Deux pliages d’origami.
Une banale feuille de papier réserve parfois quelques surprises.
J’ai déjà parlé du format A4, qui est rempli de mathématiques, parlons maintenant de la feuille elle-même.

Il est impossible de plier une page A4 plus de 7 fois

Je vous vois déjà sortir une feuille de papier pour essayer, mais c’est bien : essayez !

Après 2 ou 3 plis, j’imagine que vous comprenez que vous n’arrivez pas à aller bien loin. Eh bien la limite est effectivement 7 pour une feuille A4 ordinaire de 80 g/m².

Pourquoi ça fait ça ?

Lorsque l’on plie une feuille en deux, on réduit sa surface de moitié d’une part et on double son épaisseur d’autre part.
Si on plie 3 fois de suite, on divise la surface par 8 (=2×2×2) et on multiplie l’épaisseur par 8 également. Pour le pli d’après, c’est donc comme si on devait plier huit épaisseurs d’un coup.

Maintenant, quand on arrive à 7 plis, on obtient 2⁷ épaisseurs, soit 128 pages… le tout sur une surface de quelques centimètres carrés seulement. On est à la limite car l’épaisseur du papier s’approche dangereusement de la taille du pliage, et quand on en est là, plier devient impossible mécaniquement.

On peut pousser le raisonnement. Hypothétiquement, si l’on pouvait plier une page 67 fois de suite, on aurait 1,46 × 10²⁰ épaisseurs. Pour une feuille ordinaire d’une épaisseur de 0,12 mm, tous ces plis additionnés équivalent à 1,7 × 10¹⁶ mètres. Cette distance correspond à 2 années-lumière environ.
La surface du pliage, lui, ferait quelques atomes de large seulement.

En dehors de ce cas extrême, mentionné seulement à titre d’information, il est possible de plier une page 11 fois. Les Myhtbusters y sont arrivés : mais ils ont pris une feuille de la taille d’un terrain de foot et un rouleau compresseur pour plier le papier. On est donc bien loin de la page A4, sans pour autant vraiment aller bien loin au-dessus de 7 pliages…

Dans tous cas, souvenez-vous des puissances de deux : à chaque fois que vous avez un problème qui implique des puissances, comme ici, vous perdrez toujours. On n’appelle pas les puissances « puissances » pour rien.

Trancher du bois avec du papier

On s’est tous déjà coupé le doigt avec une feuille, et ça fait plutôt mal.
Le papier est pourtant juste du papier : on peut le déchirer facilement, le brûler, bref, ce n’est pas un matériau particulièrement résistant. On peut le déchirer car il est fait de petites fibres, mais quand on fait tourner un rond de papier, par exemple au bout d’un petit moteur, alors la tranche du papier tourne super vite tout en étant lié très solidement aux autres fibres.

On peut alors trancher du plastique ou même du bois avec une feuille de papier, comme sur cette vidéo.

Comme souvent dans tous les tissus fibreux, c’est la nature et le nombre des fibres qui donnent la résistance au matériau. Si dans un matériau monolithique, comme le verre ou le métal, ce sont les liaisons atomiques qui donnent la résistance à la matière, dans les matériaux fibreux, les brins de fibres uniques ne sont pas spécialement résistants, mais leur nombre et leur entrelacement permet de donner beaucoup de force au matériau. C’est ce qui donne sa très grande résistance au bois, à la fibre de carbone, de verre, au kevlar…

Résister au feu

Question : est-il possible de maintenir une feuille de papier au-dessous d’une flamme au gaz sans que la feuille ne brûle ?
Réponse : oui.

Le feu est une réaction chimique auto entretenue grâce à la chaleur émise. La première flamme brûle et chauffe l’air et le carburant qui s’enflamme alors, et ainsi de suite : la flamme perdure.
Pour éteindre le feu, on peut agir sur le carburant : si on le retire, il n’y a plus rien à brûler ; l’air : sans air, pas d’oxygène (le comburant) et le feu s’arrête, ou sur la source de chaleur !
Si on retire la source de chaleur, le feu s’éteint. Ajouter de l’eau à un feu a cet effet-là : l’eau absorbe toute la chaleur et le carburant n’est plus vaporisé et ne brûle plus.

Maintenant retour à notre papier : Si on prend une feuille de papier et qu’on l’imprègne d’eau, il ne brûlera pas : l’eau absorbera la chaleur pour sécher mais la feuille restera intacte.

