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Le noir et le blanc ont des places un peu particulières dans la palette des couleurs. Il n’est pas toujours clair si l’on doit les inclure parmi les couleurs ou non.

Dans cet article, je vous propose de voir ce qu’il en est, principalement en voyant ça d’un point de vue scientifique (origine de la perception des couleurs) et artistique.

Voyons tout ça !

Selon les scientifiques

En science, c’est la lumière qui véhicule l’information captée par les yeux. La couleur de la lumière correspond à son énergie : les rayons bleus n’ont pas la même énergie que les rayons rouge. Les différentes cellules présentes dans nos yeux détectent tout ça et envoient ça à notre cerveau qui reproduit l’image mentalement en associant des couleurs à chaque rayon de lumière.

Quand on voit un objet blanc, c’est en réalité qu’il nous renvoie des rayons de toutes les couleurs confondues. Le cerveau représente simplement ce mélange comme étant du blanc.
Les scientifiques diront que le blanc représente la somme de toutes les longueurs d’onde de la lumière.

On peut mettre ce mélange en évidence à l’aide d’un prisme. C’est aussi ce qui se passe lorsque la lumière passe à travers une averse de pluie, formant un arc-en-ciel :

light and prism
Décomposition de la lumière blanche par un prisme (source)

La lumière blanche peut être décomposée en couleurs, mais également reconstituée : en plaçant deux prismes à la suite, les couleurs de l’arc-en-ciel s’additionnent pour reformer la lumière blanche. C’est Isaac Newton qui le premier effectua cette expérience.

Par conséquent, si votre définition d’une couleur implique qu’elle soit associée à une et une seule longueur d’onde, alors le blanc n’est pas une couleur.
Il n’y a pas de longueur d’onde pour le blanc : c’est le mélange de plusieurs (toutes) les couleurs qui forment le blanc.

Sauf que, dans ce cas-là, le magenta n’est pas une couleur non plus. Ni le marron, ni le rose, ni le gris…
Il n’existe en effet pas de longueur d’onde unique correspondant au magenta ou à ces couleurs. Toutes sont des mélanges de plusieurs longueurs d’ondes uniques.

De même, pour le noir : le noir ne serait pas une couleur non plus. En effet, si le blanc correspond à un mélange de toutes les longueurs d’onde, le noir correspond à une absence totale de toutes les longueurs d’onde ! Un objet est vu noir lorsqu’il ne réfléchit ou n’émet pas de lumière : en cas d’absence de lumière, notre œil ne détecte rien et le cerveau interprète ça comme du noir.

Cette propriété de ne pas renvoyer de lumière n’est pas propre au noir : l’air ne reflète ni absorbe de lumière. Est-il noir ? Non, il est transparent.

Scientifiquement, le statut du blanc ou du noir n’est donc pas réellement expliqué avec les définitions habituelles. Si on accepte qu’une couleur peut résulter d’un mélange de couleurs et éventuellement d’une absence de couleurs, alors le blanc et le noir deviennent des couleurs. Mais il faut bien comprendre alors que ces couleurs ne sont pas les seules dans ce cas : le magenta ou le marron, le gris et toutes lles couleurs qui ne figurent pas dans l’arc-en-ciel sont dans ce même cas également.

Selon les artistes

Artistiquement parlant, le blanc et le noir sont utilisés au même titre que toutes les autres couleurs : on les retrouve dans toutes les toiles, photos ou dessins. À ce titre, ce sont des couleurs : ils disposent de leur propre tube de peinture ou crayon.

Mais… là aussi on a à faire à un paradoxe : n’oppose-t-on pas le « noir & blanc » aux autres couleurs ? Ces deux-là sont donc parfois mis à part ici également. On peut creuser un peu plus.

En colorimétrie

La colorimétrie est l’étude de la couleur. C’est une discipline utile aux photographes, aux graphistes et aux fabricants d’appareils optiques ou d’écrans, quand ce dernier doit restituer le plus fidèlement possible une image. C’est aussi utilisé en psychologie et dans la publicité : certaines couleurs sont plus facilement mémorisées que d’autres : le rouge « Coca-Cola » est un rouge bien précis !
La colorimétrie est une science complexe qui intervient un peu partout. Voyons ce qu’elle peut nous dire.

Cette discipline considère que dans la lumière, il n’y a pas que la longueur d’onde ou la teinte qui importe. Il y a aussi l’intensité de la couleur, son éclat si vous voulez.

On dit que le noir et le blanc sont des aspects de la luminosité, indépendamment de la teinte. En effet, si on peut avoir un objet de couleur magenta il n’est pas possible d’avoir un objet à la fois lumineux (blanc) et sombre (noir).

