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J’ai écrit un article sur les ampèremètres et les voltmètres et leur fonctionnement. On peut y lire que les ampèremètres utilisent le champ magnétique induit par un conducteur traversé par un courant. Si l’on place ce conducteur dans un champ magnétique fixe, alors les deux champs vont agir l’un sur l’autre par l’intermédiaire de la force magnétique. Cette force peut dévier une aiguille : c’est le principe de l’ampèremètre à aiguille.

L’ampèremètre à aiguille peut présenter certaines limitations.

La première est que par la nature de son fonctionnement, elle doit être placée en série dans le circuit électrique où l’on souhaite effectuer la mesure. Il faut donc ouvrir le circuit, brancher l’ampèremètre puis referme le circuit. Ceci n’est pas toujours acceptable, par exemple quand il s’agit de mesurer une intensité traversant une ligne haute tension EDF, ou encore celle traversant un cordon d’alimentation d’un appareil et que l’on ne souhaite pas couper juste pour une mesure.

La seconde est une limite liée à l’appareil : tous les appareils ont une gamme de fonctionnement et ne peuvent donner de lecteur précise en dehors. Les ampèremètres à aiguille peuvent généralement afficher des intensités de l’ordre de l’ampère, voire de la dizaine d’ampères. Au-delà, cela devient difficile, principalement à cause de l’échauffement induit par de forts courants électriques et qui sont néfastes pour les aimants de l’ampèremètre.

Idéalement, donc, il faudrait un appareil de mesure de l’intensité d’un courant qui puisse fonctionner sans avoir à ouvrir le circuit et sur de fortes intensités. Aujourd’hui, cet appareil existe : il s’agit de la pince ampèremétrique. Elle prend la forme d’une pince que l’on vient passer autour d’un conducteur électrique et qui affiche alors l’intensité traversant ce conducteur. Cette pince peut fonctionner même avec de très fortes intensités.

Cet appareil de mesure fonctionne à l’aide de l’effet Hall, qui est le sujet de l’article ici.

L’effet Hall

L’effet Hall décrit l’apparition d’une tension électrique transversale dans un conducteur sous tension placé dans un champ magnétique. L’effet se manifeste principalement avec un conducteur de section rectangulaire plutôt que rond.

En gros, on place un conducteur de section rectangulaire dans un champ magnétique et on fait passer un courant perpendiculairement au champ magnétique, alors il apparaît une tension électrique transversale — perpendiculaire à la fois au champ magnétique et au courant — dans le conducteur.

Schéma montrant l’apparition de l’effet Hall.
Dynamique de l’effet Hall (image)

Sur le schéma ci-dessus, l’effet Hall est responsable du « bourrelet » vers le haut sur la trajectoire des électrons, (1) en bleus, à travers le bloc conducteur, (2) en gris, lorsque l’on le place dans un champ magnétique, modélisé par les flèches (4) et les deux pôles magnétiques (3).

Si l’on fait passer un courant dans le bloc conducteur central, sans le placer dans le champ magnétique alors le courant aurait une trajectoire dirigée selon le sens des potentiels décroissants, donc rectiligne et sans de bourrelet.
Lorsque l’on applique un champ magnétique extérieur, perpendiculaire au bloc conducteur. Il en résulte l’apparition du bourrelet sur la trajectoire du courant dans le conducteur : les électrons étant donc situés d’un côté du bloc métallique, il apparaît une différence de potentiel au sein du bloc, dirigée selon l’axe haut-bas sur la figure.

Si l’on décrit ce qui se passe : sans le champ magnétique, les lignes de courant sont rectilignes. Les électrons occupent uniformément le métal. Il n’y a pas de différence de potentiel dans le bloc (seulement à ses bornes)
On applique maintenant le champ magnétique :

  1. le courant d’électrons est sensible au champ magnétique perpendiculaire : ils tendent à être mises en rotation autour des lignes de champ magnétique ;
  2. vu que le bloc métallique est fin et pas un énorme, les électrons, qui n’ont pas la possibilité de sortir du bloc, ne peuvent effectuer une rotation complète, et finissent par s’accumuler d’un côté ;
  3. cette accumulation de charges sur l’une des faces va y constituer une charge globalement négative. L’autre face subit, à l’inverse, une déplétion de charges, ce qui y constitue une charge globalement positive ;
  4. cette différence de charges électriques entre la face haute et la face basse (sur le schéma) constitue une tension électrique : c’est l’effet Hall, et cette tension est appelée tension de Hall.

Utilisation de l’effet Hall dans une sonde à effet Hall et une pince à effet Hall

Il est à noter que plus le champ magnétique est intense, plus les charges sont séparées entre les faces, et donc plus la tension de Hall est importante.

Les sondes à effet Hall mesurent cette tension de Hall et en déduisent alors la valeur de l’intensité du champ magnétique. Certains capteurs de champ magnétique fonctionnent de cette manière, notamment les capteurs « magnétomètres » dans les smartphones

Maintenant, si ce champ magnétique est lui-même induit par un courant électrique, alors l’intensité du champ magnétique va de plus dépendre de l’intensité du courant.
Dans ce cas, la mesure de la tension de Hall nous donne la valeur de l’intensité du courant que l’on souhaite mesurer, le tout sans avoir à ouvrir le circuit :

Vue en coupe d’une pince à effet Hall.
Vue en coupe d’une pince à effet Hall (image).