Encore mieux : si vous avez un sac en papier ou créez un pliage en forme de récipient que vous remplissez avec un fond d’eau, vous pourrez le tenir au-dessus du feu sans problème : l’eau montera en température jusqu’à 100 °C, après quoi il commencera à bouillir sans monter davantage en température. Or, 100 °C c’est bien inférieur au point d’ignition du papier.

Le papier et l’huile

Le papier devient transparent au contact de l’huile.

Le papier est constitué de cellulose principalement. La cellulose est transparente, mais l’air emprisonnée entre les fibres empêche la lumière de traverser la cellulose en ligne droite et renvoie la lumière dans tous les sens. C’est le même phénomène qui rend la neige blanche alors que l’eau est transparente (et qui fait que les glaçons ne sont jamais totalement transparents non plus).

Quand on met de l’huile sur la feuille, non seulement l’huile va chasser l’air, mais il va redonner une structure uniforme (optiquement parlant) au papier : la lumière pourra donc traverser le papier tranquillement avec une faible diffusion (la papier huileux est davantage translucide que transparent). L’huile arrive à s’infiltrer entre les fibres du papier et à « conduire » la lumière entre les fibres jusqu’à l’autre côté. L’eau n’a pas exactement le même effet, car les molécules d’eau sont plus petites et continuent tout de même à disperser la lumière de façon suffisante pour ne pas rendre le papier totalement transparent.

La même transparence s’obtient quand on plonge du papier dans de l’acide sulfurique concentré (n’essayez pas ça chez vous). L’acide va briser les longues molécules en protéines plus petites qui sont alors transparentes et gélatineuses. Il suffit alors de laisser sécher et l’ensemble est translucide. Le papier obtenu est du papier calque : il est par ailleurs nettement plus lisse et résistant que le papier blanc normal.

Le papier flash

À la place de l’acide sulfurique, on peut aussi tremper le papier dans de l’acide nitrique. Si l’on utilise un papier de très bonne facture (idéalement ça se fait avec de la fibre de cellulose pure, comme du coton ou de la ouate), alors l’acide nitrique va transformer la cellulose en nitrocellulose.

La nitrocellulose est, comme la poudre à canon, capable de brûler sans oxygène. En effet, l’oxygène est déjà contenu dans la molécule. Il suffit d’une petite étincelle pour que tous les atomes de la molécule se réarrangent en gaz de combustion.

Le truc étonnant à propos de la nitrocellulose, c’est qu’il ne laisse aucun résidu quand il brûle : pas de cendres ni de suie. La combustion est rapide, complète et très bien équilibrée.

Résultat : le papier trempé dans l’acide nitrique et séché que l’on brûle disparaît entièrement. On appelle ça du papier flash : il disparaît sans laisser de trace. Cette astuce est généralement utilisée dans les spectacles de magie.

Quelques astuces en vrac

Envie de faire du papier style « parchemin » ? Faites infuser du thé noir bien fort, que vous versez sur une plaque ou un grand plat. Immergez alors votre feuille préalablement froissée à plat dedans et laissez prendre une heure. Pour sécher, placez la feuille au four à environ 100 degrés. Marche aussi avec du café.

Envie de faire faire des acrobaties à votre avion en papier ? On peut contrôler la direction de vol en jouant sur le bout arrière des ailes : il suffit de plier vers le haut pour faire monter l’avion ou vers le bas pour le faire descendre. Même chose en pliant vers la gauche ou la droite la partie que l’on tient.

Le papier est obtenu par raffinage de fibres de cellulose des arbres. Le parchemin est de la peau d’un animal séché et tanné. Le papyrus est obtenu par tressage, collage puis séchage de bandes découpées dans les branches du papyrus — la plante.

image d’en-tête de Carolina Garcia Tavizon

6 commentaires

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Juju écrit :

Très bon papier ! (qui me rappelle le manuel des castors juniors pour la casserole).

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L6 atmo écrit :

Qui a de l'acide nitrique? J'ai des tests à faire :D

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Antoine écrit :

Tout comme l'article sur le format A4, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire, il faut dire que le papier j'en manipule beaucoup en tant qu'imprimeur. Et j'ai aussi des tests à faire du coup :)

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Elgocho écrit :

Bon, j'ai appris quelques trucs. Et si on met de l'acide sulfurique, ça fait pas du papier sulfurisé ? C'est pareil que du calque ? Le calque non synthétique se recycle donc comme le papier ordinaire ?

Petite boulette dans le titre (le seul endroit où c'est super dommage).

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Laura écrit :

Merci pour ces petites experimentations. J'ai essayé de faire un parchemin, j'ai réussi lors de mon deuxième essai !


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