Beaucoup de constantes sont utilisées en maths et en physique. Je ne vais pas toutes les expliquer ici, car il y en a beaucoup trop, mais je peux au moins m’attarder sur les plus connues, au moins les plus fondamentales.
D’une façon générale, je reproche un peu au programme scolaire de présenter certains concepts de façon trop rapide, sans réellement montrer leur implication dans le monde réel ou leur véritable signification et origine physique ou matérielle. Le programme est chargé et le nombre d’heures en baisse, mais s’il pouvait y avoir quelques cours d’interprétation physique des équations, des résultats, ça pourrait en aider plus d’un.
Simple exemple : qui a vu à quoi correspond la constante de Boltzmann, autrement que par une énième constante de la physique ? Qui sait d’où sort la fonction exponentielle et pourquoi elle est naturelle ? Ou même, bien plus facile pourtant, à quoi correspond $\pi$, la constante du cercle ?
Je ne pensais pas faire un article sur ça, mais j’estime finalement que c’est nécessaire, au même titre que mon article sur les dérivées en math, celui sur la fonction exponentielle (et l’origine de la constante $e$, dont je vais reparler également ici), les fonctions trigonométriques et même celui sur les équations de Maxwell expliquées simplement.
Je suis d’avis que la compréhension des concepts permet toujours de les utiliser au mieux et pour le mieux, et j’espère que cet article soit utile en ce sens.
La constante de Boltzmann
La constante de Boltzmann $k_B$ apparaît à la fin du XIXᵉ siècle.
Les machines thermodynamiques (moteurs thermiques) mises au point par les ingénieurs au début du XIXᵉ siècle existaient et étaient utilisées, mais la physique ne les expliquait pas. S’ensuivit alors un demi-siècle de découvertes majeures des lois de la thermodynamique théorique, par de grands noms comme Thomson (devenu Lord Kelvin), Watt, Joule, Maxwell, Boltzmann… et beaucoup d’autres.
En particulier, Maxwell relie la vitesse moyenne de déplacement des molécules — et donc leur énergie cinétique — à la température du gaz : c’est la théorie cinétique des gaz.
Plus tard, Boltzmann retrouve la même chose en utilisant la physique statistique qu’il a mise au point. Il montre que la température d’un gaz est directement proportionnelle à la vitesse de déplacement des molécules.
Dans ce cadre-là, la constante de proportionnalité entre la vitesse d’une molécule et sa température thermodynamique correspond à la constante de Boltzmann (à l’inverse de la constante de Boltzmann, plus précisément).
D’un point de vue pratique, cela se résume simplement : la constante de Boltzmann, c’est la quantité d’énergie cinétique acquise par une particule quand sa température grimpe d’un kelvin.
Pour chaque kelvin d’échauffement appliqué à un gaz, les molécules voient, en moyenne, leur énergie augmenter de 1,380 649 × 10⁻²³ joule. Inversement, si l’on communique 1,380 649 × 10⁻²³ joule individuellement à chaque molécule d’un gaz, alors la température du gaz s’élève de 1 K.
La constante de Boltzmann apparaît dès qu’on étudie les transferts thermiques, d’énergie et la température d’un corps. Il s’agit d’une constante utilisée partout en thermodynamique, en chimie, en physique quantique, reliant leur énergie cinétique à la grandeur appelée température.
La constante universelle des gaz parfaits
Pour aller un petit peu plus loin, on peut parler d’une autre constante bien connue : la constante universelle des gaz parfaits, $R$, qui découle directement de la constante de Boltzmann.
En effet, $R$ représente l’énergie à apporter à une mole de gaz [parfait] pour augmenter sa température de 1 kelvin. Dit autrement, la constante des gaz parfaits est à une mole de gaz ce que la constante de Boltzmann et à une seule molécule ou un seul atome.
D’où la relation qui en découle naturellement :
$$R = k_B \times N_A$$
Où :
- $R$ est la constante des gaz parfaits ;
- $k_B$ est la constante de Boltzmann ;
- $N_A$ est le nombre d’Avogadro.
$k_B$ et $N_A$ étant désormais (depuis la 26ᵉ CGPM de 2018) des constantes définies exactement, $R$ est donc également une constante exacte, quoique dérivée des deux premières.
La constante de Planck
La constante de Planck, $h$, naît avec la physique quantique. On s’est rendu compte que si l’on étudiait les particules et les atomes de façon individuelle, elles n’obéissaient plus du tout aux mêmes lois physiques que celles utilisées dans la vie de tous les jours. En particulier, concernant l’énergie des particules.
