asteroid 243 Ida
Alors que d’un côté certains éléments extraits de la Terre deviennent de plus en plus rares, et que de l’autre on a des astéroïdes qui sont plein d’éléments rares, il est logique désormais qu’on en arrive à des projets de minage des astéroïdes, y compris par des sociétés du secteur privée (Planetary Ressources, DSI…).

Mais une question peut être posée : pourquoi les astéroïdes sont remplis d’or ?

Déjà, les astéroïdes contiennent de l’or et d’autres éléments. Ils ne sont pas fait uniquement de ça. Mais pour savoir pourquoi il y en a plus que sur Terre, il faut commencer par le début : d’où vient l’or ?

La formation de l’or dans l’univers

Déjà il faut savoir un truc : dans l’univers, 92% des atomes sont de l’hydrogène. La majorité des 8% d’atomes qui restent sont de l’hélium.
Tous les éléments autres que ces deux là sont seulement là à l’état de traces.

Si on a des planètes entières formées de ces éléments, c’est que les planètes représentent une masse ridicule, même face à une étoile de taille moyenne : les 4 planètes telluriques réunies représentent ~0,000 007% de la masse du Soleil.
On peut donc considérer que toute la masse des planètes rocheuses ne représente qu’une trace dans le système solaire.

Parmi les éléments autres que l’hydrogène et l’hélium, on distingue deux catégories : les éléments légers (avant le fer dans le tableau périodique) et les éléments lourds (après le fer dans le tableau périodique).

Les éléments légers sont produits dans les étoiles, par fusion nucléaire (c’est le cas de l’oxygène, de l’argon, du carbone, du calcium…) et les éléments plus lourds sont produits lors des supernovas, l’explosion des étoiles massives, et la fusion d’étoiles à neutron (le cas du cuivre, or, uranium, platine, tungstène… et tous les autres).

C’est donc des supernova et des étoiles à neutrons que provient le métal qui nous intéresse : l’or.

La présence d’or sur Terre

Après une supernova et la mort d’une étoile géante, tous les éléments se retrouvent diffusées dans l’espace. La matière (toujours majoritairement de l’hydrogène), sous l’effet de la gravité va de nouveau se condenser et une nouvelle génération d’étoiles va se former, avec autour d’elles une série de planètes composées des éléments plus lourds qui n’ont pas eu le temps de tomber dans la nouvelle étoile.

La majorité de l’or sur Terre provient de là… Mais pas celui de vos bijoux !

Notre planète, juste après sa formation, était une boule de magma liquide : les éléments ont peu à peu décantés, et les éléments les plus lourds se sont retrouvés au centre et les plus légers sont restés en surface : on appelle ça la différenciation planétaire.

Parmi les constituants du noyau terrestre, on trouve donc du fer et du nickel, mais aussi de l’or, du platine, du rhodium, du tungstène… La croûte terrestre est composée majoritairement de silicium, d’oxygène, d’aluminium, de titane.

Il y a beaucoup d’or sur Terre : c’est juste qu’elle se trouve dans le noyau.

Alors d’où vient l’or des filons et des mines ?
Il vient en fait des astéroïdes. En effet, ces derniers, bien moins massifs et beaucoup moins chaud, n’ont pas eu de différenciation : tous les éléments chimiques y sont donc plus ou moins mélangés.

Quand un astéroïde frappe la Terre, ses constituants se déposent à la surface de la planète. Il suffit qu’un astéroïde soit tombé assez récemment pour que son contenu soit encore directement accessible à la surface. La matière des météorites tombés plus anciennement remonte quant-à-elle à la surface grâce au volcanisme.

Quand on exploite une mine d’or (ou de n’importe quel métal lourd et particulièrement ceux qui sont inertes chimiquement), on exploite généralement soit les abords d’un ancien site météoritique, soit une région anciennement volcanique. C’est ça qui fait que le minerai est présent sous la forme de filons et non pas de façon uniforme partout sur Terre.

L’or dans les astéroïdes

Je l’ai dit un peu plus haut : les astéroïdes, comme toutes les planètes rocheuses sont formés des restes d’éléments lourds et solides présents sur place lors de la formation du système solaire. L’or n’y est pas plus abondant que sur Terre : l’or y est plus abondant que dans la croûte terrestre seulement. De plus, l’or s’y trouve aussi bien à la surface qu’à l’intérieur, à cause de la différenciation qui n’a pas eu lieu.

