Rendu artistique de Mars avec un océan.
En science ou en science-fiction aujourd’hui, il est parfois question de terraformer une planète. C’est-à-dire transformer une planète tierce en planète similaire à la Terre, sous-entendu habitable.
L’exemple le plus courant et le plus susceptible de subir une terraformation par l’être humain, c’est Mars.

La planète rouge telle qu’elle est aujourd’hui est un monde inhospitalier : au plus chaud, il y fait plus froid qu’en Antarctique, il n’y a pas d’eau ni de dioxygène à respirer, l’atmosphère y est trop fine pour filtrer les UV et les vents solaires, et le sol y est radioactif.

Il est donc évident que si nous souhaitons y habiter un jour, cela demandera de modifier la planète. Il faudra y ajouter de l’eau et une atmosphère respirable, réchauffer l’ensemble pour que la température permette l’eau liquide, trouver une solution pour le champ magnétique, y apporter de quoi créer des habitations et tout le reste, y compris une biosphère, sans oublier le fait de s’y rendre sans mourir, tout simplement.

Aucune de ces étapes n’est à l’heure actuelle à notre portée, ni à l’échelle d’une planète, ni même à l’échelle d’une habitation pour une seule personne. La discussion dans cet article est donc un sujet de futurisme : des idées à utiliser dans un avenir plus ou moins lointain, avec les ressources technologiques et énergétiques avancées mais tout à fait possibles physiquement.

Pourquoi terraformer ?

Une fusée sur Mars.
Terraformer Mars ou tout autre planète va demander des ressources considérables. On parle de déplacer un océan entier d’une planète à une autre, de créer un champ magnétique de la taille d’une planète, ou juste d’envoyer 1 milliard de personnes de la Terre à Mars.

Avant toute chose, donc, justifions une telle entreprise.
Plusieurs « excuses » seraient envisageables pour se lancer dans la terraformation d’une autre planète, mais elles ne sont pas forcément celles auxquelles on pense.

Par exemple, il n’est pas nécessaire d’aller coloniser Mars si la Terre est menacée par un astéroïde. L’on peut facilement prévoir ce genre de choses et très à l’avance. Aujourd’hui, aucun astéroïde majeur ne nous menace, et quand bien même un tel objet nous tomberait dessus, il suffirait de le dévier de quelques secondes d’arc de sa trajectoire pour être à l’abri. Et concernant les petits astéroïdes ou corps rocheux, ils ne sont pas bien dangereux et ne risquent pas de menacer l’espèce humaine.
Alternativement, créer une mégastructure artificielle pilotable serait plus avantageux que d’aller sur une autre planète. Une planète, n’importe laquelle, peut recevoir des astéroïdes, alors qu’une mégastructure pilotable peut les éviter.

Ensuite, si nous avions la capacité pour aller terraformer Mars, car nous aurions détruit la Terre, nous aurions aussi la technologie de réparer la Terre. L’argument qui dit que nous avons besoin de Mars pour nous sauver de nous-mêmes sur Terre n’est donc pas du tout logique.

Enfin, contrairement à quelques scénarios de science-fiction, aucune civilisation extra-terrestre ne viendrait spécifiquement sur Terre pour voler l’eau ou un autre minéral. Rien sur Terre (hormis la vie) n’est si exceptionnel que quiconque se dise qu’il faille coloniser la Terre. Ce genre de scénario reste donc fictif.

À l’inverse, terraformer et coloniser Mars serait une logique si notre but est de s’étendre en tant que civilisation multiplanétaire. Nous l’avons toujours fait sur Terre en cherchant à coloniser les continents au-delà des frontières maritimes ou montagneuses, et il serait logique de poursuivre avec la nouvelle frontière qu’est l’espace. Une seconde « excuse » serait d’aller y chercher des ressources, même si aller miner la Lune ou les astéroïdes serait plus facile.

Quoi qu’il en soit, transformer Mars en « Terre-2 » demandera d’agir sur un paquet de paramètres, dont cet article en présente une liste et quelques idées pour y arriver.

L’eau

Vue d’article de Mars terraformé.
La Terre est nommée « planète bleue » en raison de son eau. Incidemment, l’eau liquide est une base à la vie terrestre, y compris à nous. Si nous allons sur Mars, il nous en faudra. Idéalement, on peut imaginer faire un océan entier sur Mars.

