Le carbone existe sous plusieurs formes dans la nature. Le graphite, comme dans les mines de crayon ou le charbon, et le diamant, sa forme cristalline, en sont deux.
Quand on parle de pièces ou de revêtement « en carbone », il est clair qu’on ne parle pas d’éléments en diamant, ni de graphite : le premier est hors de prix et le dernier est très cassant et s’effrite facilement. Il semble alors étonnant que les éléments en carbone soient prisés, entre autres, pour leur grande résistance mécanique.
Alors de quoi parle-t-on ?
En réalité, quand on parle de « pièces en carbone », on parle en réalité de pièces en « matériau composite contenant de la fibre de carbone ». Voyons ce que tout cela signifie réellement.
Un matériau composite ?
Un matériau composite, c’est un matériau qui est composée de plusieurs matières ensembles : généralement une matière principale renforcée d’un squelette d’un matériau secondaire très résistant. On parle alors d’une matrice (la matière principale) et d’un renfort (le squelette).
Le plus connu des matériaux composites est probablement le béton armé : la matrice est tout simplement le béton et le renfort est l’armature en acier.
L’idée derrière un matériau composite est de tirer profit des avantages mécaniques des deux matériaux : ceux du premier compensant les faiblesses du second.
Dans le cas du béton armé, le béton est très résistant en compression mais pas en flexion. L’acier en revanche, résiste à la flexion mais pas à la compression. Le béton armé permet d’être résistant à la flexion et à la compression, ce qui en fait un matériau de choix pour les grandes structures comme les gratte-ciels ou les ponts.
Dans le cas d’un matériau composite haute performance, la matrice est généralement une résine plastique durcie (époxy, polyester, bismaleimide, esters de cyanate…) et le renfort est une fibre (fibre de verre, de carbone, d’aramide (Kevlar®)…).
La fibre de carbone
Les matières composites à la fibre de carbone sont très prisées dans pour leur légèreté et leur résistance, surtout par rapport à l’acier, à l’aluminium et même au titane !
L’aéronautique par exemple s’en sert énormément : en effet, le coût principal de fonctionnement d’un avion est le carburant. Et on réduit la consommation en carburant en réduisant le poids de l’avion. L’emploie de carbone plutôt que de métaux permet de réduire le poids sans compromettre la résistance mécanique de l’appareil.
La compétition automobile, les voitures de luxe, ou des appareils manuels s’en servent aussi, principalement pour la légèreté couplée à sa résistance. Le carbone est également utilisé dans les domaines du luxe, pour son bel aspect malgré son coût élevé.
La fibre de carbone elle-même est obtenue en filant un prépolymère précurseur, généralement du polyacrylonitrile (ou PAN). Il s’agit d’une matière plastique non durcie qui est transformée en un fil très fin. Ce dernier est traité à haute température afin d’éliminer tout ce qui n’est pas du carbone pure. C’est la carbonisation : un processus proche de la pyrolyse et similaire à celui qui transforme le bois en charbon de bois :
Les fibres en carbone, fines de 3 à 5 micromètres, sont ensuite regroupées en nappes de quelques centaines de fibres, puis tressées pour former des tissus, entièrement de carbone. L’ensemble est encore souple à ce stade, mais déjà très résistant. Pour info, si on fait ça avec des fibres d’aramide, et qu’on superpose plusieurs couches de tissus, on obtient un matériau extrêmement résistant : ce matériau est la base de ce qui compose les gilets pare-balle ou les gants anti-coupure.
Quand on observe une pièce en fibre de carbone, le motif géométrique que l’on voit correspond au tissage de toutes ces fibres :
Selon les propriétés mécaniques ou visuelles souhaitées, le motif du tissage peut varier.
L’étape suivante consiste à imprégner ce tissu d’une résine encore liquide. Cette matière est alors conservée à basse température pour éviter qu’elle ne durcisse toute seule avec le temps.
Enfin, quand on souhaite créer une pièce en carbone, le tissu imprégné est découpé puis déposé en couches successives sur un moule (comme des bandelettes de plâtre — qui au passage est également un matériau composite — utilisées quand on a un bras cassé) et l’ensemble est mis à cuire entre 100 et 200 °C pendant une durée allant de 30 minutes à plusieurs heures.
La cuisson permet de polymériser la résine semi-liquide en un matière dur et rigide.
La pièce finale, une fois cuite est en polymère durci, renforcée de milliers de fins fils de carbone tissés entre eux. L’ensemble obtenu est une pièce extrêmement rigide et dure, mais surprenamment légère également.
En fonction de l’application prévue, on peut évidemment changer la résine utilisée : une pièce destinée à un bord d’attaque d’une aile d’avion de chasse ne subira pas les mêmes contraintes qu’une pièce utilisée dans le cockpit. Sur les pièces telles que le nez d’une navette spatiale ou les patins des plaquettes de freinage en carbone, on peut même utiliser du carbone renforcé à la fibre de carbone.
Il faut bien voir que les propriétés mécaniques proviennent de la structure en fibres de la matière, plus que du produit utilisé. Ceci est valable pour tout en fait : casser une planche en bois n’est pas compliquée. Mais casser une planche de contre-plaqué, c’est déjà nettement plus dur : l’agencement des couches de bois avec l’orientation qui varie donnent à la planche une solidité qui n’existe pas dans une planche de bois massif.
Principales caractéristiques des matériaux composites en fibres de carbone
Le carbone est un élément léger mais peut résister à de très hautes températures (plusieurs milliers de degrés). Il est également un bon conducteur de chaleur, ce qui lui permet de dissiper l’excès de chaleur.
Sur des plaquettes de freinage, ces caractéristiques sont essentielles.
Les fibres de carbone, bien que n’étant pas exactement du graphène (composé de carbone également, mais à une échelle un million de fois plus petite), la fibre de carbone reste l’un des matériaux les plus résistants que l’on connaisse.
Il compense donc très bien les faiblesses des principales matières plastiques, et c’est pour ça qu’on l’inclut dans des matrices en plastique.
Le carbone est également conducteur d’électricité, ce qui a des propriétés antistatiques dans certains appareils (carlingue d’hélicoptères par exemple). Il n’est enfin pas sujet à de la corrosion galvanique, qui détériore les structures métalliques avec le temps par l’action électrochimique des éléments.
Concernant les inconvénients, et en dehors des coûts de fabrication, citons que bien qu’il soit très résistant à la déformation, il résiste mal aux chocs (risque de décollage des couches de tissus) et à l’abrasion (risque de brisure des fibres). Le fait qu’il conduise le courant peut également être problématique dans certains cas (Wikipédia mentionne le cas de pêcheurs électrisés après que la ligne touchait un fil électrique : l’électrisation ne se serait pas produite avec une canne à pêche en polymère seul).
Enfin, on voit apparaître désormais des pièces non plus à la fibre de carbone, mais avec des nanotubes de carbone. Ici, les fibres sont remplacées par du graphène aux dimensions nanométriques (donc 1 000 fois plus fin que les fibres de carbone). Ces matériaux présentent encore plus de résistance mécanique et de légèreté, mais sont également bien plus cher à produire pour le moment.