un paon
Un blog a récemment dévoilé de magnifiques clichés d’une plume de paon vues sous microscope : voir The Extraordinary Iridescent Details of Peacock Feathers Captured Under a Microscope :

photo macro de plumes de paon
Comme on peut le constater, les couleurs sont intenses, brillantes et d’un aspect métallique. Et bien comme vous vous en doutez, la science derrière ces couleurs est également surprenante et inattendue car ces plumes hautes en couleur ne contiennent pas de pigments colorés.

En fait, si on s’en tenait aux pigments, le paon serait noir. Il y a donc quelque chose en plus qui lui donne ses couleurs.

Alors d’où vient la couleur des plumes de paon ?

Si ces couleurs ne sont pas pigmentaires, elles tirent leur origine dans un processus géométrique appelé la réfraction de Bragg dans la structure cristalline d’un revêtement à la surface des plumes de paon. C’est ensuite un phénomène d’interférences lumineuses qui donne ses couleurs à la plume.

En effet, en l’absence de cette pellicule cristalline très fine, la lumière est absorbée ou réfléchie selon la couleur des pigments :

absorption et émission de couleurs
Si on avait une surface blanche, toutes les longueurs d’ondes serait réfléchies, et un objet noir lui, absorbe toutes les couleurs.

Dans un réseau cristallin, les atomes sont organisés au sein d’un maillage géométrique très régulier.
On peut considérer la structure cristalline comme formant une succession de couches atomiques transparentes :

interférences à réseau cristallin de Bragg
Dans ce qui va suivre, on ne prendra comme exemple que le cas avec une seule couche d’atomes dans le cristal. C’est donc comme on avait une simple épaisseur transparente, une lame mince transparente. La réalité d’une plume de paon est faite d’une multitude de couches (la toute dernière étant noire, la couleur naturelle de la plume), ce qui complique un peu le résultat, mais pas le principe physique, qui est identique.

Avec la couche mince transparente, on se retrouve donc non pas avec un rayon réfléchi, mais deux rayons identiques qui vont alors interférer, c’est à dire agir l’une sur l’autre.

Et là, il y a tout un tas de possibilités dépendant du déphasage entre les deux rayons. Quand les crêtes de l’onde sont en phase, les deux ondes s’ajoutent (on parle d’interférences constructive) et quand les crêtes sont en opposition, les ondes s’annulent (interférences destructives) :

interférences de deux ondes
(image)

Entre ces deux cas, il y toutes les possibilités intermédiaires où le rayon n'est ni totalement annulé ni grandement augmenté.

La façon dont deux ondes s’ajoutent ou s’annulent dépend de plusieurs facteurs, dont :

  • la longueur d’onde du rayon
  • la structure et la nature du cristal
  • l’angle d’incidence du rayon lumineux

Ainsi, quand plusieurs rayons arrivent sur la plume de paon, certaines couleurs sont amplifiées et d’autres sont diminuées. La plume agit donc comme un miroir filtrant, qui ne réfléchit que certaines longueurs d’ondes et pas d’autres.

La lumière naturelle est constituée de toutes les longueurs d’onde de l’arc-en-ciel et arrive de toutes les directions, et différentes zones de la plume ayant des cristaux spécifiques, chaque zone a une couleur dominante particulière. De nombreuses interférences se produisent donc sur la plume.

En plus de l’interférence de Bragg, on assiste également au phénomène d’iridescence, c’est à dire une variation du déphasage entre les deux ondes en fonction de l’inclinaison de la plume. C’est pour ça qu’on observe des couleurs continues : les zones bleues s’étendent en fait du bleu au turquoise et le jaune passe de l’orange au jaune-vert selon l’orientation.

Pour conclure, les plumes de paon ne sont pas les seuls cas où on observe tout ceci. Les phénomènes d’interférences à couche mince, de réfraction de Bragg et d’iridescence permettent d’expliquer de très nombreux phénomènes colorés, des couleurs des bulles de savon à celles d’un résidu d’essence sur une flaque d’eau. On les retrouve aussi pour la couleur des scarabée ou de certains papillons, de poissons, d’oiseaux ou encore de sur des minéraux et bijoux.

Photo d’en-tête de Benjamin Ellis

5 commentaires

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Astyan écrit :
La couleur noir du paon n'a aucun role dans ce phenomène ?Il existe des paons albinos qui sont tout blanc et n'ont pas cette couleur pourtant cette condition est censer agir que sur la pigmentation non ?
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Le Hollandais Volant écrit :
@Astyan : Les paons blancs (et les animaux blancs en général) ne sont pas à proprement parler albinos. Ils sont atteints de leucisme, qui signifie qu'ils n'ont aucun pigment dans leur corps (sauf les yeux) et pas juste une absence de mélanine (qui est un cas particulier). Mais ça ne répond pas au problème.

La dernière couche cristalline juste avant la plume absorbe ce qui reste de lumière. Si c'est blanc, ça réfléchit ce qui reste, et qui peut alors être majoritaire sur la couleur (voire l’annuler).
Aussi, la mélanine peut se trouver dans la structure cristalline, sans être responsable directement des couleurs métalliques. Sur un paon albinos ou leuciques, la structure de la plume est altérée et les couleurs disparaissent.

Enfin, certains animaux albinos restent colorés parce que leur couleur ne dépend pas du tout de la mélanine. Certains serpents sont dans ce cas là.

Dans tous les cas, les couleurs bleues, vertes, etc. sont impossibles à obtenir par effet d’absorption par la mélanine.
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Annepop écrit :

Bonjour, j'aurais une petite question à propos de la réfraction de Bragg. Sur plusieurs définitions de ce phénomène il est dit qu'il ne concerne que les longueurs d'onde proches de celles des dimensions du cristal soit les rayons X. Cependant, les rayons X émis pas le soleil ne parviennent pas sur terre à cause de l'atmosphère. Ainsi comment peut-il y avoir une réfraction de Bragg sans présence de rayon X ?

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Le Hollandais Volant écrit :

@Annepop : Tout dépend de la dimension des mailles cristallines : si les mailles sont plus grandes, la longueur d’onde concernée l’est aussi.

Ici en fait, les plumes sont recouvertes d’écailles et de barbules : ce sont ces entités qui provoquent une diffraction de Bragg. Ils agissent comme une structure cristalline régulière, mais sont en réalité beaucoup plus grosses que des atomes.

La diffraction de Bragg est simplement un mécanisme. Mais ce dernier peut s’appliquer à n’importe quel échelle, du moment que le réseau de diffraction (le « cristal ») et la longueur d’onde qui se diffracte dessus soient de la même taille.

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Gilbertrand écrit :

@Astyan : bonjour messieur je ne sais pas mais je pense que vu que les pigments sont blancs la réflexion n’est pas la même
Cordialement
Gilbertrand


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