Ça tombe bien, car il y a de l’eau sur Mars : on estime à environ 5×10¹⁵ m³ d’eau sur Mars, à la surface ou proche de celle-ci. Cette quantité d’eau est suffisante pour recouvrir toute la planète avec une couche de 35 mètres d’eau, même si aujourd’hui elle y est présente sous forme de glace dans les roches.

Cela représente beaucoup d’eau, mais la Terre, elle, est couverte de 1 260×10¹⁵ m³ d’eau, soit 252 fois plus. La surface terrestre étant environ 3,5 fois plus vaste que la surface martienne, comparativement, la Terre a donc 72 fois plus d’eau que Mars.
Sur Terre, la majorité de l’eau y est liquide. Elle est également salée et imbuvable. Cela n’empêche pas de conférer à la planète bleue un système climatique où l’eau joue un rôle très important pour irriguer les continents, éroder les montagnes, mais aussi transporter la chaleur et tempérer les différentes régions du monde grâce aux courants marins.

L’eau martienne déjà sur place devrait suffire à nos besoins, y compris pour un petit océan pas trop profond, mais si on souhaite en avoir plus, pour ajuster le climat par exemple, il faut en chercher ailleurs. Il faudra également qu’elle soit maintenue liquide : un réchauffement conséquent du climat martien sera nécessaire, mais cela n’est pas un problème comme on va le voir.

L’eau est composée d’hydrogène et d’oxygène. On peut tout à fait récupérer ces éléments ailleurs dans le système solaire : Jupiter est un énorme réservoir d’hydrogène, et les oxydes de fer ou de silicium du sol martien, tout comme le CO2 de son atmosphère ou de celle de Vénus en contiennent également plus que nécessaire.

On peut aussi miner de l’eau sur certaines lunes de Jupiter ou de Saturne, qui en contiennent plus que la Terre. Plus simple sûrement, la ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune contient des milliards de corps essentiellement composés d’eau (les objets transneptuniens, ou TNO en anglais), et donc l’évaporation produit la queue des comètes lorsqu’elles passent à proximité du Soleil.

Il y a cependant un problème : si l’on arrivait à envoyer quelques-unes de ces comètes sur Mars pour remplir un océan, on ne ferait pas seulement y apporter de l’eau, mais également de l’énergie !
En effet, quand un astre heurte une planète, son énergie cinétique est communiquée à la planète, puis dissipée sous forme de chaleur.

Ainsi, un kilogramme d’eau — soit 1 L — qui arriverait sur Mars avec une vitesse de 5 km/s (correspondant seulement à la vitesse de libération de Mars), apporterait 12,5 mégajoules d’énergie. Suffisamment pour faire bouillir ce litre d’eau cinq fois d’affilée !
Une autre façon de décrire ça et de comparer cette énergie thermique avec l’éclairement solaire reçue sur Terre. Si l’on veut recouvrir Mars d’un centimètre d’eau, il faut faire pleuvoir 1 L par m². On apporterait alors 12,5 MJ par mètre carré, ce qui correspond à la même énergie que chaque mètre carré sur Terre reçoit en 3 heures de la part du Soleil ! C’est donc très loin d’être négligeable comme quantité d’énergie.

Est-ce un problème pour autant ? Je ne pense pas : la planète rouge est actuellement trop froide pour nous et pour à peu près toute forme de vie. Donc ajouter un peu de chaleur ne pourra que nous être utile.

Bien, on a réglé le problème de l’eau. Qu’en est-il de l’oxygène ?

L’oxygène et une atmosphère

La pression atmosphérique sur Mars est très faible : 0,6 kPa (kilopascal), soit 1/170ᵉ de la pression atmosphérique terrestre qui est de 101 kPa. Cette atmosphère est essentiellement composée de dioxyde et monoxyde de carbone et d’oxydes d’azote. Le monoxyde de carbone en particulier est un poison, mais on peut la transformer facilement en CO2, moins toxique. Cela ne la rend pas pour autant respirable. Pour ça il nous faut au moins de l’oxygène, et en quantités suffisantes pour être physiquement respirable.