Le noir et le blanc sont en réalité les extrémités de l’échelle de la luminosité, composée de toute une échelle de gris :

grayscale
Pour faire un effet désiré sur un pixel (et donc sur une image), il faut alors prendre une teinte et la superposer à une luminosité.

C’est ainsi que l’on peut créer des couleurs plus ou moins sombres ou claires à partir d’une même teinte. Pour un objet de couleur rouge, si la luminosité est choisie au maximum, alors on obtient du rouge, si elle est mise au minimum, on obtient du noir (équivalent à aucun éclairage).

C’est comme mélanger des peintures rouge et blanche : selon les proportions, on aura des couleurs distinctes, alors qu’on utilise bien les mêmes couleurs initiales. N’importe quel objet possède une teinte — à cause de ses pigments — et une luminosité — à la cause de la quantité de lumière sous laquelle on l’éclaire.

L’effet observé par le cerveau est donc différent, même si dans l’absolu la couleur des pigments dans l’objet ne varie en rien. En colorimétrie, le noir et le blanc ne sont pas des teintes, mais des luminosités.

Et dans la vie courante ?

Si l’on met de côté tout côté technique, on a encore une réponse différente : si je vous demande la couleur de la neige, ou du lait, que me dîtes vous ? Du blanc ! Et pour le charbon, ou le réglisse ? Du noir !

Dans ces conditions, le blanc et le noir sont des couleurs comme toutes les autres. Le pelage d’un chat noir, ou d’un chat blanc, ou encore d’un chat roux ne diffère que par sa… couleur !

Dans la vie de tous les jours, la couleur est une facette de la perception d’un objet. Peu importe quel pigment donne sa couleur à l’objet : dans tous les cas, l’objet aura une couleur, y compris si c’est blanc ou noir.

Conclusion

Le blanc et le noir ne sont des couleurs que selon la définition de la couleur que l’on considère.

En termes de longueur d’onde donc, le blanc et le noir ne sont pas des couleurs (mais alors le magenta, le marron, le rose, le gris… non plus). Le blanc est un mélange de couleurs, et le noir en est l’absence. Est-ce que plusieurs couleurs et aucune couleur est toujours une couleur ? À vous de voir.

En termes de colorimétrie et d’art, le noir et le blanc sont là pour donner une échelle de teinte à une « vraie » couleur. Le blanc et le noir permettent de former toute une échelle de teinte de magenta, ou tout une échelle de teinte de cyan. Dans ce contexte, ils constituent la luminosité d’une « couleur ».

En termes de ressenti et de perception, ils le sont : un objet blanc est différent d’un objet rouge par exemple.

Face à tout cela, on peut choisir d’employer le terme de coloris. On parle alors de la perception visuelle obtenue et on réserve le terme de « couleur » à quelque chose de technique, que ce soit dans le domaine artistique, scientifique…
On peut aussi dire que le blanc et le noir sont des couleurs, et préciser dans quel contexte on se place. Un peu comme lorsque l’on parle d’une tomate « fruit » ou d’une tomate « légume » : les deux sont justes, selon qu’on soit un botaniste ou un cuisinier.

Dans tous les cas de figure, les choses sont toujours plus intéressantes et pas toujours aussi simples qu’un avis binaire et tranché. Deux visions opposées peuvent être justes en même temps, en fonction du contexte dans lequel on se place.

image d’en-tête de Christoph Keil

18 commentaires

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greg écrit :

En colorimétrie, le terme « luminosité » peut être ambigu. Il y a plusieurs systèmes de gestion des couleurs comme TSV (Teinte/Saturation/Valeur) et TSL (Teinte/Saturation/Lumière) qui sont en anglais Hue Saturation Brightness et Hue, Saturation, Lightness. Comme « Brightness » et « Lightness » peuvent les deux se traduire en français par « Luminosité », on voit que ce terme n’a pas forcement la même signification selon le système dans lequel on l’emploie. (Illustration sur wikipedia )

Dans le paragraphe sur la colorimétrie, il me semble qu’il y a une petite confusion entre ces deux systèmes. La phrase « Si la luminosité est choisie au maximum, alors on obtient du blanc » correspond au système TSL. Dans ce contexte, la luminosité ne correspond pas seulement à une quantité de lumière : pour obtenir du blanc, il faut que la lumière soit composée de toutes les longueurs d’onde, donc la luminosité varie en fonction de la gamme de longueurs d'onde renvoyés par les pigments.