C’est parce qu’elle se trouve à la surface qu’il est beaucoup plus rentable et pratique d’aller la chercher là-bas ! En effet, envoyer une sonde spatiale sur un astéroïde, on sait le faire et c’est seulement un problème de coût. Par contre, creuser un trou jusqu’au centre de la Terre, on ne sait pas faire et ce n’est pas possible techniquement (il faut traverser le manteau rocheux à 5000 °C puis creuser dans un noyau métallique, le tout sous des pressions et des contraintes inimaginables).

Voilà pourquoi on parle (souvent de façon hyperbolique quand même) d’astéroïdes « remplis d’or » : l’or y est simplement plus accessible que sur Terre et pas forcément en quantité plus importantes.

Pour aller plus loin, sachez que tous les trésors ou ressources minières qu’il est envisagé de miner ne sont pas d’or ou d’argent : certaines comètes sont remplies de glace d’eau. Or l’eau, si on l’électrolyse, on se retrouve avec de l’hydrogène et de l’oxygène, qui n’est autre que du carburant pour fusée. Il est dès lors possible de faire des « stations essence » pour les expéditions spatiales : ce serait beaucoup plus rentable là aussi que de prendre le carburant sur Terre (qui y est plus abondant, mais qui pèse lourd au décollage).

Sans oublier non plus l’énergie solaire : sur Terre, une bonne partie du flux lumineux reçu du Soleil est directement réfléchie dans l’espace et une autre partie est diffusée ou absorbée par l’atmosphère. L’espace est encore plus propice à l’exploitation de l’énergie solaire qu’elle ne l’est sur Terre : ce n’est pas pour rien que la station spatiale internationale (ISS), le télescope spatial Hubble ou diverses autres sondes ou satellites sont alimentées par des l’énergie solaire.

Enfin, d’autres éléments chimiques sont simplement absents de la croûte terrestre car ils se sont envolés dans l’espace inter-planétaire. C’est le cas de l’hélium-3. À cause du volcanisme et de la modification des roches continentales, tout l’hélium-3 que la Terre avait n’est plus là aujourd’hui. La Lune en revanche possède d’importantes ressources d’hélium-3, piégée dans la roche depuis des milliards d’années. Cet hélium est un possible combustible nucléaire pour des centrales à fusion, qui sont beaucoup plus propres que les centrales actuelles. L’hélium-3 et la Lune sont à la base de l’intrigue du film « Moon ».

Image d’en-tête : Nasa.

4 commentaires

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Thibaud écrit :

Bonjour, toujours des sujets plus intéressants les uns que les autres. Très bien expliqués. Merci vraiment pour ce blog.
Concernant ce dernier sujet, quand tu dis que l'or présent au moment de la formation de la terre s'est retrouvée au niveau du noyau par "décantation", parles-tu du noyau interne solide ou externe liquide ?
D'autre part, si l'or se trouve dans le noyau externe fluide, ne remonterait-il pas à la surface par le biais du volcanisme ? L'or d'un ancien site volcanique pourrait donc être le "notre".
Au contraire, si l'or est intégré au noyau solide de la terre, est-il possible qu'il se "mélange" au noyau liquide et remonte à la surface par le même mécanisme de volcanisme.
Enfin, le noyau de la terre, qu'il soit interne ou externe est dit constitué en majorité de fer (80%) et de nickel, connais-tu la proportion d'or ?
Merci

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Le Hollandais Volant écrit :

@Thibaud : L’or étant l’un des éléments les plus denses du tableau périodique (19,3 g/cm³, contre seulement 11 g/cm³ pour le plomb), il doit être tout au centre, avec l’uranium, le tungstène, l’osmium…

Il semble y avoir des phénomènes de convection dans le noyau, mais je ne sais pas s’ils sont suffisants pour permettre de remuer le centre du noyau et les faire remonter à la surface jusqu’à la croûte. C’est comme avoir du mercure liquide dans un verre d’eau et d’huile : l’ensemble s’organise sous forme de couches de densité croissante. Faire bouillir l’ensemble peut engendrer une convection, mais ça sera surtout une convection par couche plutôt qu’une seule convection pour toutes les couches.