La première étape, partant d’une atmosphère de 0,6 kPa, c’est de multiplier la pression par 10,5 pour monter à 6,3 kPa. Cette pression-là correspond à la limite d’Armstrong : la limite minimale au-dessus de laquelle une combinaison pressurisée n’est plus nécessaire.
La limite d’Armstrong est liée à l’ébullition de l’eau. En dessous de 0,6 kPa, la pression est si faible que l’eau bout dès 37 °C, qui est la température de notre corps. Les muqueuses pulmonaires, la surface des yeux ou encore la salive dans la bouche se mettraient à bouillir si nous sortions sous une telle pression sans combinaison pressurisée (l’eau dans les cellules ne bouillirait pas, par contre, et notre corps n’exploserait pas non plus, comme la fiction pourrait nous l’avoir enseigné par erreur).

Avec une atmosphère plus dense que la limite d’Armstrong, on n’a pas ce problème, mais il faudra toujours assez d’oxygène, ce qu’un simple masque à oxygène suffira à combler.

Le plus pratique reste tout de même d’avoir une atmosphère directement respirable sans équipement, et pour ça, il faut apporter de l’oxygène sur Mars. Heureusement, cet élément n’est pas rare dans notre système solaire.
J’ai bien dit « élément », car le gaz, le dioxygène n’est présent que sur Terre. L’oxygène est en effet trop réactif pour subsister en l’état : il réagit avec les autres gaz, les roches et les métaux. Sur Terre, l’oxygène atmosphérique provient des végétaux qui le rejettent, à notre grand bonheur.

Nous pouvons faire la même chose avec des machines : récupérer du CO2 pour produire du dioxygène. Sur Terre, le CO2 qui nous pose problème actuellement est produit par la combustion d’hydrocarbures, et on pourrait envoyer tout ça sur Mars (où il faudra le recycler en dioxygène) et ainsi sauver la Terre en même temps.
Vénus également dispose de beaucoup de CO2 : l’essentiel de son atmosphère, qui est 90 fois plus dense que la nôtre, en est composée. Et il ne suffira que 0,5 % de l’atmosphère de Vénus pour produire une atmosphère tout à fait respirable sur Mars.

Mais d’ailleurs, pourquoi l’atmosphère sur Mars est-elle si fine ?

Mars a perdu son atmosphère autrefois plus dense : tout est parti dans l’espace. C’est un phénomène naturel, qui a lieu également sur Terre, mais cette dernière limite naturellement cet échappement atmosphérique. Voyons comment.

L’échappement atmosphérique

L’atmosphère terrestre.
Si les planètes accrètent constamment de la matière cosmique (10 000 tonnes de roches et poussières par an, pour la Terre), elles perdent également de la matière, essentiellement des gaz de leur atmosphère.

Ceci provient du champ de pesanteur, qui n’est pas toujours assez puissant pour retenir certains gaz.

Pour chaque planète, il existe une vitesse minimale qui permet à un corps de ne jamais retomber sur la planète. Ce corps est alors libéré de l’attraction gravitationnelle de cette planète : on appelle cette vitesse minimale la vitesse de libération. Sur Terre, elle vaut 11,2 km/s (40 000 km/h), et sur Mars elle est de 5 km/s (18 000 km/h).

La vitesse de libération est applicable aux molécules de l’atmosphère également. Donc si une molécule individuelle acquiert cette vitesse — ce qui arrive souvent — elle peut s’échapper de l’atmosphère et dans l’espace et ne jamais revenir. Bien-sûr, c’est à condition que cette molécule ne soit pas ralentie lors de chocs avec d’autres molécules.

La masse des molécules est un paramètre déterminant pour savoir si elle risque de s’échapper naturellement. En effet, plus elle est légère, plus une molécule atteindra la vitesse de libération facilement. Ainsi, typiquement, l’hydrogène et l’hélium s’échappent facilement de la Terre, tandis que le CO2 et l’oxygène (O2), beaucoup moins. Pour les gaz les plus denses comme le xénon ou l’argon, ce phénomène est pratiquement inexistant.

D’autres facteurs interviennent également, comme l’accélération de pesanteur de la planète : plus la planète est massive, plus sa vitesse de libération est élevée et plus elle retient les molécules, y compris les plus légères. Jupiter ou Saturne, très massives, n’ont elle pas de mal à retenir même l’hydrogène, alors que sur Mercure quasiment tous les gaz se sont échappés avec le temps.