Les pinces ampèremétriques sont très pratiques et donnent une lecture d’une intensité très facilement et en toute sécurité sans manipulations sur des composants sous tension.

Si elles sont toutes désignées pour permettre des mesures de hautes intensité de courant, elles peuvent aussi servir à mesurer de plus faibles intensités. Il suffit pour cela de faire passer plusieurs fois le fil dans la pince, en l’enroulant sur un de mors. Ainsi, avec par exemple 10 spires du fil, on multiplie la sensibilité par 10, mais on devra diviser la valeur affichée également par 10.

À noter quand-même que la pince ne fonctionne que si l’on l’utilise sur un seul conducteur à la fois. Si l’on fait passer à la fois le fil apportant le courant dans un circuit et le fil de sortie du courant, alors les champs magnétiques vont s’annuler et la pince affichera une intensité nulle. Une pince ampèremétrique sur un câble d’alimentation avec plusieurs fils dedans ne fonctionnera probablement pas.

Pire, ceci pourrait donner l’impression d’avoir à faire à un conducteur qui ne soit pas sous tension (donnant une illusion de sécurité) alors que le câble est en réalité alimenté et dangereux.

Enfin, notons que les pinces à effet Hall fonctionnent à la fois pour des courants continus et pour des courants alternatifs. Ces pinces sont en réalité de mini-voltmètres qui mesurent des tensions de Hall (qui sont elles produites par le courant que l’on souhaite mesurer). Or on sait produire des voltmètres pour tensions alternatives, notamment par l’emploi d’un pont redresseur, ou pont à diodes.

Effet Hall quantique

Une petite note sur l’effet Hall quantique, dont on peut parfois entendre parler. Il s’agit du même principe global que l’effet Hall « classique » décrit juste au-dessus.

La différence est simplement qu’il peut arriver, pour de très faibles courants et des conducteurs très fins, de mesurer des tensions « par paliers », quand bien même l’intensité à mesurer évolue de façon continue.

Ces sauts sont là grâce aux effets de la physique quantique : l’effet Hall produit par de très faibles intensités dans certains matériaux n’est pas toujours suffisant pour déplacer les électrons dans le conducteur. Dans ce cas, ces derniers ne se déplaceront d’un cran vers le haut qu’à partir d’une certaine intensité dans le fil, et d’un cran suivant à partir d’un autre niveau d’intensité, et ainsi de suite.

Cette discontinuité dans les tensions de Hall rend directement compte des effets de la physique quantique — discontinue — dans la matière.

L’effet Hall quantique a par exemple servi dans la balance de Watt utilisée pour redéfinir le kilogramme.
En effet, la balance de Watt permet d’équilibre un poids, celui de l’étalon du kilogramme, avec un électroaimant. L’électroaimant étant caractérisé entre autres par l’intensité du courant qui le traverse, il a fallu mesurer cette intensité de façon très précise. Ceci a été rendu possible en mesurant l'effet Hall quantique dans des jonctions métalliques très fines en supra-conducteurs séparées par un isolant (appelées jonctions de Josephson). Or il se trouve que l’effet Hall quantique donne des mesures avec une précision extrêmement importante, ce qui rend la mesure très utile lors de la redéfinition du kilogramme, en 2019.

Conclusion

La pince ampèremétrique à effet Hall est un de ces éléments qui fonctionnent grâce à une cascade d’effets électromagnétiques qui s’appliquent sur les électrons en mouvement. Parmi d’autres appareils électromagnétiques (mais pas forcément liées à l’effet Hall) citons les plaques à induction, et pour un appareil thermique, on peut parler du ventilateur à effet Peltier pour poêle qui utilise lui aussi une longue cascade d’effets physiques pour fonctionner.

Les sondes à effet Hall (pour mesurer des champs magnétiques) sont utilisées partout de nos jours : dans nos smartphones, dans les wattmètres, et même dans nos voitures, pour chronométrer l’injection d’essence dans le moteur thermique ou pour mesurer la vitesse de rotation des roues.

Les propulseurs ioniques, utilisées par certaines sondes spatiales, sont également une application de l’effet Hall.

image d’en-tête de Grant Hutchingson

3 commentaires

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1001pepi écrit :

Salut.
Article instructif et très bien détaillé merci. Là je découvre une nouvelle application de l'effet hall.
J'aimerai savoir si sur de telle sondes l'affichage est numérique ou analogique?

Merci pour cet article et allez de l'avant.

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Le Hollandais Volant écrit :

@1001pepi : La sonde en elle même est juste un composant électronique qui donne une tension en sortie en fonction de l’intensité du champ magnétique dans lequel il baigne. Un peu comme un panneau solaire, qui donne un courant et une tension sous l’effet de la lumière.

La pince utilise une sonde à effet Hall. Mais une fois qu’elle dispose de l’information de la tension (donnée par la sonde), elle peut l’afficher avec une affichage à aiguille (comme sur la photo d’en-tête de l’article), ou bien utiliser un affichage LCD.
La plupart des pinces ampèremétriques aujourd‘hui (disponible dans n’importe quel magasin de bricolage) sont comme des multimètres numériques, avec une grande pince dessus.


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