L’atomium de Bruxelles.
Nulle mention ne sera faite ici de lentille de contact ou d’un ami dans son répertoire téléphonique : par « contact » ici, je vais parler du phénomène qui entre en jeu lors d’un contact matériel entre deux objets, deux surfaces.

Toucher quelque chose du bout des doigts, comme les touches du clavier avec lequel j’écris cet article ou votre souris ou écran tactile quand vous le lisez, est quelque chose d’anodin. Mais si vous avez eu des cours de physique au collège, et que vous ayez suivi, une question doit bondir.

En effet, on apprend assez tôt en physique que la matière est formée d’atomes et que les atomes sont essentiellement du vide ! Si un atome faisait la taille d’un stade de foot, une épingle plantée au milieu représenterait le noyau, et les mouches qui volent représentent des électrons. Tout le reste, tout l’air du stade, n’est que de l’espace vide. Du vide.

De là, tout comme deux nuées d’oiseaux peuvent s’entrelacer sans qu’aucun oiseau n’en heurte aucun autre, grâce à l’espace vide entre chaque animal, deux surfaces faites d’atomes devraient pouvoir s’entrelacer et se traverser, non :

Deux nuages d’atomes qui s’entrelacent
Manifestement, cela n’arrive pas : quand j’appuie sur mon clavier, la touche s’enfonce et mon doigt ne traverse pas le clavier.

Il y a donc quelque chose qui se passe.

Une histoire de champ de force

Un atome est souvent vu comme un noyau autour duquel gravitent des électrons. Cette représentation simple et facile à comprendre reste loin de la réalité.

Pour commencer, les électrons ne gravitent pas : la gravité n’intervient pas ici. Les forces actives ici sont les forces électromagnétique. Des phénomènes purement quantiques interviennent également, empêchant par exemple les électrons (négatifs) de tomber directement sur le noyau (positif), et les maintenant sur leur orbitale électronique.

Un électron, par ailleurs, n’est pas réellement une particule au sens matériel d’une petite bille (aucune particule ne l’est vraiment). La taille de l’électron par exemple, n’est pas définie. Il y a des hypothèses disant que l’électron a une dimension purement ponctuelle. Ce qui est alors mesurable n’est alors que sa sphère d’influence.
En ce qui concerne cette sphère d’influence de l'ensemble des électrons dans un atome, on appelle ça le « nuage » ou « cortège » d’électrons (ou électronique). Or, les électrons sont tous chargés de façon négative : deux électrons quelconques ne peuvent donc que se repousser.

Quand deux atomes non réactifs arrivent l’un sur l’autre, ils vont donc se repousser : les atomes sont entourés d’un nuage d’électrons chargés négativement, agissant en véritable champ de force électrique négatif (on ignore ici le fait que deux atomes peuvent également réagir chimiquement, mais on obtient alors une molécule, avec un nuage électronique partagé par les atomes, et qui agira de façon identique) :

contact avec champ de force
L’idée est donc que le champ électrique répulsif des électrons d’un objet repousse le champ électrique d’un autre objet, et donc les deux blocs de matière se repoussent.

Intensité de ce champ de force

La force électrique (et magnétique) est très intense, en particulier si on la compare à la force de gravitation. On parle ici d’un facteur $10^{35}$ entre les deux forces !

Pour donner une idée : n’importe quel aimant peut soulever un petit clou. Si on fait le bilan des forces sur le clou, on voit que le petit aimant arrive par sa force magnétique à vaincre la force de gravitation exercée par la planète Terre toute entière sur ce même clou.
N’oubliez pas : la gravité qui nous maintient au sol, est la force exercée par une planète de $6 \times 10^{21}$ tonnes ! Et à chaque fois qu’on soulève quoi que ce soit, on vainc la force d’une planète.

Le champ de force électrique au sein de la matière empêche celle-ci de s’effondrer sur elle-même. C’est cette force qui empêche les noyaux atomiques de s’approcher plus qu’ils ne le font. C’est ça qui donne du volume (rempli de vide, donc) à la matière, et c’est elle, enfin, qui fait que deux blocs de matière ne se traversent pas l’un l’autre.

