Le ciel est bleu. Mais d’où vient ce bleu ? Où s’arrête-t-il ? Où commence-t-il ?
Toutes ces questions, plus ou moins métaphysiques, pourraient être posées par un enfant. Mais sont-elles des questions à laquelle un adulte peut répondre ? Pas sûr, car tout va dépendre de ce dont on parle.
On sait pourquoi le ciel est bleu : c’est un phénomène de diffusion différentiée des couleurs de la lumière solaire par les molécules dans l’air, appelé diffusion de Rayleigh. J’explique ça spécifiquement dans mon article : Pourquoi le ciel est bleu ?.
Maintenant, quand on demande d’où vient le bleu, il s’agit de savoir de quel endroit cela vient, et donc au-delà de quel endroit le bleu du ciel n’apparaît plus.
La provenance du bleu
Le bleu provient des molécules de l’air, de toutes les molécules qui diffusent la lumière. Il vient donc essentiellement de partout où il y a de l’air : que ce soient les molécules juste devant vous, ou celles situées beaucoup plus loin. C’est l’effet cumulé du bleu diffusé par toutes les molécules sur toute l’épaisseur de l’atmosphère qui produit la lumière bleue que l’on voit.
Ainsi, naturellement, si l’atmosphère était moins dense ou moins épaisse, ce bleu lumineux serait moins bleu et moins lumineux, c’est-à-dire bleu sombre, voire noire. Et ceci est exactement ce que l’on observe lorsqu’on prend de l’altitude, lorsque la couche atmosphérique au-dessus de nous diminue en épaisseur. L’atmosphère se raréfie également avec l’altitude : l’atmosphère reste soumise à la gravité, comme tout le reste : l’essentiel de l’air se trouve donc proche de la surface terrestre. Sur Terre, il suffit de monter de seulement 5 000 mètres, pour que 50 % de l’atmosphère soit en dessous de nous !
Dans ces conditions, le ciel serait 50 % moins bleu, mais comme les 50 % restants sont du noir (une couleur un peu particulière), la teinte reste clairement bleutée. On ne peut donc dire que le ciel ne soit plus bleu, et donc pas non plus que le ciel commence à 5 000 m.
Rien que sur une montagne moyenne (~ 3 000 m), la perception n’est déjà plus la même qu’au niveau de la mer. En avion, c’est-à-dire à 10 000 m de haut pour un avion de ligne, le ciel est indubitablement bien plus sombre également, mais toujours bleu.
Une altitude à partir de laquelle l’air est trop rare pour que la lumière bleue qu’elle diffuse soit visible correspondrait alors à l’altitude au-delà de laquelle le ciel n’est plus bleu, et donc l’altitude où commence le ciel tel qu’on le voit.
Et la Ligne de Kármán ?
On cite parfois la Ligne de Kármán pour désigner la fin de l’atmosphère. Cette limite est aujourd’hui fixée à la valeur rondelette de 100 km au-dessus du niveau de la mer. Il s’agit d’une limite normalisée et conventionnelle de l’atmosphère, ce n’est pas une limite matérielle ni naturelle.
Pourtant, ça n’a pas toujours été comme ça : la Ligne de Kármán était à son origine une limite physique, d’origine aéronautique.
Pour un aéronef à basse altitude, le maintient en vol est assuré par la portance aérodynamique : l’air est dévié vers le bas par les ailes, ce qui, par réaction, produit une force sur l’avion dirigé vers le haut. L’avion n’a qu’à maintenir sa vitesse pour continuer à dévier de l’air vers le bas et rester en vol.
S’il y a moins d’air à dévier, comme c’est le cas en altitude, cette portance diminue : l’avion doit voler plus vite pour se maintenir. Si l’on continue de gagner de l’altitude, la vitesse doit être d’autant plus élevée.
Dans le cas limite, vu la raréfaction constante de l’air avec l’altitude, cette vitesse de maintien en vol dépasserait la vitesse de libération gravitationnelle. Dans ce cas de figure, l’aéronef se maintient en altitude non plus par les forces aérodynamiques, mais par sa simple inertie : son inertie vers l’avant et sa chute vers le bas (par gravité) sont tels que sa trajectoire suit la courbure de la Terre, et reste donc constamment à la même altitude (malgré sa chute). En un mot : l’avion serait en orbite, et n’aurait plus besoin d’ailes ou même d’air.
Von Kármán avait calculé la limite à partir de laquelle les forces d’inertie sont prépondérantes face aux forces aérodynamiques pour vaincre les forces gravitationnelles et se maintenir en vol, et avait trouvé une valeur de 83,6 km.
Cette valeur avait été recalculée un peu plus tard et trouvée plus proche d’une centaine de kilomètres.
Cette valeur a ensuite été arrondie et normalisée à 100 km.
La Ligne de Kármán existe et est une donnée utile, mais elle ne répond pas à la question cherchant à savoir où s’arrête le bleu du ciel.
La limite du bleu du ciel
La limite « officielle » entre l’atmosphère et l’espace est, elle, donc, fixée à 100 km d’altitude et dérive de la ligne de Kármán. On est bien dans une situation où l’air s’est considérablement raréfiée et donc où le ciel est très faiblement coloré.
Certaines sources conviennent toutefois que la limite où l’on considère que le ciel est totalement noir est située entre 100 et 160 km. Cette plage est large, car on ne peut pas poser une limite dure sur un dégradé de couleur. Ça serait comme demander à quel endroit termine le bleu et commence l’indigo sur un arc-en-ciel. Cela va dépendre de chacun. Vous pouvez essayer sur l’image d’en-tête : c’est un exercice difficile. Et même en demandant autour de vous : vous aurez sûrement autant de limites différentes que de personnes.
Toujours est-il que la plage allant de 100 à 160 km semble contenir le moment où la norme des gens considèrent la ligne où le bleu n’est plus perceptible : il est si sombre que l’on ne considère plus ça comme du bleu, mais du noir. On peut considérer qu’à ces altitudes on a dépassé la limite du ciel.
Bien-sûr, ça c’est si l’on considère le ciel bleu. Si ce que vous voyez la nuit (en l’absence de bleu) en levant les yeux est toujours « le ciel », la réponse n’existe pas : le ciel débute immédiatement au dessus de vous et ne se termine pas. Mais pour ma part, je préfère alors parler de « ciel nocturne », qui n’est pas vraiment bleu.