Régulièrement, le sujet revient sur la scène médiatique : le bitcoin, les cryptomonnaies et la blockchain font alors de nouveau les unes des blogs et journaux en ligne, car ils battent des records de prix.
Pourquoi ? Comment ça marche ? C’est quoi un bitcoin ? C’est quoi la blockchain ?
Une histoire de chaîne
La « blockchain » est le mot anglais pour « chaîne de blocs ». En effet, il s’agit d’un ensemble d’éléments, uniques et identifiés : ce sont les blocs. La notion de chaine vient-elle du fait qu’un bloc donné dépend du bloc précédent.
Par exemple, le bloc n°42 n’a pu être créé que si le bloc n°41 était là. Et le bloc n°41 n’a pu être fait que s’il y avait un bloc n°40, et ainsi de suite.
Un peu comme votre généalogie : vous êtes là, car votre mère et votre père étaient là avant vous. Et vos parents étaient là, car leur père et leur mère étaient aussi là avant eux, et ainsi de suite. Bien-sûr, il a fallu créer ex-nihilo le premier bloc de la blockchain.
Une histoire de calculs
Dans la blockchain, les différents blocs sont calculés : ce sont des solutions d’équations mathématico-informatiques, et le fait de trouver une solution à ces équations revient à créer un bloc de la chaine.
Comment ça marche ?
On peut prendre une analogie. Imaginez-vous en classe de math. Le professeur propose de jouer à un jeu pour gagner des bonbons.
Le jeu se joue par tours et le principe est le suivant.
Le professeur initie le jeu en inscrivant un nombre au tableau. Le but du jeu est de prendre ce numéro, d’en calculer le triple, puis de juxtaposer le dernier chiffre du nombre au tableau au résultat. Le premier élève à trouver la solution gagne un bonbon et le tour est fini. Le jeu continu alors avec le même principe, mais en utilisant le résultat précédent comme nombre de départ du calcul.
Par exemple, le professeur a écrit le nombre « 14 » au tableau.
On calcule donc 14×3, ce qui fait 42, et l’on juxtapose le dernier chiffre de 14 à ce résultat : 4-42, soit 442. C’est le résultat attendu.
Une élève, Alice, lève la main et donne 442 comme résultat et gagne un bonbon. Le tour s’arrête, tout le monde arrête les calculs.
Le professeur barre alors 14, écrit 442 et on recommence. Cette fois-ci, on prend 442×3 et l’on juxtapose le 2 au résultat, ce qui donne 21 326.
Cette fois, c’est Bob qui lève la main et donne le résultat. Le tour s’arrête et le jeu continu.
Au troisième tour, Eve donne comme résultat 663 978. Au tour d’après, Alice donne 81 991 934 et ainsi de suite.
J’arrête ici pour le jeu, vous comprenez l’idée.
Sur le principe, ceci correspond à la blockchain, car un élément d’un résultat N (son dernier chiffre) est juxtaposé dans le nombre du calcul N+1.
Ainsi, si le nombre N était différent, le nombre N+1 aurait changé également, et par conséquent les nombres N+2, N+3 et tous les suivants également.
La chaine est infalsifiable. Si l’on change un élément à un moment donné, alors tous les autres blocs vont changer et devront être recalculés. Changer la blockchain se verra tout de suite et l’on repère les petits malins de cette façon, et l’on élimine les blocs ainsi falsifiés, ne conservant que les blocs validés :
Pour le bitcoin, c’est pareil : tous les participants à la blockchain doivent recevoir l’intégralité de la chaine de blocs afin de pouvoir calculer le nombre suivant. Ils doivent aussi en permanence communiquer pour se mettre d’accord sur le bon résultat et le valider. En réalité, c’est ce qui se passe : le réseau bitcoin communique en pair-à-pair (P2P) entre les participants, et chacun d’eux dispose d’une copie de la blockchain.
La récompense, pour avoir découvert — ou « miné » — un bloc c’est de recevoir une certaine quantité de bitcoin. Oui, si notre ordinateur trouve le résultat avant les autres, alors il gagne des bitcoins. C’est là que naît l’intérêt économique du minage.
Dans ce cas, la somme est créditée sur votre compte (votre « adresse » bitcoin). Ces Bitcoin peuvent être envoyés sur d’autres adresses, d’autres comptes. Mais dans ce cas, cette transaction devra être validée, là encore pour éviter qu’un bitcoin soit accidentellement dupliqué, et pour garantir l’unicité de la transaction. C’est ce qui rend le système aussi sûr.
Maintenant, l’unicité et la non-falsifiabilité de la chaîne est mise à profit pour authentifier des choses, en l’occurrence des transactions de bitcoin entre les participants. Si quelqu’un envoie un bitcoin à quelqu’un d’autre, ce bitcoin doit effectivement être transféré, et ne pas se perdre d’un côté, ou se retrouver en double de l’autre. Cette transaction est incluse dans le calcul et est donc « gelée » dans la blockchain.
La liste de l’ensemble des transactions peut ainsi être remontée et analysée, et chaque bitcoin a alors une origine connue et vérifiée. Il n’est donc pas possible d’inventer quelques bitcoins histoire de devenir riche de son côté.
Pourquoi c’est si cher ?