Les molécules reçoivent l’énergie cinétique nécessaire à leur échappement de plusieurs sources :

  • de la distribution des vitesses des molécules en phase gazeuse (distribution de Maxwell). Certaines molécules sont plus rapides que d’autres et peuvent dépasser aléatoirement la vitesse de libération et s’échapper. On parle ici de l’échappement de Jeans.
  • du rayonnement solaire incident : les particules et les rayons UV reçus du Soleil communiquent et échauffent très fortement la haute atmosphère. La thermosphère terrestre (95 à 500 km d’altitude) est ainsi entre 300 et 1 600 °C (malgré un froid sidéral à cause du faible nombre de molécules). L’énergie cinétique des molécules est suffisante pour dépasser la vitesse de libération. On parle ici d’échappement hydrodynamique.
  • de certaines réactions chimiques induites par le rayonnement solaire captent des atomes ou des ions et d’autres en éjectent, en particulier quand ce sont des protons solaires qui réagissent avec l’atmosphère. Ces éjections d’atomes ou d’ions peuvent provoquer l’échappement de ces gaz. On parle d’échappement chimique ou ionique. Sur Terre, les ions, chargés, sont maintenus dans l’atmosphère grâce au bouclier magnétique, ce qui n’est pas le cas sur Mars, qui n’a pas de bouclier, et où beaucoup plus de particules s’échappent de cette manière.
  • de façon anecdotique, une large quantité de gaz et de matière solide peut aussi s’échapper à la suite d’un impact d’astéroïde. Cela s’est beaucoup produit au début du système solaire, mais bien moins aujourd’hui.

L’hydrogène et l’hélium sur Terre s’échappent majoritairement par effet Jeans, à raison de plusieurs tonnes de chacun de ces deux gaz chaque jour.

Sur Mars, qui est moins massif, d’autres gaz comme l’oxygène et l’azote s’en échappent également. De plus, l’absence de bouclier magnétique fait que c’est essentiellement l’échappement chimique et ionique qui en est responsable. On parle ici de dizaines de tonnes qui sont soufflés par les vents solaires de Mars, chaque jour.
On pense que c’est cela qui a contribué à assécher la planète rouge : les UV ayant détruit les molécules d’eau en molécules plus légères (O2 et H2) qui se sont ensuite échappées. On estime de même que dans un milliard d’années environ, le Soleil aura gagné assez en luminosité pour que la Terre subisse le même sort, et que les océans finissent essentiellement évaporés dans l’espace.

Alors bien sûr, quelques tonnes ou dizaines de tonnes par jour n’est pas insurmontable pour une civilisation capable de terraformer une planète, mais ce serait bête de laisser cela se produire. En effet, on l’a dit : l’essentiel de ces pertes atmosphériques est dû aux vents solaires. Or, ces derniers peuvent être bloqués assez simplement par la mise en place d’un bouclier magnétique protégeant la planète. Et c’est de cela que l’on va parler maintenant.

Recréer un bouclier magnétique martien

Des aurores polaires.
Un des problèmes sur Mars est l’absence de bouclier magnétique. Cette absence est responsable de bien grands maux, dont celui d’exposer la planète rouge aux vents solaires qui balaient son atmosphère.

Ce n’est pas tout : sans bouclier magnétique, le sol aussi est exposé. Pour rappel, ces vents et rayonnements sont essentiellement composés de protons et de particules très énergétiques qui sont fortement ionisantes. Y être exposé n’est pas déjà pas idéal (c’est cancérigène sur un être vivant), mais il y a pire.

Sur Terre, ces rayonnements produisent du carbone 14 à partir de l’azote de l’air. Cette création de carbone 14, un isotope du carbone 12 normal, permet la datation au carbone 14, mais cela reste un produit naturellement radioactif. Sur Mars, où rien ne protège le sol, la création d’isotopes radioactifs est si forte que le sol y est une dizaine de fois plus radioactif que la région autour de Tchernobyl.

Le niveau d’absorption de radiation naturels par un terrien est de l’ordre de 5 mSv/an. C’est le niveau de radiation naturelle sur Terre et les organismes s’y sont adaptés : l’organisme corrige les cellules endommagées. Sauf que notre organisme s’est adapté au niveau de radiation sur Terre : si l’on est subitement exposé à une dose bien plus élevée, ces mécanismes ne suffiront pas.

