J'ai découvert que cette question faisait de gros débats sur le net, et qu'en plus l'explication courante, sur la différence de vitesse de l’écoulement de l’air, était fausse.
Voici donc une explication qui, j’espère, remettra un peu les pendules à l’heure.
Pour commencer, il y a principalement quatre forces qui s’exercent sur un avion en vol :
- La traction des hélices (ou la poussé des réacteurs) qui tire (ou pousse) l'avion vers l'avant ;
- La traînée, résultant des frottements avec l'air sur la surface de l'avion, qui freine l'avion ;
- Le poids de l'avion, qui attire l'avion vers le bas ;
- La portance, qui permet à l'avion de se maintenir en l'air.
En jouant sur la portance et la traction, on peut faire monter et avancer l’avion comme on veut.
De ces quatre forces, c'est la portance qui est la moins facile à comprendre : comment une aile peut-elle générer une force dirigée vers le haut ?
Il y avait plusieurs théories et évidemment, l'explication populaire est fausse (du moins, elle n’explique pas tout).
L'explication fausse et courante : l'air accélère et crée une dépression sur la partie bombée de l’aile
Cette explication, on l’a tous entendu. Voici son énoncé :
Une aile d'avion est bombée sur le dessus, donc la distance à parcourir en passant au dessus est supérieure à celle à parcourir en dessous.
L'air allant plus vite en haut à cause du trajet plus important à parcourir produire une dépression au dessus de l’aile, ce qui aspire l’avion vers le haut. C’est le théorème de Bernoulli.
Alors, oui, l’effet de Bernoulli existe et ses effets sont observés et largement mis en pratique dans tout le monde de l’aéronautique (par exemple dans le tube de Pitot, qui permet de mesurer la vitesse de l’avion en vol).
L'ennui, c'est que cet effet d'aspiration dû à la vitesse ne suffit pas : même pour un avion de ligne volant à 800 km/h, la différence de pression est beaucoup trop faible pour soulever un avion entier. Un simple calcul montre qu’il faudrait une distance à parcourir au dessus de l’aile de l’ordre de 50 % plus grande qu’en dessous, soit largement plus que les 1 à 2 % mesurés sur un avion.
Par ailleurs, il a été constaté que l’air passant au dessus et l’air passant en dessous ne se rejoignent pas du tout en même temps : en fait, l’air passant au dessus de l’aile arrive avant celui passant en dessous ! Et même si ceci accentue l’effet de Bernoulli, cela ne suffit toujours pas à soulever un avion. Il faut autre chose pour expliquer le vol d’un avion.
Enfin, et pour donner le coup de grâce à cette théorie, certains avions sont munis d’ailes à profil symétrique et même plans (comme un avion en papier)… Et ils volent très bien, y compris parfois sur le dos !
Une explication plus crédible
La principale raison à la portance s'explique avec la troisième loi de Newton et l’effet Coandă.
L’effet Coandă, c’est quand vous prenez une cuillère et que vous en présentez la partie bombée sous le filet d’eau du robinet, comme sur cette image : le filet d’eau est dévié dans le sens du creux, car elle épouse les courbes de la cuillère. En réaction, la cuillère est aspirée dans l’autre sens.
Il se passe la même chose avec une aile d’avion : une aile d'avion est inclinée (si ce n’est pas tout l’avion qui l’est). De cette manière, elle imprime au courant d'air un changement de direction. Le flux d'air va avoir un mouvement descendant et l’aile aura un mouvement ascendant, par réaction.
L’effet Coandă intervient car l’air suit le profil de l’aile.
Tout le monde n’est pas d’accord avec ça : certains auteurs préfèrent ne pas évoquer cet effet en le réservant pour des situations plus spécifiques. À la place, ils invoquent un principe de cause à effet entre Bernoulli et la troisième loi de Newton : la faible pression juste au contact de l’aile force l’air à coller à l’aile et se retrouve dévié vers le bas.
Ce problème de terminologie ne change rien car le résultat est le même, à savoir que l’écoulement de l’air épouse le profil de l’aile, vers le bas :
La 3e loi de Newton dit qu’à toute force exercée dans un sens, il y a une force associée s'exerçant dans le sens opposé avec la même intensité. C'est le principe d'action-réaction. Donc, quand l’air est poussée vers le bas, l’avion est poussée vers le haut.
