Photo de plutieurs horloges sur un mur.
Loin de la Lune qui passe et des horloges à pendule, la mesure du temps qui passe se fait aujourd’hui à l’aide d’horloges atomiques, bien plus précises.

Le principe de fonctionnement de ces dernières, que l’on va voir ici, est assez recherché mais n’est pourtant pas très éloigné sur le principe.

Toutes les méthodes de mesure du temps qui passe font appel à un signal périodique, aussi bien la période de révolution ou de rotation de la Terre, que les périodes de balancement d’un pendule ou d’un ressort. Une horloge atomique ne fait pas exception à cela et en requiert un également.

Nécessité d’un système périodique

Dans le cas des horloges à pendule, le signal périodique est l’oscillation du pendule, dont la durée dépend de la longueur du pendule et du champ de pesanteur. La masse au bout du pendule, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’importe pas : ce qu’une masse plus importante gagne en attraction gravitationnelle, il le perd par une inertie plus importante. C’est le principe d’équivalence faible.

Dans ces horloges, la longueur du pendule y est précisément ajustée de façon à ce qu’elle oscille avec une période d’une seconde. La seconde étant à l’origine une subdivision assez fine de la durée d’une journée, définie au préalable. Un dispositif mécanique transforme ensuite l’oscillation du pendule en mouvement d’aiguilles sur un cadrant. Durant des siècles, ce système a permis d’afficher l’heure, mais ils avaient le défaut de ne pas fonctionner en mer sur un navire qui tangue ou roule dans tous les sens.

Les montres de poche sont un peu plus récentes et utilisent l’oscillation d’un ressort. Elles étaient plus fiables : d’une déviation de quelques minutes avec un pendule, on passe à une déviation de quelques secondes chaque jour.

Au XXᵉ siècle, on a inventé des oscillateurs électroniques, à base de cristaux de quartz. C’est de là que viennent les montres à quartz. J’ai un article sur les montres à quartz, mais pour résumer : une impulsion électrique est envoyée sur un cristal de quartz précisément dimensionné pour que sa fréquence propre soit de 32 768 Hz. Ces oscillations produisent un signal électrique de 32 768 Hz. Un circuit électronique effectue 15 divisions successives par 2 et on obtient un signal qui oscille exactement une fois par seconde (32 768 Hz / 2¹⁵ = 1 Hz, soit un signal par seconde). Ces secondes sont alors envoyées vers l’aiguille des secondes. Un système d’engrenages permet enfin d’avoir également les minutes et les heures. On peut aussi envoyer le signal à un affichage numérique. Le signal de sortie du quartz est également renvoyé en entrée du cristal de quartz. Ceci permet de maintenir l’oscillation constante aussi longtemps que l’ensemble est alimenté.

Ce système de rebouclage permet de conserver la précision du signal tout en la faisant perdurer dans le temps. Un peu comme quand on pousse un enfant sur une balançoire : on pousse une première fois, l’enfant effectue quelques balancements puis finit par s’arrêter. Mais si pousse avec une fréquence rythmée sur les oscillations de la balançoire, alors le mouvement est régulier et surtout maintenu dans le temps.
Il s’agit d’un système avec une boucle de rétroaction : le signal de sortie de l’oscillateur (la balançoire, ou le quartz) est renvoyé en entrée de l’oscillateur (le signal électrique ou notre action sur la balançoire), de façon à maintenir l’oscillation, sans interruption. Ceci est très important.

Dans une horloge atomique, c’est la même chose que l’on fait, sauf que l’oscillation de base n’est plus un quartz mais une transition électronique dans un atome.

Mécanisme derrière une horloge atomique

Plutôt que d’utiliser la période d’un cristal de quartz, on utilise ici la fréquence de la radiation absorbée lors d’une transition électronique d’un atome, en l’occurrence d’un atome de césium 133.

Fréquence de transition électronique

Dans un atome, les électrons ont des niveaux d’énergie bien précis. Quand un électron passe d’un niveau élevé à un niveau plus bas, il libère la différence d’énergie sous la forme de lumière. Cette lumière est une onde caractérisée par une fréquence (ou une longueur d’onde). C’est de cette fréquence dont on parle. Dans l’autre sens, quand un électron passe d’un niveau d’énergie bas à un niveau d’énergie plus haut, alors il absorbe la longueur d’onde correspondant à la différence d’énergie entre les deux niveaux. Dans le cas de l’horloge atomique, c’est cette dernière idée que l’on utilise : celle de l’absorption.

Chaque élément chimique a sa propre configuration électronique, et donc ses propres niveaux d’énergie. Chaque élément absorbe ou émet donc une liste de fréquences bien précise. C’est ce que l’on voit dans les raies spectrales de chaque élément. C’est d’ailleurs ce qui permet d’identifier les éléments présents dans un échantillon dont on analyse la lumière (méthode de la spectroscopie) :

Spectres d’émission pour quelques éléments gazeux.
Spectres d’émission de quelques gaz (source)

Pour les horloges atomiques qui servent à définir l’unité de la seconde, on utilise du césium 133. Une des transitions de cet atome est appelée transition hyperfine F1/F2. Cette transition émet une onde électromagnétique d’une fréquence très localisée et très stable. C’est cette fréquence-là que l’on a choisie pour définir la seconde.