À l’origine, le bitcoin était une monnaie virtuelle. Les gens se mettaient d’accord pour échanger des biens et des services contre une certaine quantité de bitcoin, qui étaient alors envoyés d’un compte à un autre.
Il n’y avait pas de lien entre le dollar ou l’euro et le bitcoin. On échangeait juste des bitcoins.
Sauf que forcément, pour miner un bitcoin il faut un PC, de la puissance de calcul, de l’électricité, que l’on paye en dollar ou en euro. Par conséquent, les bitcoins que l’on a minés ont une valeur intrinsèque : au minimum la valeur que ça a coûté pour les produire.
Comme on l’a vu précédemment, plus on avance dans la blockchain, plus les calculs de minage sont compliqués, et plus il faut des ordinateurs puissants, et même des supercalculateurs ou des réseaux entiers de PC.
Avec le temps, découvrir de nouveaux bitcoins coûte de plus en plus cher, et l’on ne dépense donc plus ses bitcoins contre n’importe quoi : à une époque, on échangeait 10 000 bitcoin contre une pizza, alors qu’aujourd’hui, un seul bitcoin représente la valeur d’une voiture de luxe.
En plus de cela, la récompense pour avoir trouvé un bloc diminue avec le temps : ce qui était très rentable rémunérateur au début, l’est nettement moins aujourd’hui. Pour compenser cela, c’est le prix d’un bitcoin qui monte.
Leur coût croissant vient en partie de là. Inversement, c’est aussi pour ça que les mineurs sont encore là : ce qui est rare est cher, mais ce qui est cher est convoité. Les mineurs sont donc prêts à investir beaucoup d’argent pour espérer trouver des blocs et recevoir des bitcoins.
Parallèlement, le prix est entretenu par un système de spéculation où les investisseurs achètent du bitcoin dans l’espoir que le prix monte et pouvoir les revendre et dégager des plus-values. Aujourd’hui, le prix et la volatilité du bitcoin viennent surtout de ça : c’est l’offre et la demande qui fixent le prix, et le marché en fluctue beaucoup et très vite, dans tous les sens.
À la date d’écriture de cet article, un bitcoin coûte environ 53 000 €, et trouver un bloc rapporte 6,25 bitcoins. Réussir à trouver un bloc rapporte donc environ 331 250 €… au prix d’importants investissements en matériel informatique… et d’importantes consommations d’énergie, avec l’empreinte écologique qui va avec…
D’un point de vue technique
Sur le plan technique, le bitcoin et la blockchain a réussi à faire des choses intéressantes.
Pour commencer, le réseau est décentralisé et fonctionne en P2P : il n’y a aucune autorité pour décider combien vaut un bloc, qui peut les posséder, qui doit être banni. Ceci est le contraire des banques et des monnaies appartenant aux États : ces derniers peuvent vous bloquer votre compte, inventer de l’argent, provoquer de l’inflation, décider que l’argent ne vaut plus rien, etc.
Ensuite, les transactions sont publiques : les transferts de bitcoin d’un compte à un autre le sont également. Les « comptes » sont anonymes mais publics. Forcément, car chaque transaction doit être validé par l’ensemble du réseau. Là encore, ce n’est pas une banque centrale que décide si la transaction est bonne, mais le réseau entier qui s’accorde pour ça.
Le point précédent nous amène au fait le plus intéressant à mes yeux : l’unicité du bitcoin. Vu que le réseau valide le transfert d’un bitcoin d’un compte à un autre, on ne peut pas frauder le système : on ne peut pas transférer un même bitcoin à deux personnes en même temps pour être payé deux fois pour le même bitcoin.
En soi, le bitcoin a réussi le tour de force de « rendre des bits uniques » (en caricaturant), et ça ce n’est pas une chose anodine. C’est cela qui donne un certain intérêt cryptographique à la blockchain : les blocs sont uniques et peuvent servir à authentifier des transactions, des objets, bref, d’être sûr que tel ou tel chose est bien certifié, validé. Les applications sont multiples pour ça.
D’où vient le bitcoin ?
Le principe de la blockchain, du minage, des récompenses pour les calculs (les bitcoin gagnés), la validation des transactions date du début des années 1990. Mais la première implémentation réelle fut créée en 2008 par Satoshi Nakamoto.
D’ailleurs, ce Satoshi Nakamoto est encore inconnu aujourd’hui : on ne sait pas qui c’est, ni même s’il s’agit d’une personne ou d’une organisation. Toujours est-il que c’est Satoshi Nakamoto qui a mis tout ça au point.
Depuis les années 2010, la blockchain intéresse de plus en plus, à la fois sur le plan technique et par les spéculateurs, et aujourd’hui ce sont plusieurs milliers de réseaux de blockchain qui existent et sont utilisés, chacun avec des spécificités différentes (nombre de blocs totaux possibles, valeur des récompenses, difficulté de minage, nombre de transactions par minute…).
Enfin, au premier trimestre 2021, la blockchain dans son ensemble est un sujet chaud : le marché total est estimé à environ 2 000 milliards de dollars (fluctuant sur environ 20 % en plus ou en moins au cours d’une semaine…), et de plus en plus de monde et même d’entreprises cherchent à y participer, que ce soit pour s’enrichir en spéculant ou tradant, ou bien pour avoir une monnaie hors d’atteinte des gouvernements.