des ballons avec de l’hélium
On a tous plus ou moins déjà entendu quelqu’un respirer de l’hélium pour avoir une voix aiguë, façon Donald Duck et s’en amuser. Mais savez-vous pourquoi l’hélium a cet effet-là ? Et savez-vous qu’il est aussi possible d’avoir une voix plus grave avec d’autres gaz ?

Une question de densité de gaz

L’hélium est un gaz sept fois moins dense que l’air : c’est pour cela qu’un ballon d’hélium flotte dans l’air (par poussée d’Archimède). Une autre des conséquences de cette densité beaucoup plus faible, c’est la vitesse de propagation du son dans ce gaz.
Le son se propage lorsque des molécules en vibration transmettent leur vibration aux molécules voisines, qui vont à leur tour transmettre la vibration. De proche en proche, la vibration — l’onde sonore — se propage.

Dans un médium gazeux, la vitesse de cette propagation est directement reliée à la masse des molécules composant ce gaz : en effet, une molécule légère sera plus rapidement mise en vibration qu’une molécule plus lourde. C’est une simple question d’inertie. Ainsi, dans l’air, le son se propage à la vitesse de $340\text{ m/s}$. Dans l’hélium le même son se propage à $978\text{ m/s}$, soit environ trois fois plus vite.

Cela dit, le changement de vitesse du son n’explique pas seul pourquoi le son est plus aigu dans l’hélium que dans l’air. Et pour cause : il ne l’est pas réellement.

L’hélium ne modifie pas la fréquence du son !

La voix est modifiée, oui, c’est évident. Mais ce n’est pas la fréquence du son émis qui est modifiée. Pour le vérifier, on peut utiliser un son pur, comme celui d’un diapason ou d’un synthétiseur. Et là, vous verrez, ou plutôt vous entendrez : le son d’un diapason n’est (pratiquement) pas altéré quand on le place dans l’hélium.

La raison à ça est plutôt simple : le diapason vibre émet un son relativement pur et à sa fréquence propre, indépendamment du gaz dans lequel il est plongé. Il émet (globalement) qu’une seule fréquence à 440 Hz, un La. Si le diapason vibre à 440 Hz, alors il vibrera toujours à cette fréquence, peu importe si c’est dans l’hélium ou non.

C’est la même raison pour laquelle un rayon de lumière rouge ne devient pas bleu une fois dans l’eau, quand bien même la lumière traverse l’eau à une vitesse 30 % plus lente qu’elle traverse l’air. Ce qui est modifié lors du changement de médium, c’est la longueur d’onde, or, cette grandeur est liée au milieu de propagation : elle ne caractérise pas l’onde elle-même.
Une même onde peut donc avoir une longueur d’onde différente si elle change de milieu. Mais la fréquence — la fréquence temporelle — reste constante quoi qu’il se passe, et avec elle l’énergie véhiculée par l’onde.

Alors d’où vient le changement de voix ?

Réponse : le timbre !

Lorsque l’on respire de l’hélium, quelque chose est manifestement altérée. Si ce n’est la fréquence, qu’est-ce ?

La voix est un son très complexe : loin d’être un son pur composé d’une seule fréquence, elle est au contraire composée de plein d’harmoniques. Ce sont les amplitudes de chaque harmonique qui donnent une signature acoustique à chaque son.

De façon simple, ce sont les harmoniques qui différencient le La d’un piano du La d’une flûte, ou encore du La d’une guitare. Tous les La sont à 440 Hz (par définition), mais chaque instrument envoie des harmoniques qui lui sont propres. C’est ça qui permet de différentier les instruments les uns des autres :

Les spectrogrammes pour plusieurs instruments.
Spectrogrammes pour un La émis par trois instruments : le diapason, le violon et la flûte. Le diapason a le son le plus pur et le moins d’harmoniques.

Au niveau moléculaire, à cause de toutes les harmoniques émises, les molécules vibrent à plusieurs rythmes à la fois.
Les molécules restent néanmoins des objets avec une fréquence de vibration propre : une fréquence à laquelle la vibration est naturelle et à laquelle la propagation de l’énergie sonore est la plus efficace.

Pour le dire simplement : l’hélium transmet mieux certaines fréquences et l’air mieux d’autres fréquences. Chaque gaz possède une gamme de fréquence pour laquelle la transmission sonore est la plus efficace : ces fréquences là sont comme amplifiées, alors que les autres sont étouffées.

Or, et peut-être l’avez-vous deviné : dans l’hélium, ce sont les sons aigus (de haute fréquence) qui sont amplifiés, alors que dans l’air, ce sont plutôt les sons de fréquence moyenne qui le sont.

Ce n’est donc pas la fréquence des sons qui change, mais les amplitudes de chaque fréquence composant un son !

D’un point de vue physique, l’hélium et l’air agissent comme des filtres : ils amplifient certaines fréquences et en bloquent d’autres. Changer de gaz revient donc à changer de filtre et à modifier l’amplitude de chaque harmonique, et donc la sonorité globale, avec pour règle générale que plus le gaz est léger, plus sa vibration naturelle est rapide et plus la bande de sons amplifiés est décalée vers les aigus, et plus le gaz est dense, plus la bande amplifiée est décalée vers les sons graves.

Pour conclure

Une même source sonore émet toujours la même fréquence. Ceci est vrai que cette source se trouve plongée dans l’air, l’hélium ou tout autre gaz. La source d’un son définit sa fréquence (ou ses fréquences, s’il y a des harmoniques). Dans le cas où un grand nombre de fréquences sont émises en même temps, et on parle alors du timbre sonore plutôt que sa fréquence (qui n’est plus unique) pour définir un son.

