Leonhard Euler.
J’avais déjà parlé de la beauté des mathématiques au travers des figures de Mandelbrot et des figures de Lorenz, mais c’était davantage de la beauté graphique qu’autre chose.

Aujourd’hui, l’objet de la beauté mathématique passe par une équation. Cette équation porte de nom d’Identité d’Euler, en référence à Leonhard Euler (1707−1783), l’un de plus grands mathématiciens de l’histoire.

L’équation :

$$\Huge \text{e}^{\text{i} \times \pi} + 1 = 0$$

L’élégance de cette relation vient du fait qu’elle contient l’ensemble des symboles fondamentaux des mathématiques. Chaque symbole dans l’écriture de cette équation représente un élément important des mathématiques.

L’élément nul et l’unité

Dans cette équation, pour commencer, il y a les éléments de notre système de comptage :

  • 0 : le néant, l’élément nul.
  • 1 : l’unité, la base.

La différence, l’écart entre l’unité et l’élément nul (entre 1 et 0) constitue l’unité séparant tous les nombres entiers consécutifs.

0 est aussi l’élément neutre de l’addition : un nombre auquel on additionne 0 n’est pas modifié :

$$x+0 = x$$

1 quant à lui est l’élément neutre de la multiplication : un nombre multiplié par 1 n’est pas modifié :

$$x \times 1 = x$$

Parlant des opérations, on retrouve dans l’Identité d’Euler les opérations de base usuelles.

Les opérations de base

Les opérations mathématiques :

  • = : le signe de l’égalité, des équations.
  • + : le signe de l’addition, la base des calculs.
  • × : le signe de la multiplication
  • ^ : la puissance, ou l’exponentiation

La multiplication, c’est la puissance supérieure de l’addition. Cela veut dire qu’au lieu de faire 2+2+2+2, on peut faire 4×2. Une multiplication par 4 correspond à l’addition successive de 4 termes entre-eux.

De même, les puissances correspondent à des multiplications successives : 2×2×2×2 est égal à 24.

Remarquons que l’on ne trouve ni la soustraction ni la division. Elles ne sont en effet pas réellement nécessaires. Une soustraction n’est toujours que l’addition d’un nombre négatif, et la division est la multiplication par un nombre inférieur à 1, ou une exponentiation négative :

$$1÷10 = 1 \times 0,1 = 1 \times 10^{-1}$$

Les principales constantes mathématiques

Enfin, l’identité d’Euler montre les principales constantes mathématiques :

  • π : la constante d’Archimède ;
  • ℯ : la constante de Néper ;
  • 𝑖 : la base des nombres complexes.

Plus largement parlant, ces constantes regroupent toutes les mathématiques.

Ainsi, avec π, définie comme le rapport du périmètre d’un cercle sur son diamètre, on définit le cercle utilisé en géométrie. Le cercle est lui-même la base de toute la trigonométrie, par l’intermédiaire du cercle unitaire.

Avec ℯ, qui représente l’accroissement d’un phénomène qui croît en fonction de sa propre taille, on définit les exponentielles, les logarithmes, que l’on retrouve ensuite partout en sciences, au cœur des phénomènes qui évoluent naturellement (thermodynamique, électromagnétique, mais aussi économie, biologie…).

𝑖 est l’unité des nombres imaginaires, utilisé dans le cadre des nombres complexes. Ces nombres étendent les possibilités et les règles de calcul des nombres réels (autorisant des solutions de polynômes qui font intervenir des racines carrées négatives). Ils peuvent également servir en physique, par exemple pour l’étude des systèmes oscillants, ce qui inclut les phénomènes électromagnétiques.

Que dit cette équation ?

Les nombres complexes (avec 𝑖) feront l’objet d’un article dédié. Ceci dit, on utilise généralement un plan en deux dimensions pour représenter des nombres complexes. Dans ce « plan complexe », la partie réelle du nombre complexe correspond à l’abscisse du point et la partie imaginaire à son ordonnée.
Maintenant, un point peut aussi être représenté en coordonnées polaires, c’est-à-dire non plus avec une notation X;Y, mais avec une distance à l’origine et un angle (comme sur l’écran d’un radar : « l’ennemi se trouve à 1 km, à 15° ouest »).

Or, qui dit plan, dit géométrie plane, et qui dit des angles, dit trigonométrie et cercle unitaire.

Ce que dit cette équation, c’est qu’une multiplication par $\text{e}^{\text{i}\pi}$ d’un nombre quelconque revient à en prendre le symétrique par rapport à l’origine, sur le plan complexe.

Euler n’a pas inventé ce résultat, mais il l’a démontré par le biais de la formule d’Euler, qui relie les formes trigonométriques d’un nombre complexe a sa forme exponentielle (voir mon [prochain] article sur les nombres complexes pour ça).

Pour conclure

La beauté est subjective, mais les maths sont objectives. Voir la beauté dans les maths semble à la fois logique et très personnel. Pourtant, certains concepts, mathématiques ou non, peuvent devenir objectivement élégants lorsqu’on les regarde avec un œil inhabituel.

L’identité d’Euler est l’une de ces choses. Prise comme ça, l’équation quoiqu’importante n’est pas bien parlante. Mais si on la décompose, on y retrouve tout ce qui fait les mathématiques : les nombres, les opérations, les constantes, mais aussi la trigonométrie et la géométrie, l’analyse mathématique, l’algèbre…

Une seule équation pour toutes les mathématiques.

Pas que la connaissance de cette unique équation fasse de vous un mathématicien, mais plutôt qu’il faille avoir des connaissances diverses en maths pour pouvoir retrouver cette équation, si petite, si compacte, mais tellement concentrée d’informations.

image d’en-tête adaptée d’une toile de Jakob Emanuel Handmann

5 commentaires

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Juju écrit :

Parmi les bons mots (nombreux) de mon prof de math de seconde (le "Tars"), il en était un qui disait: "Mon dieu, que le nombre d'or est beau à regarder !"

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Laurent Claessens écrit :

À titre personnel, je prèfère la formule de Stirling.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Formule_de_Stirling

Sitrling a en moins que Euler:

- l'opération +
- le nombre i

D'ailleurs écrite sous la forme exp(i*pi)=-1, Eurler est déjà un peu moins impressionnante. Il n'y a ni le zéro ni le +.

Stirling a en plus que Euler:

- la racine carré
- la division
- sqrt(2)
- la limite

En ce qui concerne les démonstrations, Euler est presque de l'ordre de la coïncidence numérique dans la façon dont s'agencenet dans les développement de cos, sin et exp. Le i est pratiquement là de façon artificielle pour faire coller les signes.

La démonstration de Stirling mets en oeuvre nettement plus de concepts.

De plus la formule de Stirling est une formule à propos de nombres entiers uniquement. Et avoir une formule contenant e, pi et sqrt(2) pour ne parler que de nombres entiers, ça c'est vraiment cool.

Après, les gouts et les couleurs ...

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Le Hollandais Volant écrit :

@Laurent Claessens : Je ne la connaissais pas, mais elle est jolie ! La façon dont ces valeurs toutes irrationnelles s’agencent pour former 1 relèverait pratiquement de la magie. C’est beau.

Ça me rappelle une autre « équation » un peu geek : Pi% de 1337 ≈ 42 », mais c’est juste une coïncidence un peu fun.

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John Doe écrit :
Cela veut dire qu’au lieu de faire 2+2+2+2, on peut faire 4×2. Une multiplication par 4 correspond à 4 additions successives.

Ne serait-il pas plus juste d'écrire "Une multiplication par 4 correspond à 3 additions successives ?"


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