Bien que l’on parle couramment de « force centrifuge », on lit parfois que cette force n’en est pas une : qu’il s’agit en réalité d’une force fictive ou virtuelle. Et ceci n’est pas sans raison. Pour ma part, je préfère parler d’« effet centrifuge », ou de « l’accélération centrifuge ».
Pourquoi ? Pourquoi n’est-ce pas une vraie force ?
Pour comprendre on doit revoir la définition d’une force. De là on verra assez facilement que l’effet centrifuge n’est pas une force, puis sa vraie nature. La force centripète sera aussi mentionnée.
Définition de ce qu’est une force
Si je prends la définition de Wikipédia, de « force » :
Une force modélise une action mécanique exercée par un objet sur un autre. Elle est capable de lui imposer une accélération […].
Une force exercée sur l’objet fait aller celui-ci plus vite, moins vite ou le dévie d’une trajectoire rectiligne.
Cette définition est claire : une force est une action d’un objet sur un autre, et le résultat est une accélération de ces objets. Cette accélération peut d’ailleurs être positive, négative, en valeur ou en direction : en effet, changer de direction avec la même vitesse, c’est une accélération aussi, et c’est important de le savoir.
Sachant cela, on comprend que la force magnétique est bien une force : un aimant exerce une force sur un clou en fer, et le fer est accéléré vers l’aimant jusqu’à se coller dessus. De même, la force de gravitation fait qu’une pomme qui se détache de son arbre accélère vers le sol. Dernier exemple : si je dévie la trajectoire d’un avion de papier en soufflant latéralement dessus, cela constitue une force également.
Toutes ces actions sont bien le résultat de forces selon la définition précédente.
Cas de l’effet centrifuge
Les exemples ci-dessus sont bien connus : on a tous plus ou moins fait l’expérience d’un aimant, d’une pomme qui tombe ou d’un avion de papier.
Maintenant l’effet centrifuge.
On le subit par exemple dans un rond-point en voiture : quand la voiture tourne, on se sent éjecté du virage. Dans un rond-point, la voiture tourne vers la gauche, et nous, on se sent éjecté vers la droite, vers l’extérieur du virage :
Revenons-en à la définition : une force est une action d’un corps sur un autre. Du coup posons-nous la question : quel corps exerce sur nous une action vers la droite ?
Et là on rend que la réponse est… Aucune ! Rien ne nous pousse vers l’extérieur ! Il n’y a donc pas de force. Le phénomène centrifuge que l’on perçoit n’est donc pas une force au sens classique.
Maintenant, on sent bien que l’on est comme éjecté. Comment l’expliquer ?
D’où vient cette sensation centrifuge si ce n’est pas une force ?
Si l’on se replace dans la voiture en plein rond-point, on se sent éjecté vers la droite quand la voiture tourne vers la gauche.
Mais est-ce vraiment le cas ? Est-on vraiment éjecté vers la droite dans un virage ?
En ligne droite et à vitesse constante, on ne sent rien : toutes les forces qui s’exercent sur nous s’annulent et aucune force nette ne s’exerce sur nous. On ne ressent rien de particulier et on avance simplement par inertie.
Que se passe-t-il dans un virage ? Pour nous : la même chose qu’en ligne droite. Notre tendance est d’aller tout droit, à cause de l’inertie. Pour la voiture en revanche, elle tourne et sa direction change :
Nous sommes dans la voiture : si nous allons tout droit et la voiture va à gauche, alors il est normal que nous sentions la voiture se dérober vers la gauche. Inversement, la voiture nous verrait glisser vers sa droite : non pas parce que nous virons à droite, mais parce que la voiture se dérobe vers la gauche !
C’est donc un problème de référentiel : par rapport à la route, notre tendance est d’aller tout droit. Mais par rapport à la voiture (dont le référentiel propre est immobile, même dans un virage), on est éjecté en direction de son côté droit. L’impression d’éjection vient de là.
Une question de référentiel
Dans tout ce qui précède, nous sommes dans un référentiel lié à la route : la route est immobile, la voiture avance, tourne et nous avec.
Si l’on se met dans le référentiel lié à la voiture, cette dernière est immobile. Le paysage défile vers l’arrière.
Au moment de tourner, la voiture reste immobile dans son référentiel propre. Sauf que ce référentiel est en rotation : la voiture tourne (par rapport à la route).
Par conséquent, la trajectoire que l’on suit par inertie, une ligne droite par rapport à la route, devient une courbe par rapport à la voiture :
C’est uniquement parce qu’on est dans la voiture que l’on a l’impression d’être éjecté sur le côté droit. Les arbres sur le côté de la route nous verraient suivre une ligne droite.
Et si l’on va en ligne droite, par inertie, ça signifie donc bien qu’aucune force ne s’exerce sur nous.
Et la force centripète ?
La force centripète est une force non pas orientée vers l’extérieur, mais au contraire vers l’intérieur du rayon de courbure.
