Janvier 2016. La Relativité Générale a 100 ans depuis quelques semaines. La physique quantique — celle qui permet les ordinateurs, les lasers et les Led — est à peine plus ancienne : les prémisses de cette théories ont été posées par Bohr en 1900.
On peut penser que ces deux grands modèles théoriques de la physique sont les seules chamboulements qui ont eu lieu en science au cours du siècle dernier.
Et bien il n’en est rien : d’autres faits marquants qui nous semblent parfaitement acquis sont en réalité bien plus récents que ces deux là !
Dans cet article, remettons donc quelques dates sur des découvertes qui ont marqué les sciences et constatons que tout ce qu’on apprends à l’école aujourd’hui est en réalité très très récent !
L’âge de la Terre
Beaucoup de tentatives de détermination de l’âge de la Terre ont eu lieu : Ussher et Newton au XVIIe siècle dataient la naissance de la Terre à 4000 ans avant J.-C en se basant sur la bible. Les scientifiques Lamarck et Maillet au XVIIIe siècle avaient calculé que la Terre devait avoir entre 2 et 4 milliards d’années, d’après les couches géologiques et les courants océaniques. Kelvin, lui, donnait environ 100 millions d’années à notre planète, utilisant la récente discipline de la thermodynamique à laquelle il a lui-même grandement contribué.
La mesure de l’âge de la Terre à sa valeur admise aujourd’hui — 4,55 milliards d'années — est basée sur la datation radioactive de l’uranium sur des météorites. Cette valeur a été déterminée seulement en 1953 et est due à Clair Patterson. C’est la méthode la plus fiable pour déterminer l’âge de notre planète et celle du système solaire : utiliser les couches géologiques ne l’est pas car les premières couches ont été détruites la tectonique des plaques, et les courants océaniques actuels n’ont quant à eux pas toujours existé non plus.
En parlant de l’idée de la tectonique des plaques, celle-ci est également très récente.
La tectonique des plaques
Comment expliquer les formes complémentaires de l’Amérique du sud et de l’Afrique ? Et comment expliquer les similitudes géologiques de ces deux régions, et la découverte des mêmes fossiles de part et d’autre de l’atlantique ? Pour Wegener en 1915, c’était dû à la dérive des continents. Cette idée a longtemps été rejetée, faute de preuves (à l’époque on se contentait de dire qu’un « pont » naturel entre l’Afrique et l’Europe reliait l’Amérique, et que ce pont à disparu depuis).
Ce n’est qu’en 1960, après avoir cartographié les fonds de l’océan Atlantique, que Bruce Heezen et Marie Tharp ont découvert une preuve de l’expansion des océans et de la dérive des continents : la présence des rifts océaniques, où naissent le fond des océans. Deux années plus tard, Hess montra comment fonctionne le phénomène inverse : la subduction.
Il a fallu attendre 1967 pour voir apparaître une théorie complète sur des plaques continentales indépendantes les unes des autres. L’intuition d’une tectonique des plaques a donc à peine 100 ans et la théorie et les preuves qui vont avec, à peine moitié moins.
L’âge du Soleil et son fonctionnement
Le Soleil a le même âge que la Terre et que le reste du système solaire. Son fonctionnement n’est pourtant connu que depuis récemment. La cause ? La fusion nucléaire et la radioactivité qui n’étaient pas connus avant le début des années 1900 ! Les seules idées avant cela pour décrire son fonctionnement étaient la chimie : on pensait que le Soleil était fait de charbon et qu’il brûlait.
On sait aujourd’hui que ce modèle donnait à notre étoile qu’une espérance de vie de seulement quelques milliers d’années (ce qui était à l’époque conforme à la bible et donc plus ou moins accepté).
En 1860, Kelvin proposait un mécanisme de compression et décompression du Soleil pour expliquer la chaleur émise. Ce mécanisme connu sous le nom de mécanisme de Kelvin-Helmholtz donnait au Soleil un âge de 20 millions d’années.
Il a fallu attendre 1920 avec Perrin pour que l’hypothèse de la fusion nucléaire stellaire fasse son apparition, et plus longtemps encore pour expliquer son spectre d’émission (Payne en 1925), sa formation (Chandrasekhar en 1939) et la présence détectée de tous les métaux et éléments lourds dans le Soleil ainsi que la formation des systèmes planétaires (Burbidge & Co en 1957).
Pensez-y : on utilise les métaux depuis l’antiquité et la chimie moderne depuis plus de 250 ans. Mais avant 1957, la seule réponse possible à la question sur l’origine de ces métaux était « on les extrait du sol. », sans pouvoir expliquer comment ils se sont retrouvés là… Il a fallu attendre l’astrophysique moderne pour expliquer l’origine des atomes qui composent les objets, notre planète et même nous.
Les dinosaures
Les os de dinosaures sont connus depuis toujours. Les civilisations antiques les attribuaient à des restes de créatures mythologiques (dragons…). Il a fallu attendre le XIXe siècle et le début du classement des espèces vivantes selon leur caractéristiques pour que les dinosaures soient classés comme d’anciennes espèces de reptiles, aujourd’hui éteints. Leur âge n’était pas connu avec certitude (pour la simple raison que l’âge de la terre n’était pas connu non plus).
Le terme « dinosaure » a lui-même été inventé en 1842, par un paléontologue du nom de Richard Owen.
De plus, ce que l’on considère nous même comme des lézards géants recouverts d’écailles pourrait bien être un faux aperçu des dinosaures : de plus en plus, on pense qu’ils étaient recouverts de plumes ou de poils très colorés…
L’expansion de l’Univers & le Big-bang
Avant la publication de la théorie de la relativité par Einstein, l’idée d’un univers en expansion n’était pas du tout acceptée.
