Si vous êtes déjà passés à côté d’un poste de transformation EDF, vous avez peut-être entendu une sorte de ronronnement caractéristique des installations électriques, comme une sorte de vibration.
Ce bruit provient d’un phénomène appelé la magnétostriction. Il s’agit du phénomène analogue en magnétisme du phénomène de piézoélectricité en électricité.
Rappel sur l’effet piézoélectrique
La piézoélectricité est le nom donné à deux phénomènes :
- la naissance d’un potentiel électrique sur un cristal que l’on déforme (phénomène direct)
- le fait pour un cristal de se déformer sous l’action d’une tension électrique qu’on lui applique (phénomène indirect).
Ce phénomène est utilisé dans les montres à quartz, les briquets électroniques ou encore les « buzzers piézo » : des composants électriques qui servent à faire des « bip » sonores (par exemple sur une cafetière ou un four à micro-onde).
Dans le cas de la magnétostriction, c’est l’application d’un champ magnétique qui déforme un matériau ferromagnétique, au lieu d’une tension électrique.
La magnétostriction
Dans un bloc d’un matériau ferromagnétique, la matière est découpée en cellules magnétiques, appelées domaines de Weiss. Ce sont des régions microscopiques dans le métal au sein duquel les atomes ont tous le même moment magnétique : les champs magnétiques de tous les atomes d’un même domaine sont dans le même sens, mais les champs magnétiques de chaque domaine est aléatoire.
En moyenne, le bloc de métal est neutre : le moment magnétique global de l’ensemble des domaines de Weiss est nul. Sauf dans un aimant permanent : dans ce cas, tous les moments magnétiques de tous les domaines de Weiss sont orientés dans le même sens, et le moment magnétique global est non-nul :
Quand on applique un champ magnétique sur un matériau ferromagnétique, par exemple en collant un aimant dessus, alors les atomes dans tous les domaines de Weiss vont temporairement s’orienter dans le même sens, et le matériau devient magnétique lui aussi : un trombone collé à un aimant devient également magnétique et il peut lui-même soulever un autre trombone !
Si on décolle l’aimant, le trombone n’est plus magnétique : les domaines de Weiss ont repris leur moment magnétique initial.
Il se trouve que dans certains matériaux, les domaines de Weiss se déforment sensiblement lorsqu’ils s’alignent avec le champ magnétique extérieur. Les déformations de chaque domaine de Weiss s’additionnent et au final c’est tout l’échantillon métallique qui est déformé.
Comme pour la piézoélectricité, un bloc de matière s’allonge en devenant plus fin, ou s’épaissit mais raccourcis. Si le champ magnétique est alternatif, alors le matériau change constamment de forme. Si le matériau est suffisamment grand ou relié à une membrane, la vibration peut se transmettre à l’air et produire un son.
Dans les transformateurs électriques
Le cuivre n’est pas ferromagnétique. Ce n’est pas le fil de cuivre qui produit du bruit. Le fer et l’acier, et certains autres métaux ou alliages, en revanche, le sont.
Dans un transformateur électrique, du métal conducteur de champ magnétique (fer ou acier « doux ») est utilisé entre le primaire et le secondaire du transformateur :
Ce fer doux est entouré de bobines de cuivre dans lequel oscille un courant. Le courant dans le primaire va produire un champ magnétique, alternatif lui aussi. Ce champ magnétique va être capté et transporté par le noyau de fer doux vers le secondaire, où une seconde bobine soumise à ce champ magnétique va produire un courant (c’est le principe de l’inducteur et du transformateur).
Or, le noyau de fer, et même la carcasse du transformateur peut se déformer et vibrer par magnétostriction. Ceci peut engendrer un bruit que l’on entend à proximité des postes de transformation en fonctionnement.
Le bruit d’une voiture électrique, ou le sifflement électrique d’une rame de métro provient également en partie de là.
En revanche, le crépitement entendu sous une ligne très haute tension n’est pas dû à ça. L’alu et le cuivre des câbles ne sont pas ferromagnétiques. Le crépitement est dû à l’effet corona.
Ces vibrations, sons et déformations constituent évidemment des pertes d’énergie. Ils sont généralement impossibles à empêcher, mais on peut les minimiser (tout comme les pertes par courant de Foucault par exemple). Il faut pour cela choisir des matériaux ferromagnétiques mais peu magnétostrictifs.
Autres applications
L’effet magnétostrictif est moins connu que l’effet piézoélectrique, car il est généralement moins puissant (les déformations sont moins importantes). Elles ont cependant des applications car elles sont plus rapides et l’effet est plus sensible. Des modules magnétostrictifs sont par exemple utilisés pour la production d’ultrasons, utilisés pour les échographies (médicales ou industrielles), ou encore pour la production d’ondes mécaniques pour les sonars.
Comme l’effet piézoélectrique qui possède un effet direct et un indirect, la magnétostriction inverse existe aussi : on l’appelle effet Villari. Dans ce cas de figure, la déformation mécanique d’un métal va engendrer l’apparition d’un champ magnétique. Certains capteurs fonctionnent en détectant ces champs magnétiques consécutifs à une déformation géométrique : capteurs de couples, de son, de débits de fluides….