Le Pyrex® est un type de verre qui ne se brise pas, ou beaucoup plus difficilement, sous l’effet d’un choc thermique. Il est utilisé en cuisine pour les plats qui vont au four par exemple, ou dans l’équipement de laboratoire, parfois sujets à des gradients de températures élevés : tubes à essais, béchers, etc.
Pourquoi ce verre résiste-t-il à la température et pas le verre ordinaire ?
Une question de dilatation
La température constitue le degré d’agitation des molécules au sein de la matière. Le plus souvent, si la température monte, l’agitation augmente et les atomes ont besoin de plus d’espace ce qui dilate la matière. C’est ce qu’on appelle la dilatation thermique.
Certains matériaux se dilatent plus que d’autres. Une barre de métal courant de 1 m de long gagne environ 15 à 25 µm par degré. On dit que son coefficient de dilatation est de 15-25 µm⋅m⁻¹⋅K⁻¹, ou tout simplement 15 à 25 × 10⁻⁶ K⁻¹. Pour le verre ordinaire, il est autour de 9 × 10⁻⁶ K⁻¹, soit moitié moins.
La différence de coefficient de dilatation thermique ne fait pas tout. Si on chauffe un verre lentement mais à très haute température, et qu’on le laisse refroidir très lentement ensuite, il n’y aura aucun problème : il ne se brisera pas. Les problèmes naissent si le refroidissement est brutal, et surtout, local. Dans ces cas-là, certaines zones du verre se refroidissent et se contractent pendant que d’autres sont encore chaudes et dilatées. C’est cela qui va casser le verre. Et là, c’est dû à la rigidité du verre.
Les métaux ne sont pas affectés, car ils sont malléables : les liaisons entre les atomes sont flexibles et peuvent se défaire et se reformer. Si une région du métal a des liaisons plus longues suite à un échauffement, ce n’est pas grave : ces liaisons se déplacent et s’étirent.
Dans le verre, qui n’est absolument pas malléable et très dur, les liaisons ne peuvent pas s’étirer : elles se brisent. C’est pour ça que le verre casse sous l’effet de la température, mais aussi d’un choc ou d’une déformation :
Le verre ordinaire a donc deux propriétés qui vont très mal ensemble :
- les différences de températures le déforment ;
- ses liaisons atomiques sont indéformables et se cassent sous la contrainte.
On comprend donc que si le verre est chauffé ou refroidi trop brusquement, il casse. Pour éviter ça, on peut agir sur l’un des deux paramètres : soit créer un produit déformable (plastique, métal…) soit créer un matériau qui ne se dilate pas sous l’effet de la température.
De l’introduction du borax
Les verres, similairement aux alliages métalliques, sont des mélanges bien dosés de plusieurs substances : on utilise généralement un matériau de base mais dans lequel on rajoute des ingrédients pour en modifier les propriétés. Le cristal en est un exemple : utilisé pour faire des coupes ou des verres, c’est un verre dans lequel on incorpore du plomb, ce qui en modifie les propriétés optiques et acoustiques notamment.
Pour le Pyrex, c’est du bore que l’on a ajouté, sous forme de borate de sodium, ou borax (un minéral) dans une base ordinaire en silicate. Ceci modifie la structure moléculaire du verre et en réduit le coefficient de dilatation thermique : de 9 × 10⁻⁶ K⁻¹, on passe à 3 × 10⁻⁶ K⁻¹.
Pour une même différence de températures, les contraintes mécaniques induites par la dilatation localisée du verre sont divisées par 3. Ceci suffit amplement aux températures subies par un plat de cuisine : le verre borosilicaté peut supporter des différences de température de ~180 °C, contre ~55 °C pour le verre ordinaire.
Température VS différence de température
Il faut bien insister sur le fait que c’est la différence de température qui fait que le verre se brise. Si vous chauffez un verre uniformément, il ne se passera absolument rien. En faisant ça, toutes les liaisons atomiques se dilatent ensemble et cela ne pose pas de problème. Même chose lors d’un refroidissement. C’est pour ça qu’un verre de cuisine peut aussi bien contenir du thé chaud, qu’un soda avec des glaçons.
Ce qu’il faut éviter, c’est de refroidir certaines zones et en chauffer d’autres, comme plonger un verre rempli de glace dans une bassine d’eau bouillante : l’extérieur chauffé se dilate et tire sur la partie restée froide et cela casse.
Même chose pour un pare-brise : il résiste aussi bien au Soleil en été qu’à la glace en hiver. Mais si vous jetez de la glace dessus en plein été, ou de l’eau chaude en hiver, la différence soudaine de température fera casser le verre à cause des contractions ou dilatations localisées du verre. Si vous voulez dégivrer un pare-brise avec de l’eau, n’utilisez donc pas de l’eau chaude, mais de l’eau froide (10-15 °C) : cela suffit pour fondre la glace, sans toutefois casser la vitre.
D’autres matériaux intéressants
Il est incroyable que l’on arrive aujourd’hui à proposer des matériaux avec des propriétés aussi intéressantes. Autrefois, les vitraux étaient faits en verre coloré scellés dans du plomb. En effet, le plomb est malléable et facile à façonner. Le fer ou l’acier sont beaucoup plus communs et durs, mais le fait qu’ils soient aussi plus rigides pose problème en cas de fort gradient de température : leur dilatation risque de déformer le vitrail et de casser le verre, alors que le plomb, malléable, prend la déformation pour lui.
Pour de hautes températures on utilise aujourd’hui un alliage à base de nickel et le fer appelé le covar : son coefficient de dilatation est proche de celui du verre. En cas de chauffe, une structure verre-covar se dilate donc uniformément sans qu’un des constituants ne tire sur l’autre. C’est une variante d’un autre alliage : l’invar, dont le coefficient de dilatation est très faible (<2 × 10⁻⁶ K⁻¹) aux températures usuelles. Il est utilisé là où une déformation est impensable, comme des pièces d’horlogerie de précision ou instruments de métrologie.
Dans les conditions de température extrêmes, comme les ampoules lumineuses très haute puissance (projecteur de cinéma par exemple), est généralement utilisé de la verrerie en quartz. Ce dernier, bien que plus cher à produire, a un coefficient de dilatation thermique extrêmement faible et résiste particulièrement bien aux forts changements de température.