Dans la voiture, nous subissons cette force : c’est celle qui nous retient d’être éjecté dans le fossé. Y participent la force de rétention de la ceinture de sécurité et les frottements à notre siège.
Ici il s’agit bien d’une force véritable : la voiture se dérobe, la ceinture nous retient et nous oblige à suivre le virage nous aussi. Il s’agit ici donc bien d’une action de la ceinture sur nous.
D’autres exemples de forces « fictives »
L’effet centrifuge intervient à chaque fois qu’un référentiel est en rotation dans un autre, immobile. Si l’on est plaqué sur la paroi d’une centrifugeuse, c’est parce que l’inertie nous pousse tout droit mais que la paroi nous entraîne et nous retient. Le fait d’être plaqué constitue l’effet centrifuge.
Il existe d’autres de ces forces fictives.
« force » d’inertie
Dans le cas où il n’y a pas de rotation mais simplement une mise en mouvement, on observe quelque chose de similaire. Si l’on accélère franchement dans une voiture en ligne droite, alors on est plaqué dans le siège, vers l’arrière.
Pourtant, rien ne nous pousse vers l’arrière ! Pour ce qui est des forces, c’est le siège (et toute la voiture) qui nous pousse dans le dos et vers l’avant.
Et si l’on regarde notre trajectoire par rapport à la route, on avance, on ne recule pas.
On parle ici de la force d’inertie, d’accélération inertielle, ou juste d’inertie.
On explique ça parce que notre corps possède une masse. Or, cette « masse » désigne le paramètre physique qui quantifie la résistance à la mise en mouvement. On n’est donc pas instantanément propulsée à la vitesse de la voiture : ça se fait graduellement : l’accélération est progressive, et c’est ça que l’on ressent.
La vraie force en jeu dans cette situation, c’est seulement la force vers l’avant de la voiture dans notre dos.
La « force » de Coriolis
On connaît la force de Coriolis comme la force responsable de la rotation des cyclones, ou encore (mais à tort) du tourbillon dans les éviers.
L’observation montre par exemple qu’une masse nuageuse qui se déplace à la surface de la Terre finira par dévier vers l’est dans l’hémisphère nord et vers l’ouest dans le sud.
C’est donc comme si le cyclone était poussé par une force : la force de Coriolis.
Sauf que rien, absolument rien ne pousse sur ces masses atmosphériques de cette façon. Il ne s’agit donc pas d’une force au sens classique. L’effet provient uniquement du fait que la Terre tourne sous la masse d’air. Et qu’elle soit sphérique.
Quand on est sur l’équateur, du fait de la rotation de la Terre, on parcourt vers l’Est une distance égale à la circonférence de la Terre en 24 h. Au pôle Nord maintenant, on se retrouve sur l’axe de rotation : on ne fait que tourner sur place sans se déplacer.
SI l’on est sur l’équateur, on a donc une vitesse plus importante que si l’on est au niveau du pôle. Or la vitesse se conserve : si l’on part de l’équateur et que l’on remonte vers le nord, on se retrouve à aller plus vite que la surface terrestre :
Par rapport au sol donc, c’est comme si l’on était poussé vers l’Est, même si, techniquement parlant, c’est le sol qui se déplace moins vite à mesure que l’on remonte vers le nord.
Là encore, il s’agit d’une force fictive qui provient d’une rotation d’un référentiel (la Terre) par rapport à un autre (le cyclone), et à la conservation de la vitesse (donc du principe d’inertie).
L’effet de Coriolis provenant de la rotation de la Terre, mesurer cet effet permet de mesurer la rotation de la Terre : en d’autres mots, l’observation de la force de Coriolis est une preuve directe que la Terre est en rotation (et sa mesure à différentes latitudes permet de prouver qu’elle est sphérique).
Conclusion
Classiquement, une force est une action d’un corps sur un autre et dont la conséquence est une accélération de ce corps (mise en mouvement, ou déviation du mouvement).
Pour la force centrifuge que vous ressentez dans certaines situations, il n’y a aucune force dirigée vers l’extérieur. Il n’est donc pas possible de parler de « force » dans ce cas.
Pourtant, nous ressentons bien quelque chose : en réalité, cette force n’est pas dirigée vers l’extérieur mais vers l’intérieur : en voiture dans un virage à gauche, vous avez l’impression d’être éjecté vers la droite, mais c’est seulement parce que la voiture vous pousse à gauche.
C’est une question de référentiel : par rapport à la route, la voiture va à gauche. Toujours par rapport à la route, vous allez également vers la gauche, juste moins vite. Dans le référentiel de la voiture, par contre vous êtes effectivement éjectés vers la droite : la voiture va à gauche avant vous et se dérobe sous vous.
Cet effet n’est qu’une force apparente, fictive, virtuelle. Rien ne vous pousse réellement vers l’extérieur du virage.
La « force » centrifuge est donc parfois appelée « effet » centrifuge, ou plus scientifiquement : « accélération centrifuge », étant donné qu’une accélération est une variation de la vitesse (y compris en direction) et que c’est le cas ici, dans le référentiel en mouvement (votre voiture).