On connaît tous très bien les films de James Bond où un tireur utiliser une arme à feu avec un silencieux : tirer avec l’arme transforme le bruit du coup de feu en un simple « clic » dû simplement bruit mécanique lié à la détente et au percuteur. Sauf que, bien-sûr, ceci est totalement idéalisé.
Dans le monde réel, le silencieux est très loin d’être « silencieux » : au mieux, le bruit passe de clairement assourdissant à juste très fort (termes scientifiques… ou pas), mais le coup de feu est toujours là. Le terme de « silencieux » est d’ailleurs plutôt un terme grand public : plus techniquement on parle généralement de modérateur de son, ou encore de suppresseur (de l’anglais « suppressor »).
Il y a pourtant tout de même une nette amélioration, et elle est plus utile au tireur afin de protéger son ouïe, plutôt que réellement tuer quelqu’un sans se faire entendre.
La science et l’ingénierie derrière tout ça reste assez intéressante et c’est donc pour ça que cet article a été écrit.
Du bruit d’un coup de feu
Pour savoir comment fonctionne un silencieux, il faut d’abord connaître le mécanisme derrière le coup de feu, pourquoi c’est si bruyant, et ensuite trouver des moyens pour réduire ces effets-là.
Il y a essentiellement deux choses qui font du bruit quand on tire avec une arme :
- le coup de feu lui-même, à cause de l’explosion de la charge de poudre ;
- le crack supersonique, correspondant à la balle qui traverse l’air à une vitesse supersonique.
On va commencer par le crack supersonique. C’est la même chose qu’un bang supersonique d’un avion : la balle, comme l’avion, traverse l’air à une vitesse supérieure à la vitesse du son dans l’air. Ce qui arrive alors, c’est que les ondes sonores, qui s’échappent de la balle sont rattrapées par la balle elle-même. Les nouvelles ondes produites sont donc produites les unes par-dessus les autres :

Il se forme alors un cône, appelé cône de Mach, où les compressions-décompressions qui constituent l’onde sonore se superposent et forment donc une zone de compression-dépression très importante, autrement dit, un son très intense, correspondant à un « bang ».
Même un petit projectile peut ainsi produire un bang assez fort et très bien audible, surtout quand on se trouve à proximité de la trajectoire de la balle.
Ce bruit-là est lié au déplacement de la balle elle-même, et un silencieux que le supprimera pas. On peut cependant utiliser une munition moins chargée en poudre : la balle sera alors tirée avec moins de puissance et donc moins vite. On parle de munitions subsoniques. L’onde de compression-décompression ne s’accumulera plus devant la balle et ne produira plus le fameux bang.
Ensuite vient le bruit du coup de feu lui-même. Ce bruit, comme tous les bruits en fait, provient aussi d’une compression-décompression rapide dans l’air. Ici, ce sont les gaz produits par la combustion de la charge qui, lorsqu’elles se détendent brutalement à la sortie du canon, produisent une compression subite de l’air, et à nouveau un son très important. Ces gaz sont à une pression très élevée, de l’ordre de 200 atmosphères.
Précisons que les gaz sont ce qui propulse la balle à leur très haute vitesse : ils sont donc situés dans le dos de la balle et sortent toujours après celle-ci du canon.
C’est sur ce bruit-là qu’un silencieux agit.
Le mécanisme d’un silencieux
Un silencieux est essentiellement une cavité placée au bout du canon d’une arme et qui, à défaut de supprimer totalement le bruit, le réduit tout de même de 20 à 35 dB, ce qui est tout de même assez remarquable, quand on se souvient que l’échelle des décibels est logarithmique.
D’après ce qui précède, pour éviter le bruit, il faut réduire la pression du gaz en sortie du canon, et faire en sorte qu’il sorte beaucoup plus lentement, de façon moins explosive, en somme. Et c’est exactement ce qu’il fait.
Dans un premier temps, le silencieux agit comme une cavité qui recueille les gaz de combustion et leur offre un « espace de détente ». La détente des gaz n’a donc pas lieue dans l’air, mais dans une cavité rigide. Le son ne sort donc (presque) pas dans l’air environnement et il n’y a (presque) pas de bruit.
Aussi, si le silencieux est froid, les gaz de propulsion vont pouvoir se refroidir un peu et ceci réduit également déjà la pression.
Ceci dit, contenir les gaz de combustion ne suffit pas. Le silencieux est toujours rempli des gaz de combustion qui n’étaient pas là avant : il y a donc toujours une surpression et ces gaz doivent être libérées. Pour éviter que cela fasse tout de même du bruit, il faut que la libération du gaz se fasse de façon progressive.
Ici, c’est la géométrie interne du silencieux qui va jouer : leur structure est telle qu’elle forme de multiples cavités et forment même des voies d’évacuations qui empêchent le flux d’air de se faire de façon optimale, et donc de façon ralentie. On retrouve ici le principe d’une valve de Tesla.

Les gaz finissent tout de même par sortir, mais la pression n’est alors que d’environ 4 bars. C’est toujours relativement fort. C’est toujours le double de la pression d’un pneu de voiture, mais tout de même bien moins que les 20 bars de la pression régnant dans une bouteille de champagne. On a donc toujours une compression de l’air en sortie, mais celui-ci est très amoindri.
Conclusion
Contrairement à ce que prétend Hollywood, le silencieux n’est pas totalement « silencieux », loin de là même. Il permet toutefois de réduire le bruit d’un coup de feu d’environ 20 à 35 dB ce qui est représente une division par 30 de l’intensité acoustique.
On obtient ce résultat essentiellement en agissant sur la cause de l’onde de choc d’un coup de feu. Cette onde de choc apparaît suite à une rapide détente de gaz en sortie du canon. En diminuant la vitesse de détente de ces gaz, on réduit le bruit. Le silencieux agit comme une cavité de retenue des gaz en expansion et sa géométrie interne fait tout pour que les gaz s’échappent progressivement.
Ce genre de principe est également utilisé dans les pots d’échappements des véhicules à moteur : chaque explosion dans le moteur produit des gaz dont l’expulsion, très rapide, produit une surpression et donc un son très fort. L’intérieur du pot d’échappement est molletonné et absorbe ainsi l’onde de choc et permet une libération progressive des gaz en sortie
Notons que d’autres méthodes de suppression de bruit existent, comme ceux utilisés pour un casque anti-bruit (avec réduction active) ou dans les aspirateurs et les carburateurs (avec un résonateur de Helmholtz).