Cas particuliers

Mettre deux objets en contact c’est donc comme faire léviter un objet au-dessus d’un autre, à une hauteur d’une fraction de diamètre atomique, soit quelques picomètres seulement.
Parfois la matière peut aussi réagir différemment, et ça on l’a tous déjà observé avec de la colle. La colle est une substance qui reste accrochée à la matière. On utilise ainsi de la colle pour fixer un cadre au mur.

Les liaisons chimiques

S’il n’y avait que la force électrique qui agissait sur la matière, tous les atomes se repousseraient. Dans la réalité, on arrive à mettre des atomes ensembles au sein de molécules et des cristaux. Ce sont les liaisons chimiques qui permettent ça : des comportements d’origine quantique qui font que les électrons restent à leur place au sein de plusieurs atomes, formant les molécules.

Ces liaisons maintiennent entre eux des nuages électroniques qui normalement se repousseraient.

Les liaisons hydrogène, elles, utilisent la force électrique pour maintenir deux groupes moléculaires ensemble. L’hydrogène et tout petit et peu massif. Au sein de certaines molécules, son unique électron est quasiment toujours tiré vers l’atome auquel il est lié. L’hydrogène expose donc globalement son noyau chargé positivement, et le reste de la molécule se charge négativement. Ceci permet à des molécules de s’enchaîner ensembles et donc de rester collées.

Parfois, une longue molécule peut se recroqueviller sur elle-même grâce à des liaisons hydrogène entre différentes parties de la même molécule. C'est le cas par exemple des protéines dans les cellules du vivant, et même de l'ADN. Une partie de la recherche en biologie consiste à découvrir la façon dont ces molécules sont repliées, avec de comprendre comment l'on pourrait synthétiser ces protéines nous mêmes ou même les détruire (protéines d'un virus dangereux, par exemple).

Les forces de Van der Waals

Dans le cas de la colle dont je parle au-dessus, des forces moléculaires interviennent, en particulier les forces de Van der Walls. Les liaisons de Van der Waals sont un cas plus global des liaisons hydrogène.

Ces forces prennent leur source dans la structure d’une molécule. Certains atomes dans une molécule ont tendance à attirer les électrons vers lui : c’est comme si la couverture électronique était tirée sur lui par un des atomes. Cette couverture étant négative, la molécule toute entière se polarise : une partie devient négative et l’autre positive. La colle s’accroche à la matière en faisant s’attirer ses propres régions négatives avec des régions positives de la matière. Ce ne sont pas des liaisons atomiques à proprement parler, mais des forces intermoléculaires.

La colle qui colle, la peinture qui reste sur sa toile, la patafix®, les sticky-pad pour téléphones, tous fonctionnent grâce à ce procédé. Le teflon au fond des casseroles fonctionne également comme ça, mais avec un but opposé : empêcher quoi que ce soit de coller à la poêle !

La soudure froide

Une soudure classique, chaude, fait fondre deux pièces de matière, généralement en métal, pour que leur phase liquide unisse les deux pièces et qu’elles ne fassent plus qu’une en refroidissant.

Pour la soudure froide, il n’y a pas de chauffe et aucune fonte. Il s’agit de mettre deux objets en contact et elles finissent par se solidariser avec le temps. Cela peut arriver par exemple deux glaçons : quand on place un glaçon sur un autre, ils gèlent ensemble, même en l’absence d’eau liquide.
Dans ce cas, les structures cristallines des deux glaçons fusionnent et des liaisons cristallines se forment entre les deux glaçons, à cause de leur proximité.

Plus étonnant, la fusion froide peut avoir lieu avec des métaux, comme l’aluminium. Quand on met en contact deux pièces en aluminium fraîchement décapées, elles vont se souder entre elles. On voit parfois ceci sur les selles de vélo qui sont comme collées à leur tube de maintien. Il est alors très difficile de les désolidariser, et pour cause : la tige de selle et son tube de maintien ont commencé à se souder ensembles !

Conclusion

Vous ne touchez que rarement les objets qui vous entourent : vous lez repoussez à distance avec votre champ de force électrique, comme on repousse un aimant avec un autre aimant. Le contact entre deux objets, c’est exactement ça.

Mieux, on peut exercer des pressions immenses sur deux objets pour les « coller » le plus possible. La seule chose qui se passera c’est l’espace entre les deux nuages électroniques qui se réduit. L’espace entre le nuage électronique et les noyaux ne changera pas : ce sont des comportements quantiques qui maintiennent les électrons sur leur orbitale.