Concernant la quantité totale d’or et de métaux lourds, je ne sais pas.
Wiki (US) donne cette indication :

Because the inner core is denser (12.8 ~ 13.1)g⁄cm³ than pure iron or nickel at Earth's inner core pressures, the inner core must contain a great amount of heavy elements with only a small amount of light elements, mainly Si with traces of O. Based on such density a study calculated that the core contains enough gold, platinum and other siderophile elements that if extracted and poured onto the Earth's surface it would cover the entire Earth with a coating 0.45 m

Les calculs montrent que l’ensemble de ces métaux lourds formeraient une couche de 45 cm à la surface de la Terre.

Si on fait un cube avec tout ce métal, ça ferait un cube de 61 km de côté (à comparer à la quantité totale d’or présente dans la croûte terrestre qui ne représente qu’un cube de 0,02 km de côté).


(Et merci pour les encouragements :) !)

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Heinrich écrit :

Bonjour,
Encore un article super intéressant sur cet excellent blog que je découvre tout juste ! Merci beaucoup !

Une petite question néanmoins. Dans le second paragraphe, tu dit :

une série de planètes composées des éléments plus lourds qui n’ont pas eu le temps de tomber dans la nouvelle étoile.

J'ai du mal à comprendre le mécanisme à l'oeuvre ici:
-Lors de la supernova, le centre de masse du système {étoile massive} n'a pas du être déplacé car il n'y a pas eu d'action extérieure sur ce système. Les parties élémentaires du système se sont juste écartés les unes des autres lors de l'explosion.Les éléments lourds étant plus denses, et n'ayant à priori pas reçu une énergie plus grande lors de l'explosion que les éléments légers, il ont du moins se disperser que les éléments légers (d'après mon intuition, mais je peux parfaitement me tromper, en fait l'image que j'ai c'est celle d'une voiture qui explose : les éclats de verre vont plus loin que la portière car ils sont plus légers).
-Lors de l'agrégation future de tous ces éléments sous l'effet de la gravité, un système {étoile + planètes} est créé, avec le même centre de gravité que l'étoile massive d'origine. On est dans le vide (pas de frottement) donc l'équation de Galilée pour la chute des corps tient : tous les éléments chutent avec la même accélération vers le centre de gravité (même accélération pour deux objets ayant la même position dans l'espace je veux dire, car ici je crois que le champ de gravité n'est pas uniforme comme à la surface terrestre). Ainsi, les éléments lourds ayant été moins dispersés lors de l'explosion, ils doivent retomber plus vite au sein de la nouvelle étoile qui se forme.
D'où ma question : pourquoi est-ce le contraire qui se passe, pourquoi est-ce les éléments légers qui sont dans l'étoile ?

Je me doute bien que mon raisonnement avec les mains doit avoir une bonne demi-douzaine de failles, mais je n'arrive néanmoins pas à trouver laquelle est importante :/
J'ai plusieurs hypothèses :
1- La nouvelle étoile ne se formerait pas au centre de gravité de l'ancienne, car il n'y a pas qu'une nouvelle étoile ?
2- La création d'une étoile serait un phénomène chimique (il faut une combustion) qui implique les éléments légers ?
3- Les éléments lourds seraient en fait plus dispersés lors de l'explosion à cause de leur inertie ?
4- C'est une tout autre raison ?

Merci de m'éclairer, et encore bravo pour ce super blog !!!

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Le Hollandais Volant écrit :

@Heinrich :

les éclats de verre vont plus loin que la portière car ils sont plus légers

Tout à fait, mais c’est parce qu’ils sont aussi moins ralentis par l’air.
Dans l’espace, ils vont également plus vite, mais si tu attends un temps infini, alors les deux iront à une distance infinie.

même accélération pour deux objets ayant la même position dans l'espace je veux dire, car ici je crois que le champ de gravité n'est pas uniforme comme à la surface terrestre

Exacte : plus on s’écarte, plus l’intensité du champ diminue.

Ainsi, les éléments lourds ayant été moins dispersés lors de l'explosion, ils doivent retomber plus vite au sein de la nouvelle étoile qui se forme.

Pas plus vite.
Ils arrivent simplement avant les autres car ils ont moins de distance à faire.

D'où ma question : pourquoi est-ce le contraire qui se passe, pourquoi est-ce les éléments légers qui sont dans l'étoile ?

La raison le plus importante, c’est que même dans une étoile "vieille", l’hydrogène est largement dominante sur tous les autres éléments. Le soleil, c’est genre 90% d’hydrogène, 8% d’hélium et tous les autres éléments se partagent le reste.
Donc quand l’étoile explose, il y a forcément beaucoup plus d’hydrogène que n’importe quoi d’autre, surtout au centre.