Depuis Newton, on se contentait d’un univers fixe, qui était toujours là et qui le sera toujours également. La raison était simple : un univers fixe était suffisant pour expliquer tout ce qu’on voyait. Il n’y avait pas besoin d’une complication supplémentaire dans les théories cosmologiques qui l’étaient déjà suffisamment.
En 1920, Lemaître montra que la relativité générale autorisait le fait que l’univers ne soit pas statique : qu’il puisse être en expansion, en contraction et qu’il puisse évoluer. En 1929, Hubble (le gars, pas le télescope) découvrit que les galaxies lointaines s’éloignaient tous de nous, notant au passage que la vitesse d’éloignement augmentait avec leur distance par rapport à nous.
La conclusion à ça est que l’univers était en expansion. Ceci signifiait aussi qu’à chaque instant dans le passé, l’univers était plus petit qu’il ne l’est dans le présent, et donc qu’à un moment, l’univers était aussi petit qu’un point. Ce point aurait soudainement explosé, créant la matière, l’énergie, l’espace-temps et évoluant en tout ce qu’on observe aujourd’hui. Cette explosion ponctuelle, c’est le Big-bang.
L’idée d’un Big-bang apparut seulement dans les années 1930, et le terme lui-même n’était pas né avant 1949.
L’accélération de l’expansion de l’Univers
Si l’univers est en expansion, on imaginait 3 cas possibles : dans la première, l’expansion est infinie, la force de gravité n’étant pas suffisante pour l’arrêter ; pour la seconde, l’expansion va un jour s’arrêter et s’inverser : on aura alors droit à une contraction de l’univers (la gravitation va finir par arrêter l’expansion et l’inverser) ; et enfin la troisième, l’expansion est infinie mais va tendre asymptotiquement vers un état d’équilibre, où plus rien ne bouge : les forces de gravité et les forces de répulsion du Big-bang étant parfaitement équilibrées.
Les mesures effectuées (par des groupes de recherches différents et opposés, qui plus est) pour connaître la vitesse et l’évolution de la vitesse de l’expansion a donné un résultat totalement inattendu mais identique pour chaque groupe de recherche : l’expansion est accélérée ! Ce résultat n’a pas 20 ans, puisqu’elle date de 1998.
Aucun théorie n’explique encore cette accélération : pour le moment on donne le nom d’Énergie noire à quoi que ce soit qui puisse en être responsable.
Les particules subatomiques
Électron, proton, neutrons… ça vous dit quelque chose ?
Le modèle de l’atome date du début du XXe siècle et l’idée d’une matière composée de particules, bien que proposée depuis la Grèce antique, était largement débattu jusqu’au début du XXe siècle.
L’électron et le proton sont respectivement mis en évidence en 1897 et 1919. Pour le neutron, il faut attendre Chadwick en 1932… À peine 4 ans après que le physicien Max Born déclara « la physique, telle que nous la connaissons, sera terminée dans 6 mois », rejoignant Kelvin en 1900, disant que la physique était une science sans avenir, quelques années avant la naissance de la physique quantique et de la relativité.
Et nous ne parlerons pas des particules sub-nucléaires (mésons, quarks…) qui n’ont été mis en évidences qu’encore bien plus tard…
Le classement phylogénétique
Il s’agit de la taxinomie : le classement et le répertoire des espèces vivantes. Le classement phylogénétique remplace la classification dite classique. Cette dernière se base sur les ressemblances visibles entre les espèces, alors que le classement phylogénétique ne se base pas uniquement sur le visuelles, mais aussi sur des choses qui le sont beaucoup moins, comme des membres ou des organes atrophiés par l’évolution. La classification classique aurait ainsi classé les dauphins parmi les poissons, alors qu’on sait qu’il est en réalité plus proches de l’humain que du saumon.
La classification phylogénétique moderne date de 1950, quand Willi Hennig en a posé les fondements.
L’ADN
L’ADN — ou acide désoxyribonucléique — en tant que molécule a été identifiée et isolée en 1869 par Miescher, mais son rôle dans la génétique n’a été démontré qu’en 1952 par Hershey et Chase.
L’idée de l’existence de gènes définissant les caractères phylogénétiques des espèces vivantes n’a été présentée, elle, qu’en 1913 par Mendel, et elle expliquait alors le principe de l’évolution de Darwin publié en 1858 et l’hérédité des caractères, idée qui n’avait à l’époque aucune base solide pour être acceptée ou acceptable.
La structure en double-hélice de l’ADN est plus récent de quarante ans : c’est en 1952 que celle-ci a été découverte et photographiée par radiographie à rayons X par Rosalind Franklin et publié un an plus tard par Watson et Crick.
Cette liste montre à peu près que rien ne doit être pris pour acquis : une grande partie du monde actuel repose sur des découvertes qui ne datent que du siècle dernier : bio-ingéniérie, informatique, exploration spatiale, qui ont tous eu des effets de bords qu’on retrouve dans la vie courante aujourd’hui…
La découverte de la quantique permet l’informatique ; celle de la relativité permet le GPS ; la construction du LHC permet le Web ; la découverte de l’âge de la Terre a permis de sauver des millions de personnes du plomb ; la conquête spatiale autorise l’imagerie satellite et la prédiction des cyclones ou de sauver des vies…
Qui sait quelles seront les découvertes scientifiques majeures du XXIe siècle ? Le boson de Higgs en est déjà une. Il y aura probablement des applications aussi.
Et concernant notre ignorance avant ces découvertes, je citerais Carl Sagan :
Avec un peu de chance nos descendants auront pour notre ignorance actuelle la même indulgence que nous à l’égard des Anciens qui ne savaient pas que la Terre tournait autour du Soleil.