Dans le cas des ailes qui sont effectivement asymétriques, l’air passant au dessus est le seul qui est dévié, et poussé vers le bas (l’air en dessous continue pratiquement en ligne droite). Ceci permet de réduire la portance pour les avions supersoniques : la vitesse produisant d’elle-même une portance suffisante. Le même avion à faible vitesse doit en revanche utiliser des ailerons lors du décollage et de l’atterrissage, pour compenser.
Pour les hélicoptères et les hélices en général, c’est la même chose. Lorsque l’hélicoptère est au sol et que les palles tournent sans soulever l’appareil, leur profil est parallèle au sol : les palles ne font que passer dans l’air sans le dévier (la palle étant placée parallèle au flux d’air, on dit que l’hélice est mis en drapeau). Quand le pilote décide de décoller, les palles sont inclinées, l’air est poussé vers le bas et l’hélicoptère s’élève. Ceci permet de modifier la portance sans avoir à toucher à la vitesse de rotation de l’hélice et à celui du moteur, qui est généralement prévu pour fonctionner à régime fixe et constant.
Le même principe est utilisé pour le gouvernail des navires : il s’agit en simplifiant d’une planche qui dévie l’écoulement de l’eau dans un sens, provoquant un virage du bateau dans l’autre sens. Le profil du gouvernail n’est pas tellement important pour obtenir cet effet.
Enfin, un dernier truc : sur l’image ci-dessus, on voit que le flux d’air commence à monter bien avant l’aile. Ceci est dû à la compression de l’air au dessous de l’aile et qui repousse l’air jusqu’à plusieurs mètres autour de la surface inférieure de l’aile. Cette compression est due à l’avancement de l’avion, et elle participe également de façon directe (en poussant l’aile vers le haut) et indirecte (en forçant l’air sous l’aile à dévier vers le bas) à la portance de l’avion.
Conclusion
La principale raison de la portance d'un avion est que l'aile pousse le flux d'air vers le bas, et que par réaction l'aile est poussée vers le haut haut
En pratique, il y a beaucoup d’effets d’aérodynamique qui interviennent. La théorie qui se base sur l’effet Coandă et la loi de Newton n’expliquent pas tout à elles toutes seules non plus. Comme par exemple l’effet de sol, qui a besoin de théories beaucoup plus compliquées issues de la dynamique des fluides.
Il reste néanmoins des constantes dans tous les cas :
- l’effet de Bernoulli existe et est un effet réel. Néanmoins, l’explication populaire qui l’évoque ne suffit pas à expliquer ce qu’on observe. De plus, les hypothèses de départ invoquées dans cette théorie sont fausses.
- l’explication évoquant l’effet de Bernoulli requiert un profil d’aile asymétrique, or certains avions ont des ailes à profil symétrique (et même plats).
- l’aérodynamique est compliquée et il faut prendre en compte beaucoup d’effets combinés pour expliquer toutes les situations. Tout n’est pas encore expliqué non plus.
- dans certains cas, il existe des conditions limites pour que les effets Coandă et celui de Newton puissent soutenir l’avion en l’air.
Liens
Références
- Incorrect Lift Theory - NASA (et partie 2, partie 3) ;
- Correct Lift Theory - NASA ;
- How Airplanes Fly: A Physical Description of Lift ;
- Pourquoi un avion vole ? ;
- KEZAKO : Comment un avion vole-t-il? ;
- How Does A Wing Actually Work? ;
- How Do Airplanes Fly? ;
- A Physical Description of Flight; Revisited (PDF) ;
- See How It Flies (un dossier très complet, par un pilote).
Deux autres articles en français sur le sujet :
- Comment un avion vole-t-il ? (par David Louapre)
- Comment les avions volent-ils ? — Science étonnante #61 (par David Louapre, en vidéo)
- Portance : pourquoi ça vole ? (par Dr Goulu)
Voir aussi
photo d’entête de NMK Photography
(Cet article a initialement été publié sur Le Hollandais Volant. J’ai décidé de le déplacer ici, avec ses commentaires, et de le compléter)