Ce n’est que le cœur de l’étoile qui fusionne l’hydrogène en hélium. Les couches externes ne sont là que pour écraser le cœur, et il y a très peu d’échange entre le cœur et le manteau.
Quand l’étoile explose, c’est majoritairement une explosion d’hydrogène. Cette explosion permet de remuer l’ensemble. La nouvelle étoile a alors de nouveau de l’hydrogène dans son cœur et la fusion peut reprendre.
Un peu comme quand tu remue les braises dans un barbecue : si du bois "neuf" se trouve dans une partie sans braise, ça ne brûlera pas. Il suffit de remuer un peu, le bois et les braises se touchent et l’ensemble se rallume. Une étoile c’est pareil : le manteau extérieur ne fusionne rien : tout se passe dans le cœur. Quand le cœur n’a plus de combustible, l’étoile s’effondre sur elle-même, le manteau rebondit sur le cœur hyperdense et l’ensemble explose ce qui remue tout. Ensuite, la nouvelle étoile est de nouveau homogène et le cœur a de nouveau de l’hydrogène.

Quant à l’origine des planètes : il faut là aussi voir que les éléments "lourds" qui forment les planètes solides, les lunes et les astéroïdes, représentent des poussières à côté de la masse du soleil : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Planets_and_sun_size_comparison.jpg

Une fois que le cœur de l’étoile commence à fusionner, l’étoile s’allume, rayonne, et le vent solaire finit par balayer tous les éléments légers qui se retrouvent entre les planètes et rochers. Un peu comme un souffle de vent élimine un brouillard entre un groupe d’oiseaux.

C’est pour ça que l’espace entre les planètes est vide (ou presque) d’éléments légers.

Enfin, sur les planètes, les éléments légers peuvent « s’évaporer dans l’espace ». Les atomes et molécules les plus légères se déplacement plus rapidement que les plus lourdes. Ces vitesses de déplacement peuvent excéder la vitesse de libération cosmique : donc avoir une vitesse suffisante pour se libérer de l’attraction gravitationnelle de la planète. Sur Terre, seule le dihydrogène et l’hélium sont assez légers pour ça (c’est pour ça que tout l’hélium que l’on jette dans l’atmosphère est considéré comme perdu à jamais pour l’humanité). C’est aussi pour ça que notre atmopshère est composé de O2, N2, Ar, CO2… : ces éléments sont trop lourds pour quitter la Terre. Sur Mars (moins massive), il me semble (je ne suis pas sûr) que l’O2 est assez légère pour quitter la planète : ceci est un des soucis à une colonisation : on pourra bien mettre du dioxygène dans l’atmosphère martien, mais il finira par être libéré dans l’espace.

J'ai plusieurs hypothèses :
1- La nouvelle étoile ne se formerait pas au centre de gravité de l'ancienne, car il n'y a pas qu'une nouvelle étoile ?

Elle se forme dans le centre de gravité de la supernova, donc de l’ancienne étoile. Sauf si on considère le cas d’une collision d’étoiles, bien entendu.

2- La création d'une étoile serait un phénomène chimique (il faut une combustion) qui implique les éléments légers ?

Non non.

Il peut y avoir des combinaisons de quelques molécules, forcément, mais dans une étoile la température est telle que les liaisons chimiques, même les plus fortes, ne tiennent pas.

3- Les éléments lourds seraient en fait plus dispersés lors de l'explosion à cause de leur inertie ?

Pas tellement.
Si on regarde notre système solaire, les planètes telluriques (solides, formées d’éléments lourds) se retrouvent à l’intérieur du système solaire. Les planètes gazeuses, sont à l’extérieur. Ça montre donc bien que l'hydrogène et les éléments légers sont dispersés plus loin.

Le cœur du Soleil contient très certainement un énorme paquet d’éléments lourds datant de la précédente étoile, mais comme j’ai dit plus haut : même si une quantité de matière également à la Terre se trouvait au sein du Soleil, ça ne représente que 1 millionième de la masse de notre étoile : c’est rien, donc.

4- C'est une tout autre raison ?

Celle que j’ai expliquée au dessus : la proportion d’éléments légers est telle que quoi qu’il arrive, de l’hydrogène sera majoritaire. Et il suffit d’un millionième de matière solaire "lourde" pour faire une planète comme la Terre (la plus grosse planète tellurique de notre système).

Merci de m'éclairer, et encore bravo pour ce super blog !!!

Merci :D


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