Principe de fonctionnement de l’horloge atomique

Le principe décrit sera celui des horloges à fontaine de césium.

Dans ces dispositifs, un ensemble d’atomes de césium en phase gazeuse est préparé pour être dans un état que l’on appellera état 1, d’énergie E1.

Ces atomes vont être soumis à un rayonnement électromagnétique d’une fréquence de départ proche de la fréquence de la transition électronique que l’on souhaite utiliser comme fréquence d’horloge. Pour les horloges au césium, on utilise un rayonnement d’une fréquence micro-ondes d’environ 10 GHz. Soumis à ce rayonnement, une partie des atomes va absorber le rayonnement et se retrouver à un niveau d’énergie E2. La différence d’énergie E2-E1 correspond à l’énergie du rayonnement absorbé.

L’ensemble des atomes est alors envoyé en dehors de la cavité sous la forme d’un faisceau (la « fontaine » de césium) et ils sont ensuite séparés par un déflecteur magnétique : les E1 sont envoyés d’un côté et les E2 de l’autre.
On compte alors le ratio nE2/nE1.

Le but est d’avoir un ratio nE2/nE1 le plus grand possible. Pour ça, on ajuste la fréquence le rayonnement incident (nos 10 GHz). En faisant ça, plus ou moins d’atomes vont l’absorber, et le ratio nE2/nE1 en sortie de la fontaine va être modifié.

Schéma de fonctionnement d’une horloge atomique de type fontaine de césium.
Schéma de fonctionnement d’une horloge atomique : la fréquence micro-onde excite les atomes de césium et les fait passer dans un état excité. Un système d’asservissement ajuste la fréquence incidente pour que le nombre d’atomes excités soit le plus élevé possible. Une fois arrivé au maximum, on est à la fréquence propre du césium.

L’idée est donc de se caler sur la fréquence de l’atome, un peu comme quand on manipule un poste radio pour se régler sur la fréquence d’une station donnée. Plus le son est clair et distinct, alors plus on sait que l’on est proche de la fréquence de la station.
Si l’on s’approche de la fréquence naturelle du césium, l’absorption va s’approcher d’un maximum, chose que l’on cherche à avoir : si l’on est au maximum, alors on est au plus proche de la fréquence du césium.

À noter que si la fréquence incidente n’est pas exactement égale à la transition, certains atomes vont tout de même absorber le rayonnement à cause de leur mouvement ou leur énergie thermique, qui permettra « d’arrondir » l’énergie du rayonnement pour qu’il soit absorbé. On comprend alors que si l’atome de césium n’est pas immobile, c’est une plage de fréquences qui peut être absorbée, réduisant la précision du dispositif. Dans notre horloge, il est essentiel de refroidir l’ensemble à des températures proches du zéro absolu si l’on veut être précis. De cette manière, la seule fréquence absorbée sera véritablement la fréquence de transition hyperfine F1/F2.

Une fois qu’on est arrivé à atteindre le maximum d’absorption, il suffit de lire la fréquence du signal que l’on envoie sur les atomes. Dans le cas de notre transition F1/F2 du césium 133, cette fréquence est 9 192 631 770 Hz.

On utilise enfin un système pour faire en sorte que la valeur mesurée du ratio nE2/nE1 agisse sur le signal d’entré, qui lui-même agit sur le ratio nE2/nE1 : on retrouve une boucle de rétroaction. Si c’est fait correctement, le système devrait de lui-même et après un moment atteindre la fréquence propre des atomes de césium : la boucle de rétroaction tend alors vers la stabilité.

Enfin, on fabrique un compteur électronique qui comptera le nombre d’oscillations (donc 9 192 631 770 périodes du signal), et une fois que le compteur atteint cette valeur, on sait que l’on a mesuré « 1 seconde ».

Et voilà : on a notre horloge atomique.

Résolution (précision) d’une horloge atomique

Quand un utilise une horloge à pendule, ce dernier (le pendule) oscille de gauche à droite, mais son rythme peut varier en fonction de sa longueur (longueur qui change par exemple par dilatation avec la température), mais aussi du champ de pesanteur, des courants d’air, du taux d’humidité… Au final, plus le temps passe, plus le pendule dévie de la vraie mesure de l’heure. Cette déviation peut atteindre quelques minutes, chaque jour, pour une horloge à pendule.

Pour une montre à quartz, la forme du quartz, également sensible à la température, ou la baisse de l’alimentation de la pile font que là aussi on perd un peu sur la fidélité de la mesure. Cela reste bien plus léger que pour les pendules : ici on dévie de quelques secondes par jour, ou par semaine seulement.