Par contre, la phrase « N’importe quel objet possède une teinte — à cause de ses pigments — et une luminosité — au cause de la quantité de lumière émise (par réflexion ou ré-émission) » fait plutôt référence au système TSV. Dans ce système, les pigments d’un objet définissent sa teinte et sa saturation, et la quantité de lumière émise définit la valeur (Brightness). Un objet rouge saturé à 100% variera donc du noir au rouge vif en fonction de la quantité de lumière. A l’autre extrémité de l’échelle de la saturation, la couleur d’un objet variera du noir au blanc en fonction de la quantité de lumière.

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Le Hollandais Volant écrit :

@greg : en effet, j’ai édité.

Si je comprends bien :
– le TSV (ou HSV en anglais) correspond à un objet de couleur X que l’on éclaire sous une lumière blanche. Si la lumière est forte, on voit pleinement la couleur X et si elle est faible, on ne voit presque rien, donc quasiment du noir.
– le TSL (ou HSL en anglais) correspond à une source de lumière blanche sur laquelle on place un filtre teinté. Si le filtre est fin, on verra une couleur X très claire (lumière presque blanche), mais si le filtre est épais (très coloré), on aura une couleur X très vive.


Partant de ça, je m’imagine le TSV et le TSL comme deux façon de représenter la couleur similairement aux couleurs d’absorption (somme = noir) et d’émission (somme = blanc), mais selon l’éclairage choisit (respectivement blanc sur un objet de couleur et coloré sur un objet blanc).

(je me comprends sur cette dernière phrase)

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BigDuke écrit :

Salut, merci pour l'article. En effet les codes couleurs c'est le bordel :]

Je crois qu'il y a une distinction à faire entre un "rayonnement" d'une certaine fréquence et une "couleur" avec ces propriétés (teinte, saturation,etc...). Dans le sens ou les couleurs sont perçues et les rayonnements sont mesurés.

Du coup je me demandais, bien que le magenta ne soit pas un "rayonnement" pur, on doit pouvoir observer la somme de plusieurs rayonnements donnant l'impression de magenta ?

Est-ce que la distinction tient la route ?

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Le Hollandais Volant écrit :

@BigDuke : parfaitement !

Le magenta est le résultat du mélange du rouge et du bleu-violet. Ces deux couleurs ont chacune une longueur d’onde qui se situe à une extrémité du spectre du visible. C’est comme si le cerveau recourbait le spectre sur lui-même.

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WOB écrit :

Et quand est il des objets de couleurs noir?

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Le Hollandais Volant écrit :

@WOB : un objet noir absorbe toutes les longueurs d’ondes et ne renvoie aucune lumière. Avec cette définition, ces objets n’ont pas de couleur.

Mais comme j’ai écris, dans ce cas, il vaut mieux employer le terme de coloris, qui traduit la perception visuelle.

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coucou écrit :

c'est beaucoup plus blanc pour moi<3 !!! merci

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Kbio écrit :

Me voici éclairé...

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matrix écrit :

attends attends, je comprends pas un truc du coup, les longeurs d'onde de toutes les couleurs d'un faisseaux s'additionne et forme du blanc, mais alors le blanc à une longeur d'onde : celle de l'onde résultante de la somme des ondes de couleurs non?! j'ai raté un truc je crois...

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Le Hollandais Volant écrit :

@matrix : non, les lumières se superposent, ce qui revient à dire que l'on additionne des lumières.

C'est une façon de parler, car les longueurs d'ondes ne vont pas être additionnées.

Je reformulerai ça.

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matrix écrit :

@Le Hollandais Volant :

Du coup mathématiquement l'onde additionnel qui représente le blanc peut etre calculer, mais physiquement ça n'existe pas, ce truc là ne se propage pas, il n'y a que les photons avec leur couleurs (longueur d'onde) qui existe en vrai, on est d'accord? :)

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Le Hollandais Volant écrit :

@matrix : La perception de blanc existe, mais il n’y a aucune longueur d’onde unique qui donne cette perception à l’œil.

En fait, et c’est bien l’objet de l’article : tout dépend de ce que tu considères comme « une couleur » : soit c’est la perception, soit c’est une longueur d’onde. C’est ce qui fait la différence entre les disciplines artistiques et scientifiques.

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matrix écrit :

@Le Hollandais Volant :
Parler d'une chose qui n'existe pas est étrange... un scientifique cherche la vérité, donc il faut objectiver : une perception subjective de la réalité n'a rien avoir avec le réel (je sors pas mon pseudo de nul part :p), du coup je ne comprends pas qu'il y ait débat, si physiquement le photon blanc n'existe pas et si physiquement une addition de photons de toutes les couleurs ne crée pas de photon blanc, alors ça n'existe pas, fin. ^^

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Le Hollandais Volant écrit :

@matrix : Si j’ai bien parlé de « perception », je n’ai pas dit qu’elle était subjective.

