée) suivante, où L est la constante liée à la bobine :
$$u = L\frac{di}{dt}$$
Plus généralement, on parle plutôt de variation de courant que d’établissement du courant. La bobine agit quand on fait varier l’intensité du courant d’entrée : il faut un moment pour que la variation ne soit visible en sortie. Du coup, quand on ajoute 1 ampère à chaque seconde sur le courant d’entrée d’une bobine qui a une inductance de 1 henry, le retard des électrons à la sortie provoque une différence de potentiel de 1 volt.
Si l’on reprend maintenant l’analogie avec l’eau, il faut considérer un dispositif qui bloque le passage du courant durant quelques instants, mais qui finalement, une fois débloqué, laisse passer le courant tout à fait normalement. Un tel dispositif serait une roue à aube, ou un compteur d’eau à forte inertie :

Les pales d’une roue à aube bloquent le passage de l’eau, mais une fois que l’eau la fait tourner, le liquide passe de façon régulière et normale. Et si on arrête l’arrivée d’eau en amont, l’inertie de la roue continue de pomper l’eau d’un côté à l’autre durant quelques instants.
Il se passe la même chose avec une bobine et le flot d’électrons qui composent le courant. Le magnétisme produit par la bobine agit sur le courant, le bloquant au début, mais le permettant tout de même de circuler normalement une fois établi.
Pour résumer
L’inductance d’une bobine, c’est l’analogie d’une inertie mécanique. Si on retire la bobine du circuit, l’intensité du courant est établi instantanément, et non plus progressivement.
L’inductance dans un circuit électrique c’est donc un peu l’inertie du courant : la bobine s’opposant aux variations du courant électrique, tout comme l’inertie d’un corps s’oppose aux variations de vitesse de ce corps. Cette opposition aux variations du courant est due aux phénomènes magnétiques produites par les spires d’une bobine, les unes sur les autres.
Capacité électrique d’un condensateur
Explications sur la tension
Un condensateur est un composant électrique qui est là également très simple : deux plaques métalliques placées face à face et séparées par un isolant. Un circuit comportant un condensateur est donc, en soi, un circuit ouvert : le courant ne peut pas passer à cause de cet isolant.
La particularité du condensateur ne tient donc pas avec le courant, mais plutôt avec la tension : la tension de la pile va provoquer un déplacement des électrons d’une plaque — d’une armature — du condensateur vers l’autre plaque.
Le condensateur constitue un moyen de stocker les charges électriques. Quand on le charge, un courant transfert des électrons d’une armature à l’autre, et quand la tension aux bornes du condensateur atteint celle de la pile, le circuit est en équilibre et il n’y a plus de transfert d’électrons : le courant s’arrête.
Quand on branche en série une pile, un condensateur et une lampe, cette dernière brille normalement, puis de moins en moins jusqu’à s’arrêter complètement :

Si l’intérieur d’une bobine est le théâtre d’un champ magnétique, l’intérieur du condensateur voit apparaître un champ électrique uniforme dirigé d’une armature vers l’autre.
Quand on branche le condensateur chargé avec juste une lampe, alors la lampe va briller : un courant électrique dirigé de la borne négative vers la borne positive du condensateur apparaît. Le condensateur stocke donc de l’énergie électrique.
En pratique, on utilise les condensateurs pour produire de très hautes tensions. Le condensateur n’a pas de résistance interne comme une pile, et peut libérer toutes ses charges d’un seul coup, produisant une forte tension de façon très brève.
Explications sur le courant
Au niveau du courant, il dépend de la tension aux bornes du condensateur. Si le condensateur est vide, sa tension est nulle et la pile peut débiter un courant sur une armature et l’absorber de l’autre. Le courant est donc maximal au début. Peu à peu, le condensateur charge, sa tension augmente et la pile a plus de mal à assurer le courant : ce dernier diminue, jusqu’à s’arrêter.
Lors de la décharge, le courant est maximal au début quand le condensateur est chargé, puis diminue quand la tension aux bornes du condensateur n’est plus suffisante, pour s’arrêter quand il n’y en a plus du tout de tension et que toute les charges se sont équilibrées.
La tension maximale est donc atteinte après l’intensité maximale : on dit que la tension retarde sur l’intensité, ou que le courant dérive de la tension. D’où l’autre relation différentielle apprise au lycée, C étant la caractéristique du condensateur :
$$i = C\frac{du}{dt}$$
On remarquera que les deux relations (celle de la bobine et celle du condensateur) sont symétriques.
La caractéristique d’un condensateur est sa capacité électrique. Elle est notée $\text{C}$ et son unité est le Farad (symbole : $\text{F}$). Plus la capacité d’un condensateur est importante, plus le condensateur peut emmagasiner des charges et de l’énergie électrique (et plus il prend aussi de temps à la pile pour la charger).
Une capacité de 1 farad caractérise un condensateur dont la tension électrique est de 1 volt pour chaque coulomb de charge stocké (soit $6,241 \times 10^{18}$ électrons stockés). C’est la géométrie du condensateur qui détermine sa capacité et sa tension. Des condensateurs plus gros peuvent naturellement transférer des quantités plus importantes de charges, mais pas forcément plus rapidement. Une capacité plus forte n’est donc pas toujours synonyme d’une forte tension (mais plutôt d’une plus grande quantité d’électricité emmagasinée).
Pour poursuivre ici aussi notre analogie avec l’eau, on peut imagine un dispositif qui produit un grand dénivelé, donc on exploite ensuite l’énergie potentielle. Un condensateur est donc un barrage électrique. On peut assimiler la quantité d’eau à une quantité d’électrons, la différence d’altitude à une différence de potentiel :

On comprendra que si l’on ouvre le robinet sur la vanne, l’eau du vase de gauche ira vers le vase de droite. La partie de l’eau à gauche qui est hachurée correspond à la zone dont l’eau est susceptible d’amorcer une décente. Plus la différence de hauteur est grande, plus la pression sur le robinet est important.
Pour résumer
La capacité d’un condensateur, c’est l’analogie d’une énergie potentielle. Le condensateur stocke des électrons pour pouvoir les faire circuler plus tard.
Le condensateur constitue donc une source de tension électrique, et plus il est chargé, plus il devient difficile pour une pile de faire circuler le courant (à cause de la tension du condensateur qui s’oppose à celle de la pile).