Ensuite il faut comprendre que la fréquence seule des sons ne définit pas un son : il faut également prendre en compte l’amplitude de chaque fréquence émise. L’amplitude pour chaque fréquence dépend bien-sûr de la source, mais également du médium, qui peut les modifier ! En jouant sur l’amplitude de chaque fréquence, on modifie le timbre sonore plutôt que sa fréquence.

Dans l’hélium, les sons amplifiés sont plus aigus que ceux amplifiés par l’air. Quand on parle après avoir respiré de l’hélium, donc, on amplifie tous les sons aigus et on a l’impression que l’on est effectivement plus aigu. Mais en réalité, les fréquences émises sont les mêmes, c’est juste l’amplitude de chaque fréquence qui change.

Enfin, comme j’ai dit et ça semble maintenant logique : si l’hélium qui est très léger amplifie les sons aigus, un gaz plus lourd amplifie les sons graves. Un gaz de choix est alors l’hexafluorure de soufre (SF6) qui est un gaz environ six fois plus dense que l’air. La voix obtenue en respirant ce gaz est alors monstrueuse.

Il faut par contre faire attention : quand on respire un gaz qui n’est pas de l’air, on prive nos poumons d’oxygène et ça peut être dangereux. Il ne faut donc jamais en abuser et ne pas respirer du gaz plusieurs fois de suite.
De plus, si l’hélium est plus léger que l’air et qu’il remonte naturellement hors des poumons, un gaz plus lourd, en revanche, aura tendance à s’accumuler au fond des poumons, ce qui peut réellement présenter un danger d’asphyxie.

(Cet article a initialement été publié en décembre 2016. Je l’ai mis hors ligne quelque temps après quand il m’a été montré que l’explication donnée n’était pas correcte. J’ai décidé de le corriger, le mettre à jour et de le republier.)

Photo d’en-tête de Jeffrey Beall

7 commentaires

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M écrit :

Bonjour je pensais que le son se déplaçait plus vite dans un milieu plus dense que le contraire par exemple le son va plus vite dans l’eau que dans l’air or si l’hélium est moins dense que l’air les ondes sonores ne devrait-elles pas se déplacer moins vite?

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Le Hollandais Volant écrit :

@M : ce que tu dis est vrai, mais il y a une autre raison !

Le son est une onde qui se propage dans la matière : pour cela, les molécules vibrent et transmettent cette vibration de proche en proche par contact (dans un fluide) ou par vibration des liaisons entre les molécules (dans les solides).

Il y a plusieurs façon d’avoir une transmission « de proche en proche » qui soit rapide :
– soit il y a une plus forte densité de molécules (donc plus de chocs, donc l’onde se propage plus vite) : le son va plus vide dans un gaz comprimé.
– soit les chocs sont plus rigides (c’est pour ça que le son va plus vite dans les solides que dans les gaz)
– soit les molécules individuelles se déplacent plus vite, et atteignent donc plus rapidement une autre molécule pour lui transmettre sa vibration.

La molécule d’hélium (monoatomique) est très légère : elle se déplace beaucoup plus vite que les molécules de $N_2$ et $O_2$ bien plus lourdes. L’hélium transmet donc les vibrations (et donc le son) bien plus vite :)

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Le Hollandais Volant écrit :

@le-gritche : Oui, voilà :D
D’ailleurs, c’est un phénomène similaire qui fait que les nuages ou les montgolfières flottent à une altitude donnée (sans tomber dru, ni s’élever à l’infini) : le densité décroit avec l’altitude et à un moment la montgolfière reste à l’endroit où sa densité est identique à l’air ambiante.

PS : je t’ai envoyé un message sur Tipeee !

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Jacques écrit :

Pourquoi associer systématiquement le décibel à une unité sonore ? Cela induit en erreur le lecteur ! Le décibel est UNIQUEMENT un rapport de puissance 10 log de Ps/Pe et sert donc à exprimer un rapport et rien qu'un rapport d'amplification ou d'atténuation, que ce soit sonore ou électrique ou radio-electrique ! Un rapport de tension sera 20log de Vs/Ve !
Il faudrait arrêter de prendre le deciBel ( 10eme du Bel) pour une unité de puissance acoustique ! Ça n'est qu'un rapport de deux grandeurs !

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Sodalite56 écrit :

@Jacques,
Le décibel est une unité très utilisée en acoustique dans la vie de tous les jours. C'est comme ça. Il faut s'y faire.

@Timo,
J'imagine que le message de Jacques a été écrit à un moment où le billet de blog (ou les questions-réponses) parlait de décibels.
Mais il n'y en a plus trace. Du coup la remarque de Jacques est un peu "hors sol".
La seule mention de décibel dans le billet est la légende des ordonnées des spectres des différents "la" (dB). Et il me semble que cette unité est bien licite dans ce cas.

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Le Hollandais Volant écrit :

@Sodalite56 : l’un n’empêche pas l’autre : le rapport des puissances acoustiques sous-entendus quand on parle d’un son de X dB, c’est celui avec la puissance d’un son tout juste imperceptible pour l’oreille humaine.
À partir de là, on calcule le log du rapport de notre son à mesurer et de ce son de référence et on a notre valeur en dB, tout en l’obtenant via le calcul rigoureux.


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