C’est le même phénomène qui permet de voir du jaune quand on mélange de la lumière verte et de la lumière rouge.
Tout le monde avec une vue normale s’accorde à dire qu’une longueur d’onde jaune a exactement le même effet visuel que l’addition d’une longueur d’onde verte avec une longueur d’onde rouge, et on a besoin d’un spectromètre pour savoir un objet émet du jaune, ou bien du rouge+vert.

Si ce que tu dis est réellement ta définition de la science, alors j’espère que tu ne diras plus jamais qu’une banane est jaune, car ce serait faux.

Si on revient au blanc : une feuille est blanche, ma voiture est blanche, mon pull aussi, la neige dehors également. Le blanc est bien une réalité… perçue !
Je ne parle pas de perception liées à la subjectivité, mais une perception liée au fonctionnement de la rétine et du cerveau, qui elle est objective.

Pour le cerveau, quand tous les cônes sur la rétines sont excités de façon globalement uniforme, alors le cerveau interprète ça comme du blanc. Peu importe si « ton blanc » est pareil que « mon blanc », là n’est pas la question, toujours est-il que la notion de « blanc » est obtenue quand on envoie toutes les longueurs d’onde dans les yeux d’une personne avec une vue normale.

Enfin perler d’une chose qui n’existe pas n’est pas étrange du tout : c’est justement en s’aventurant là où personne n’a jamais mis les pieds, voire dans ce qui n’existe pas, qu’on progresse.
En science ou ailleurs, on n’a pas besoin de preuves matérielle de l’existence de quelque chose pour en parler. L’imaginer suffit. La recherche d’une preuve ne vient qu’après l’hypothèse, et l’hypothèse ne sort jamais de nulle part, si ce n’est de l’imagination et de la créativité des gens.

Faraday n’aurait pas trouvé que le magnétisme, l’électricité et la lumière ne faisaient qu’un s’il n’en avait pas eu l’intuition et s’était mis en tête de le démontrer.
Einstein a émis l’idée du Laser plus de 40 ans avant la construction du premier laser : il n’en avait pas la preuve, il avait juste une compréhension de la matière différente de tout le monde pour l’époque, et il avait vu juste.
Dirac, enfin, a vu une seconde solution dans les mathématiques utilisées à pour décrire le comportement de la matière : il a émis l’hypothèse d’une forme alternative de matière. Il a fallu attendre des années pour que le premier positron soit observé (et depuis on parle « d’anti-matière »).

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matrix écrit :

@Le Hollandais Volant :
Non, je continue de dire qu'une banane est jaune, c'est juste que quand moi je dis ça, je traduis instantanément ma subjectivité en étant conscient qu'il y a des photons de tel longueur d'onde. Autrement dit quand je parle de couleur, je parle de physique, qui est réel et vrai et non pas de ce que croit le cerveau via des perceptions hackable, comme le cas des pixels d'ordinateur qui triche avec les connes de nos yeux...
La science c'est l'art de retirer le subjectif qui nous emprisonne avec nos pauvres sens limités... pour essayer d'entrevoir la vérité objective qui existe au delà de notre (faible) interface avec le réel.

Même chose pour le blanc : saturer les cônes juste en RVB au lieu d'un vrai arc en ciel est de la triche... cela me gène donc beaucoup de parler d'une chose qui ne représente pas une vérité, notre machinerie à détecter les photons est vraiment trop naz pour ça...
Une sensation ou une perception n'est pas le réel et donc pas Vrai... un daltonien ou la crevette mante à 16 cônes en témoigne !
C'est en ce sens là que je voulais dire que ça ne sert à rien de parler et que les gens ne soient pas d'accord sur des couleurs quand cela ne relève pas de la physique... c'est comme débattre des "gouts et des couleurs" (ah bin tien... justement l'expression en prend bien compte :) )

Pour l'imagination je suis d'accord, ce que je voulais dire, je le répète : c'est que là on sait que ça n'existe pas, ce n'est donc pas le même cas que lorsqu'on "imagine" une nouvelle particule avant de la trouver par exemple.

Je sais pas si c'est plus clair ^^se prendre le chou sur un truc qui n'existe pas.

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Ui écrit :

D’après moi le noir est une couleur tant que ce n’est pas du noir absolu, on pourrait donc parler de gris très très très très très foncé... ou de noir clair?

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Dohn Joe écrit :

Très intéressant et surtout utile. L'article est bien écrit. Merci

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Mal absolu écrit :

Moi je me demande toujours pourquoi certains appellent les " non-blanc " ( je préfère dire personne d'origine européenne , j'en ai marre de cette classification raciale basée sur les couleurs...) personne de couleur...


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