Ces comportements d’origine quantique ne sont pas invincibles cependant. Quand on appuie suffisamment, l’énergie employée à exercer cette pression se transmet aux électrons qui quittent leur orbitale : la matière s’échauffe et s’ionise. On obtient alors un plasma où les noyaux atomiques baignent dans une soupe d’électrons libres. C’est ce qui se passe dans le cœur des étoiles, où la pression est suffisante pour ça.

Si on augmente encore la pression, les électrons et les protons sont forcés à fusionner pour former des neutrons. On obtient alors des étoiles à neutrons. L’ensemble de l’étoile est alors un noyau atomique unique et ultra-dense : il n’y a plus le 99,99 % d’espace vide entre les particules, qui est alors comblé par de la matière.

Encore au-delà, si l’étoile à neutron est plus massif, les neutrons eux-mêmes ne peuvent plus soutenir cette pression immense : ce sont les quarks (les constituants des protons et des neutrons) qui se libèrent. L’étoile obtenue est appelée « étoile étrange ».

Enfin, une étoile étrange a également ses limites : trop massive, les quarks eux-mêmes ne résistent plus et fusionnent tous ensemble en un point unique. C’est une singularité à la densité infinie et à l’accélération de la pesanteur si forte que même la lumière n’est pas assez rapide pour s’en libérer : c’est un trou noir. Toute matière qui s’en approche trop est alors indéfiniment perdue et piégée…

image d’en-tête de Victor Orlov

14 commentaires

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Pépito écrit :

Super article comme d'habitude par contre il y a un truc que je n'ai pas saisi c'est la force de la planète avec la force qu'on vainc etc

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Le Hollandais Volant écrit :

@Pépito : Quand ton téléphone est posé sur la table, c’est la force de gravité qui fait qu’elle reste posé sur la table et qu’elle ne bouge pas. La Terre utilise sa force de gravité pour maintenir le téléphone immobile.
Maintenant, quand tu soulèves ton téléphone, tu es plus fort que la Terre : tu vainc la force de gravité exercé par toute une planète sur ton téléphone.

C’est juste pour dire que la force de gravité est incroyablement faible en intensité.

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Ténor écrit :

"deux pièces en aluminium fraîchement décapées, elles vont se souder entre elles"; ça marche aussi avec 2 surfaces parfaitement polies.

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L6Atmo écrit :

"vous lez repoussez à distance avec votre champ de force Force"

CHUIIIIIIS UN JEDIIIIIIII !!!!!!!!!

(quelqu'un devait la faire, bin voilà c'est moi! Que la Force soit avec vous... pour me supporter^^)

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Médéric écrit :

Bonjour et merci pour votre article. J'ai deux questions :
Ce que vous appelez "soudure froide" n'est-il pas le phénomène d'adsorption ?

À propos des forces de Van der Waals, est-ce qu'elles participent au fait que la molécule d'eau est très fortement dipolaire, propriété extrêmement importante en géologie et en biochimie ?

D'après le mémo visuel de géologie (Dunod) :

L'eau présente une tendance à la polymérisation par l'intermédiaire de liaisons électrostatiques dites liaisons hydrogènes : le pôle oxygène d'une molécule attire le pôle hydrogène d'une autre. Ceci implique des propriétés particulières, ainsi l'eau devrait geler à -100°C et bouillir à -80°C (au lieu de 0°C et 100°C), l'énergie complémentaire, correspondant à ces écarts, sert à rompre les liaisons hydrogènes.
- La chaleur spécifique et la chaleur latente de fusion sont parmi les plus fortes de tous les liquides classiques → importance dans les transferts de chaleur et dans la régulation thermique
- La chaleur de vaporisation est la plus forte → importance dans les transferts d'eau et de chaleur dans l'atmosphère
- Le pouvoir dissolvant est le plus élevé tant pour le nombre de substances dissoutes que pour les quantités dissoutes → importances dans les altérations chimiques

D'après le mémo visuel de biologie (Dunod) :

Les propriétés chimiques de l'eau ont permis la naissance et le développement de la vie. [...] Sa polarité lui permet de former des liaisons hydrogènes faibles, permettant des réactions d'hydrolyse. Cette polarité fait également que l'eau est attirée par des molécules portant des charges électriques, formant alors une couronne d'hydratation. À l'opposé, elle exclut les molécules apolaires telles que le glycérol.

