Le paradoxe de la dichotomie est un paradoxe qui existe depuis la Grèce antique sur les distances.
Pour le comprendre, imaginez que vous êtes à 8 mètres d’un arbre et allez vers cet arbre à la vitesse d’un mètre chaque seconde. Fatalement, vous aurez d’abord parcouru la première moitié du parcours, c’est-à-dire 4 mètres en 4 secondes. Puis vous parcourez la moitié du chemin restant, c’est-à-dire 2 mètres en 2 secondes. Puis vous parcourez encore la moitié de ce qu’il reste, donc 1 mètre en 1 seconde, et ainsi de suite : ensuite 1/2 mètre en 1/2 seconde, 1/4 m, 1/8 m, 1/16 m… des chemins de plus en plus petits, qui prendront tous une certaine durée, à chaque fois de plus en plus petites aussi.
Si on considère qu’à chaque fois la première moitié est parcourue avant la seconde moitié, et qu’il y a une infinité de trajets d’une durée non nulle, alors vous trouverez que vous n’atteindrez jamais l’arbre !
En quoi est-ce un paradoxe ?
Parce que si vous essayez par vous-même dans le jardin, vous verrez que vous arriverez sans problèmes à atteindre votre arbre et en un temps tout à fait fini !
Mathématiquement, la mise bout à bout des durées de plus en plus petites se traduit par une série géométrique de raison 1/2. Le 8 est là, car la distance entre vous et l’arbre est de 8 mètres, et que c’est cette distance que l’on divise :
$$S = 8 \times \sum_{k=0}^{n} \frac{1}{2^{k+1}} = 8 \times \left(\frac{1}{2} + \frac{1}{4} + \frac{1}{8} + \frac{1}{16} + \ldots + \frac{1}{2^{n+1}} \right)$$
Et en calculant la convergence de la suite associée (avec la règle de d’Alembert par exemple) on trouve que la suite converge ; et en étudiant la limite, on voit bien que la limite en l’infinie est égale à 8 :
$$\lim_{n \to \infty} S = \lim_{n \to \infty} 8 \times \sum_{k=0}^{n} \frac{1}{2^{k+1}} = 8$$
Cela signifie donc qu’un trajet fini peut être divisé en une infinité de morceaux, sans que ça ne nous prenne une infinité de temps pour le parcourir. En fait, il nous faudrait seulement 8 secondes pour aller jusqu’à l’arbre.
Néanmoins, ça répond pas au paradoxe : vous aurez toujours une infinité des morceaux de chemins à parcourir en un temps fini… Comment expliquer cela ?
Eh bien… On ne peut pas l’expliquer. Le truc en fait, c’est que l’utilisation de la décomposition en une suite de termes n’est pas du tout appropriée pour décrire le problème.
Il faut bien voir une chose : les maths, les équations et la physique sont là pour modéliser les phénomènes que l’on rencontre dans la nature. Cela se passe dans ce sens et pas dans l’autre : si j’écrivais une équation, alors la nature ne changera pas pour autant pour suivre l’équation.
Lorsque l’on constate qu’une modélisation mathématique génère un paradoxe avec l’observation (ici, marcher jusqu’à un arbre ne prend pas un temps infini), alors ça ne sert à rien de contester les faits : il faut changer la modélisation mathématique employée.
Ici, on constate aisément que marcher jusqu’à un arbre ne prend pas un temps infini, comme le suggère la théorie employée (à première vue seulement : car on voit bien que la suite converge). Il faut donc changer la théorie que l’on utilise.
Au lieu d’utiliser une décomposition infinie du chemin pour calculer le temps que l’on met à aller jusqu’à l’arbre, on préférera par exemple utiliser la théorie de la vitesse :
$$ temps = \frac{distance}{vitesse}$$
Ici, le trajet est le même, mais le problème est pris autrement, d’une manière qui ne génère aucun effet secondaire paradoxal.