La montre atomique correctement refroidie et bien calibrée, quant à elle, ne déviera que d’une seconde tous les millions d’années.
Si on laisse l’horloge fonctionner quelques jours — je rappelle que le système d’asservissement est tel qu’il permet d’être de plus en plus précis avec le temps — alors on peut espérer arriver à des déviations d’une seconde tous les 100 millions d’années, soit une déviation d’une nanoseconde par mois !

Ce niveau de précision est tel que des facteurs extérieurs relativistes et quantiques doivent être pris en compte. En effet, la relativité générale nous dit que le temps passe moins vite plus on est proche d’un champ de pesanteur. Par conséquent, si l’horloge est soulevée, et donc éloignée un peu du centre de la Terre, alors son temps propre va varier également. Ce genre d’effets sont impossibles à observer avec une horloge à quartz, mais une horloge atomique les mesure très bien.

Ces phénomènes, trop légers pour être notables durant la vie courante, doivent être pris en compte lorsque sensibilité sur la mesure du temps se doit d’être la plus fine possible, comme avec le système GPS : ici, une microseconde d’écart et l’on se voit décalé de 300 mètres sur la carte !

Autres technologies & remarques

Le césium 133 est l’atome choisi par le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM) pour définir la seconde. La valeur de la fréquence de transition F1/F2 de cet atome est décrétée être 9 192 631 770 Hz, et c’est par cette base que l’on définit ce qu’est une seconde.

Si l’on a une horloge atomique qui fonctionne correctement, on n’a donc pas besoin de l’étalonner : si la fréquence retournée par le césium 133 est la bonne, alors c’est le fréquencemètre que l’on va corriger pour se caler sur le césium. Les seuls paramètres à surveiller sont la pureté du césium 133 ou le champ de pesanteur.

D’autres atomes peuvent également servir de base pour faire une horloge atomique. Le rubidium, le strontium sont également utilisés. Les fréquences à obtenir ne sont pas les mêmes, mais leur stabilité est parfois plus importante que pour le césium.

Enfin, des technologies d’horloges encore plus précises existent : les horloges optiques. Ces dernières utilisent non plus un rayonnement micro-onde, mais un rayonnement situé dans le domaine lumineux (IR, visible, UV). La fréquence est alors beaucoup plus élevée (du gigahertz on passe au térahertz), mais le refroidissement et le « piégeage » des atomes à interroger avec le rayonnement incident doit être plus important également.
Pour cela, on utilise un système pour confiner les atomes similaires à ce qu’on utilise pour le refroidissement au Laser : un rayon laser bien choisi tend à immobiliser un atome en lui volant peu à peu son énergie cinétique. En confinant un ensemble d’atomes dans un ensemble de rayons laser, cet ensemble d’atomes se comporte comme un cristal piégé dans les alternances du champ électromagnétique du laser. Le ralentissant des atomes est tel que les atomes sont refroidis pratiquement jusqu’au zéro absolu. Les horloges optiques qui utilisent ce mécanisme sont les horloges à réseau optique. Ces dernières peuvent avoir des déviations de l’ordre d’une seconde tous les 10 milliards d’années (donc avec une exactitude multipliée par 100 par rapport à une horloge atomique « classique ») !

Si les horloges atomiques à fontaine existent depuis les années 1950, les horloges à réseau optique sont bien plus récentes, car leur technologie et leur mise en œuvre n’existent que depuis les années 2000.

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Image d’en-tête de Stuart Rankin

4 commentaires

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Borao écrit :

Si je ne m'abuse, la période est l'intervalle de temps au bout duquel le mouvement se reproduit identique à lui même. Pour les horloges à balancier, tic,tac, la période est donc de 2 secondes. Bon, ceci étant dit je continue ma lecture, ça m'intéresse.

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JFP/Jean-François POULIQUEN écrit :

Bonjour.
Merci pour ce bel article expliqué avec simplicité et avec une vraie vérité. Mesurer le temps n'est pas si chose facile.
Je pense que cet article précède le fonctionnement des interféromètres que je vous ai soumis.
Amicalement. JFP/Jean-François Pouliquen

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galex-713 écrit :

pour l’optique j’ai pas compris… la fréquence lumineuse va changer qqchose à la manière dont les atomes sont refroidis ? comment et pourquoi ?

et est-ce qu’ya des horloges atomiques dans les satellites gps, ou seulement sur terre ? et yen a bcp ? c’est gros ? c’est cher comment ?

et comment on change arbitrairement la fréquence des photons émis ? faut pas une autre horloge pour ça aussi ? ça s’passe comment ?

et le césium ça se trouve où et se purifie comment ?

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Faf écrit :

@Borao : bonjour le balancement est un mouvement avec un centre verticale donc le mouvement va du centre au centre soit 1 seconde ( ce qui est recherché) , ce que vous décrivez la période est typique d’une onde et de l’espace entre deux crêtes ( positivé par exemple). Donc rien à voir
Bien à vous
Fabienne


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