Quand on étudie les photons émis par un atome, on a beau chauffer un atome de façon graduelle, ce n’est pas pour autant qu’elle émette des photons graduellement aussi. Au contraire, elle émettra des photons qu’à certains stades bien précis de l’échauffement, par paliers. Chaque atome a ses propres paliers de photons, et cela correspond à leur signature spectrale.
Les photons portent alors des énergies bien précises : on parle alors de quantification de l’énergie, d’où le terme de physique quantique.
Suite à cette hypothèse, il a été proposé l’idée que les différentes longueurs d’ondes émises par un atome étaient toutes des multiples entiers d’une certaine quantité d’énergie minimale indivisible. Cette quantité d’énergie, le « quantum d’énergie », a été décrite par Planck comme une constante fondamentale.
Aujourd’hui on appelle « constante de Planck » la constante de proportionnalité entre l’énergie d’un photon et sa fréquence associée. Cela revient au même que l’idée initiale proposée par Planck.
Plus généralement, la constante de Planck intervient de la même façon pour toutes les particules, vu que toutes peuvent se comporter à la fois comme une particule et comme une onde. Pour les particules autres que les photons, la constante de proportionnalité entre leur énergie et leur fréquence contient la constante de Planck, mais également leur masse.
La constante de Planck peut être vue comme le facteur de proportionnalité entre l’énergie d’une particule et sa fréquence associée (ou sa longueur d’onde). La relation qui en découle est $E=h \times \nu$, où :
- $E$ est l’énergie de la particule ;
- $\nu$ (« nu ») est sa fréquence.
On peut faire le parallèle avec la vitesse de la lumière, qui est la constante reliant l’énergie d’une particule et sa masse, dans la très fameuse relation $E = mc^2$.
Si la masse et l’énergie sont équivalentes par l’intermédiaire de la vitesse de la lumière, l’énergie d’une particule est équivalente à la fréquence de l’onde associée par l’intermédiaire de la constante de Planck.
Si son énergie est exprimée en joule, sa fréquence en hertz, alors sa valeur vaut 6,626 070 15 × 10⁻³⁴ J⋅Hz⁻¹. Je choisis délibérément d’exprimer l’unité en J⋅Hz⁻¹ (au lieu de l’habituel J⋅s, tout à fait équivalent), car cela montre immédiatement que la constante de Planck relie l’énergie à une fréquence : c’est l’énergie à apporter à un photon pour que sa fréquence augmente de 1 Hz.
Tout comme la constante de Boltzmann, la valeur de constante de Planck a été fixée de manière exacte en 2018.
Et la constante de Planck réduite ?
On rencontre parfois la notation $\hbar$ (lire « h barre »). Il s’agit de la constante de Planck réduite, d’une valeur de $\frac{h}{2\pi}$. Le fait d’inclure les ${2\pi}$ dans le $\hbar$ permet d’alléger l’écriture des équations quand on travaille avec la pulsation associée à une onde, et avec laquelle le ${2\pi}$ intervient obligatoirement.
La permittivité diélectrique et la perméabilité magnétique du vide
J’ai déjà parlé de ces deux notions lorsque j’ai expliqué l'origine de la finitude de la vitesse de la lumière.
Pour résumer l’article, on part du constat que la lumière se déplace dans le vide à une vitesse finie, c’est-à-dire non infinie ; constat qui n’est pas forcément facile à faire dans la vie courante et sans l’équipement approprié.
Cette valeur finie de la vitesse de la lumière peut être expliquée par la nature même de la lumière, à savoir une onde électromagnétique progressive. On peut décomposer cette onde en sa partie magnétique et en sa partie électrique.
Chacune de ces deux composantes traverse plus ou moins facilement un matériau donné. La perméabilité magnétique et la permittivité diélectrique sont deux grandeurs qui caractérisent la facilité du matériau — y compris le vide — à véhiculer ces deux composantes.
Or, le vide ne réagit pas infiniment vite aux changements dans les champs électriques et magnétiques : il faut un bref instant pour que l’espace réagisse à l’apparition d’une charge ou d’un aimant. C’est comme si le vide avait une certaine inertie, une résistance au changement.