Merci,
Médéric.

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Le Hollandais Volant écrit :

@L6Atmo : Bravo :D

@Médéric : Non, la soudure froide s’opère entre deux pièces d’un même métal. Par exemple deux morceaux d’aluminium polies (non oxydées) en contact. Les molécules individuelles ne bougent pas, mais des liaisons vont aller se former entre les deux blocs.

Pour les forces de Van der Waals, effectivement, la polarité de l’eau implique également la mise en place de certaines forces, représentées par les forces de Van der Waals. Pour l’eau en particulier, il faut également ajouter des liaisons hydrogène : des forces liées au fait que l’hydrogène est pratiquement toujours polarisée positivement, et qui viennent s’ajouter à la liste des forces en jeu.

Les liaisons hydrogène constituent des liaisons chimiques très faibles, mais toujours plus fortes que les forces de Van der Waals. Ces dernières sont vraiment de très courte portée, car elles naissent dans toutes les molécules qui présentent ne serait-ce qu’une infime délocalisation du nuage électronique.

L’eau est effectivement une molécule très particulière. Ne serait-ce que par sa propriété d’être plus dense à l’état liquide qu’à l’état solide : ceci permet à la glace de flotter. À l’échelle planétaire, ceci permet aux pôles de la Terre d’être recouvertes de glace et donc blanches, et donc de réfléter une bonne partie de la lumière solaire et donc de réguler la température moyenne terrestre.

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galex-713 écrit :

J’ai acquis un violon, puis j’ai mangé un fruit, avant de jouer j’ai remarqué que j’avais les mains collantes et réalisé que la pratique d’un instrument lutte contre les épidémies parce qu’il faut souvent se laver les mains…

…et là je me suis dit… est-ce qu’il y a un rapport entre le fait que le sucre est de l’énergie stockée sous forme moléculaire, et le fait que ce soit collant ? Parce que le sucre c’est vachement plein d’atomes d’hydrogène quand même…

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Le Hollandais Volant écrit :

@galex-713 : Un rapport, pas forcément : l’huile végétale est également une substance végétale, et toutes les huiles ne collent pas. Je ne pense pas qu’il y ait un rapport : le sucre colle simplement parce que sa structure moléculaire le lui permet, indépendement du fait que ce soit une molécule végétale produite à partir de l’énergie solaire et de photosynthèse.

Toutes les substances végétales ne collent pas, et tout ce qui colle n’est pas forcément végétal, donc je ne pense pas que tout ça soit lié.

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bohwaz écrit :

Pour les vélos c'est plutôt la réaction entre les tiges de selle (ou les potences) en alu et le cadre en acier qui crée une corrosion galvanique et crée de l'oxyde d'aluminium, qui fait que la pièce en alu prends physiquement plus de place (elle grossit car de l'oxyde est créé !) et l'oxyde d'aluminium est extrêmement solide (juste en dessous du diamant !), ce qui fait que c'est très difficile de retirer la pièce ensuite.

https://en.wikipedia.org/wiki/Galvanic_corrosion

https://www.youtube.com/watch?v=bGqV5KE7cb8

Donc pas vraiment de la soudure. Pour les pièces alu sur cadre alu je n'ai jamais constaté de souci personnellement sur les centaines de vélos de récup que j'ai vu passer.

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BZFK écrit :

Bonjour, il me semble qu'on parle d'interactions de VdW, pas de forces...
Bien à vous.

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Origin écrit :

Je pense avoir compris que lorsque je met mon doigt sur la table, je ne touche pas réellement la table.
Mais dans ce cas pourquoi je peux sentir que du papier ponce est abrasif, et du tissu doux ?
Est-ce que le sens du toucher à réellement un sens (sans mauvais jeu de mot) ?

Bonne journée :)

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Le Hollandais Volant écrit :

@Origin : C’est la rigidité des fibres.

Le tissu se déforme sous ta pression, et c’est ton doigt qui déforme le tissu.
Dans le cas du papier de verre, c’est ce dernier qui déforme ton doigt (et ça se ressent comme de la rugosité).

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Origin écrit :

@Le Hollandais Volant : Une question me vient alors !
Dans le cas d'une brûlure en rentrant en contact avec une surface chaude, je ne touche pas réellement la surface.
Est-ce que ca signifie que le principe de conduction n'existe pas ? :O


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