Mesurer une grandeur physique n’est pas toujours simple et j’en explique les raisons dans l’article sur le sujet. L’article termine sur la conclusion que l’expression du résultat d’une mesure, pour être exacte, doit comporter la mention de l’incertitude de la mesure.
L’incertitude de mesure se présente comme une « fourchette » généralement centrée sur la valeur retournée par l’appareil de mesure. La valeur réelle de la grandeur à mesurer — une inconnue — se trouve dès lors dans cette fourchette. L’information de la valeur mesurée assortie de son incertitude est alors une information exacte.
Dans l’article présent, on va approfondir le sujet, notamment en distinguant l’incertitude, de l’erreur de mesure.
Quelques définitions
Pour commencer, voyons quelques termes de métrologie.
Prenons comme exemple la mesure de la tension électrique aux bornes d’une pile à l’aide d’un voltmètre.
Notre voltmètre lit « 1,49 V ». Si l’on suppose que la pile est idéale et délivre très exactement 1,50 V, alors on dira que notre voltmètre est faux : il ne retourne pas la valeur vraie.
Or, on découvre que l’appareil est assorti d’un certificat d’étalonnage et d’une incertitude de mesure de ±0,2 V. Dès lors, l’expression pour cette mesure devient « 1,49 ± 0,20 V ». Et dans ce cas, la valeur supposée exacte se trouve dans l’intervalle d’incertitude : cette information est exacte.
Sans l’incertitude
Dans ce qui précède :
- « la tension de la pile » : c’est ce que l’on cherche, on appelle ça le mesurande.
- « 1,50 V » : c’est la valeur vraie du mesurande. C’est le résultat que l’on aurait si la mesure était parfaite. Comme elle ne l’est jamais, cette valeur n’est jamais connue en pratique (ici, cette valeur est supposée et admise comme étant la tension réelle de la pile).
- « 1,49 V » : c’est le résultat de la mesure (ou le résultat du mesurage) : il s’agit de la valeur retournée par l’instrument de mesure.
- « ±0,20 V » : c’est l’incertitude de la mesure. Il s’agit de l’intervalle autour du résultat de la mesure dans laquelle la valeur vraie doit se trouver.
- « 1,49 ± 0,20 V » est l’expression complète du résultat de mesure.
- La différence entre la valeur vraie (inconnue ou supposée) et la valeur mesurée (mesurée) est appelée « erreur de mesure ». Ne connaissant pas la valeur vraie, l’erreur d’une mesure est, elle aussi, inconnue.
Bien maintenant, comment détermine-t-on l’incertitude d’un instrument de mesure ?
Qualification d’un instrument de mesure
Bien que la valeur d’une mesure à faire ne soit pas connue par avance (sinon on ne ferait pas la mesure), on peut faire l’inverse : avoir un mesurande connu et vérifier que notre appareil affiche bien la bonne valeur.
Cette opération fait partie de la phase d’étalonnage de l’appareil de mesure.
Reprenons la pile électrique étalon qui délivre très exactement 1,50 V. Dans ces conditions, cette pile devient l’étalon et la référence de la tension (naturellement, cette pile possède elle-même une incertitude de mesure, mais laissons cela de côté pour l’instant).
Possédant cette pile étalon, on va effectuer 5 mesures distinctes et successives avec notre voltmètre.
Les résultats :
n° | mesure (V) |
---|---|
1 | 1,40 |
2 | 1,42 |
3 | 1,37 |
4 | 1,43 |
5 | 1,38 |
Moyenne (V) : | 1,40 |
De ce tableau, on fait les constats suivants :
- les valeurs sont toutes différentes de la valeur étalon de la pile.
- les valeurs sont toutes différentes entre-elles.
- la moyenne des mesures est elle aussi différente de la valeur étalon.
Pour le premier point, je l’ai dit : aucune mesure n’est parfaite. On ne peut donc s’attendre à ce que la valeur de la mesure renvoie à chaque fois la valeur vraie, d’autant plus que cette dernière est inconnue et que l’on ne dispose que d’une valeur étalon, elle-même normalement encadrée par une incertitude.
Pour le second point, concernant la différence entre chacune des mesures, on parle de la répétabilité.
Nonobstant les conditions de répétabilité (même opérateur, même température, etc.), les mesures peuvent et seront toutes différentes : il y a en effet une part d’aléatoire dans chaque mesure.