D’un point de vue électromagnétique, le vide se comporte donc comme un tout petit condensateur (possédant une constante de permittivité diélectrique) couplé à une toute petite bobine d’induction (possédant une constante de perméabilité magnétique) : c’est ça qui provoque ce très bref retard dans l’établissement du champ électromagnétique, même dans le vide.
La vitesse de propagation de la lumière dans le vide, $c$, dépend des valeurs de la permittivité diélectrique et la perméabilité magnétique du vide, par cette relation remarquable :
$$c = \frac{1}{\sqrt{\mu_0 \times \epsilon_0}}$$
Où :
- $\mu_0$ (« mu zéro ») est la perméabilité magnétique du vide ;
- $\epsilon_0$ (« epsilon zéro ») est la permittivité diélectrique du vide.
Ces valeurs n’étant pas infiniment petites, la propagation du champ électromagnétique n’est pas instantanée.
Pour un autre milieu que le vide (air, eau, verre, diamant…), les $\mu$ et $\epsilon$ prennent des valeurs différentes, et la vitesse de la lumière s’en trouve donc modifiée dans ces milieux. L’indice de réfraction optique correspond à cela, et peut être retrouvé à partir de $\mu$, $\mu_0$, $\epsilon$, $\epsilon_0$.
D’un point de vue métrologique, la valeur de la vitesse de la lumière dans le vide est aujourd’hui fixée à une valeur exacte et l’on obtient les valeurs de $\mu_0$ et $\epsilon_0$ à partir de $c$ et d’autres constantes (de Planck et de la charge de l’électron, entre autres).
Auparavant, ce n’était pas le cas : la valeur de $\mu_0$ était fixée, la valeur de $\epsilon_0$ calculée à partie de la charge de l’électron, puis seulement la vitesse de la lumière définie à partir de tout ça.
Si l’on résume, $\mu_0$ et $\epsilon_0$ quantifient la réponse de vide aux effets de perturbations magnétique et électrique respectivement. Si ces valeurs étaient nulles, la vide ne retarderait pas l’établissement et la propagation d’une charge électromagnétique. Ces valeurs de $\mu_0$ et $\epsilon_0$ n’étant pas nulles, il en résulte que la vitesse de la lumière dans le vide n’est pas infinie.
Ces deux constantes sont fondamentales, car elles expliquent la vitesse de la lumière, qui est une importante constante en physique.
Le nombre d’Euler, ℯ
Le nombre ℯ, appelé nombre d’Euler est à la base des fonctions exponentielles et logarithmes. Même si ce nombre est plutôt associé aux mathématiques, il s’agit bien d’une constante naturelle qui intervient partout en physique.
Le nombre ℯ dont la valeur est généralement arrondie 2,718, sans unité, représente la valeur de la croissance d’une population quelconque dont la croissance elle-même dépend de la taille de cette population.
Par exemple, si l’on prend une population de souris, alors le nombre d’individus en plus à la fin de l’année dépend directement de la population de départ. Et le nombre d’individus en plus au bout de la seconde année va dépendre du nombre d’individus au bout de la première année. La croissance de la population à un instant $t$ dépend donc de la taille de la population à cet instant $t$. Quand on formalise mathématiquement ce genre de problème, on retrouve systématiquement la constante ℯ dans les équations.
Un autre exemple sont les intérêts bancaires, dont je vous recommande la lecture de l’explication dans mon article sur l’exponentielle.
On y remarque que si l’on effectue les calculs d’intérêts (dont le taux serait unitaire) non plus à la fin de l’année, mais plus souvent que ça (chaque mois, chaque semaine, chaque seconde…) alors la croissance de l’épargne augmentera d’un facteur qui tendra d’autant plus vers 2,718 que l’on effectuera le calcul souvent.
Si l’on effectuait le calcul de façon infiniment souvent, correspondant alors à une intégrale mathématique, alors la croissance finale serait de ℯ exactement.
Ceci est valable pour une grande diversité de phénomènes : les intérêts bancaires, mais aussi pour la propagation d’un virus au début d’une épidémie, la croissance d’une population d’êtres vivants, la vitesse d’avancement d’une réaction chimique, la décroissance radioactive, la répartition des étoiles dans une galaxie, la décharge ou la charge d’un condensateur électrique, la vitesse d’établissement du courant dans une bobine d’inductance, la probabilité de présence d’une particule, etc.
Ce nombre, ℯ, caractéristique fondamentale de la nature, apparaît dans un très grand nombre d’équations de physique, au même titre que les autres, et je l’ajoute donc ici.