Dans ces conditions, la meilleure estimation de la valeur du mesurande est la moyenne de toutes les mesures. On appelle alors « erreur aléatoire » l’écart entre une mesure donnée et la moyenne des mesures. L’ensemble de ces erreurs aléatoires constitue l’incertitude de la mesure.
Enfin, pour le troisième point, l’écart entre la moyenne d’un grand nombre de mesures uniques et la valeur étalon (ou la valeur supposée vraie), est appelée l’erreur systématique.
On suppose en effet qu’en effectuant un grand nombre de mesures répétées, la moyenne des mesures constituera la valeur détectée par notre voltmètre si l’on était parfaitement répétable (donc sans erreur aléatoire).
De même, la moyenne des écarts à la valeur vraie donnera une « erreur moyenne », que l’on nomme erreur systématique.
Erreur et incertitude.
Reprenons cette histoire d’erreur systématique. Cela devrait vous mettre la puce à l’oreille : si l’instrument fait toujours la même erreur, alors ça veut dire que cette erreur est connue !
De là, connaissant l’erreur, on peut la corriger. Dans notre exemple numérique, La moyenne des erreurs est de 0,10 V.
En pratique, il suffira donc de rajouter cette valeur à toutes les mesures effectuées. Ou mieux, faire une correction de l’appareil pour ajouter 0,10 V à toutes les mesures affichées.
Dans tous les cas, s’il fallait retenir une chose : l’erreur systématique est corrigible et estimable.
Ceci diffère fondamentalement de l’erreur aléatoire, que l’on appelle « incertitude », qui elle est… aléatoire ! Et qui donc change tout le temps, et ne peut donc être prédite ni corrigée.
Correction d’un appareil de mesure
Avec les valeurs du tableau plus haut, la correction reviendrait à remonter les valeurs lues par l’appareil de 0,10 V vers le haut. Ainsi, on aurait par exemple le tableau suivant, pour cinq nouvelles mesures :
n° | mesure (V) |
---|---|
1 | 1,51 |
2 | 1,48 |
3 | 1,51 |
4 | 1,53 |
5 | 1,47 |
Moyenne (V) : | 1,50 |
Désormais, le voltmètre est corrigé : la moyenne des mesures tombe sur la valeur étalon.
Bien-sûr, il subsiste toujours l’erreur aléatoire : mais ceci n’est pas corrigible. On peut dire qu’il se situe environ dans une fourchette de ±0,03 V, mais c’est tout. Cette erreur sera toujours là pour toutes les mesures.
La seule façon pratique de s’en affranchir, c’est de faire un grand nombre de mesures distinctes et de faire une moyenne.
Si l’on veut des mesures plus proches, il faut changer d’appareil de mesure, pour un modèle dont la justesse soit plus importante, c’est-à-dire que l’erreur aléatoire soit plus faible :
n° | mesure (V) |
---|---|
1 | 1,51 |
2 | 1,50 |
3 | 1,50 |
4 | 1,49 |
5 | 1,50 |
Moyenne (V) : | 1,50 |
Ici, l’erreur aléatoire est très resserrée (±0,01 V) autour de la valeur réelle. La moyenne des mesures est également située sur la valeur de l’étalon.
Cet appareil est donc à la fois juste (faible incertitude) et fidèle (faible erreur systématique) : on parle d’exactitude :

Conclusion
Quand on fait une mesure, il y a plusieurs raisons qui font le résultat de la mesure ne correspond pas exactement avec la valeur vraie (celle que l’on cherche) et qu’il y a une différence entre les deux : il s’agit de « l’erreur de mesure ». Cette erreur peut venir de plusieurs sources, notamment :
- l’impossibilité de faire des mesures exactement identiques plusieurs fois de suite.
- un déréglage de l’appareil qui produit systématiquement un écart.
Ces deux sources d’erreur de mesures sont à distinguer, et c’est exactement la distinction que l’on fait entre l’erreur et l’incertitude.
L’impossibilité d’obtenir plusieurs fois des résultats identiques est une incertitude. C’est comme si l’on essayait de couper 15 parts de gâteau identiques : on a beau faire de son mieux, il y aura toujours une différence entre chaque part. C’est inévitable.
Un déréglage de l’appareil est une erreur systématique. Elle peut subvenir simplement avec le temps et l’usure. C’est pour ça que les certificats d’étalonnage des appareils ne sont valides qu’un certain temps (un an par exemple). Si un appareil présente un déréglage, ce dernier peut être estimé en vue d’une correction.
L’erreur systématique peut en effet être corrigée. L’incertitude, elle est une erreur aléatoire qui n’est pas corrigible.