Or sur Mars, les 5 mSv/an de la Terre deviennent entre 200 et 500 mSv/an ! Le sol martien est donc inhabitable en l’état. Heureusement, cela ne concerne que la surface, que l’on peut nettoyer ou recouvrir totalement d’un sol non radioactif protecteur.

Maintenant, si on s’arrête là, le sol continuera d’être irradié. Il faut créer non seulement l’atmosphère discutée plus haut, mais également produire un bouclier magnétique pour défléchir les vents solaires (et protéger l’atmosphère).

Sur Terre, un tel bouclier est produit par effet dynamo dans le noyau métallique liquide de la planète, qui voit apparaître des mouvements convectifs, des courants électriques et par suite des champs magnétiques qui englobent toute la planète. Ceci est possible, car le centre de la Terre est à 6 000 °C et liquide.

Cette chaleur interne date de l’époque de la formation de la Terre. Mars, plus petit, a déjà totalement refroidie et son champ magnétique s’est arrêté.

Est-ce qu’il serait envisageable de chauffer la planète rouge et réactiver l’effet dynamo ? Peut-être, mais ce n’est probablement pas une bonne solution. L’effet dynamo est terriblement inefficient pour produire un champ magnétique. C’est la raison pour laquelle nous n’utilisons pas de boules d’acier en fusion pour produire des champs magnétiques partout où l’on en a besoin. À la place, on utilise plutôt des électroaimants, bien plus efficients !

Une solution du coup, même avec la technologie actuelle, serait de placer un énorme solénoïde, une bobine de cuivre, autour de l’équateur de Mars pour créer un électroaimant. Une civilisation plus avancée que nous pourrait utiliser des fils en nanotubes de carbone ou en graphène, qui serait d’ailleurs avantageux à cause des énormes pertes thermiques que le courant électrique de plusieurs milliards d’ampères sera amené à produire.

On peut aussi créer un tore de plasma autour de planète et y faire circuler un courant électrique, le plasma étant conducteur. C’est exactement ce qui se passe entre Io et Jupiter : le champ magnétique jovial arrache des tonnes d’ions de l’atmosphère d’Io et y fait circuler un courant dont la puissance totale dépasse très largement la production électrique humaine totale sur Terre.

Une autre idée enfin est de placer un électroaimant devant la planète, pas forcément autour. Les vents solaires ne provenant que du Soleil, c’est essentiellement dans une seule direction de l’espace qu’il faut placer un bouclier. Dans ce cas, la meilleure solution est de placer cet aimant au point de Lagrange 1, la position entre le Soleil et Mars où les attractions gravitationnelles s’équilibrent et où un objet peut rester indéfiniment.

Dans les différents cas, les sources indiquent qu’un tel dispositif demanderait une puissance de l’ordre de 1 GW. Ça peut sembler énorme, mais c’est tout juste la puissance d’un seul réacteur nucléaire actuel. Si nous arrivons à maîtriser la technologie de fusion nucléaire d’ici là, cela sera même encore plus simple de créer ce bouclier : 1 GW est loin d’être quelque chose d’inatteignable. Le plus difficile sera probablement de refroidir le dispositif, même dans le froid de l’espace.

Quoi qu’il en soit, un tel bouclier en place c’est joli, mais à quoi tout ce travail est-il destiné, sinon à protéger tout un peuple qui n’est pas encore arrivé sur Mars ? Il faut donc transporter des terriens sur Mars !

Les personnes et matériels

Un humain sur Mars.
Pour envoyer des gens sur Mars, il faut non seulement la technologie et la volonté de le faire, mais aussi… des gens à y envoyer, et donc des volontaires. En plus de ça, ces volontaires doivent être en *très* bonne forme physique.

Concernant ce dernier point, j’insiste : pas tout le monde ne peut survivre le trajet, ni même le départ. Aujourd’hui, les fusées qui décollent doivent accélérer de façon à acquérir la vitesse de libération, soit 11 km/s (40 000 km/h) qui leur permet d’échapper à la gravité terrestre. Elle doit également faire ça assez vite, sans quoi elle finirait par vider tout son carburant avant de l’atteindre. Il faut donc une accélération très importante, de 5 à 10 g.

Si vous êtes déjà allés dans un parc d’attraction, style Disneyland, ou montés dans une voiture de sport qui fait un 0-100 km/h en 3 ou 4 secondes, mais la quantité de « g » que l’on y subit n’est que de l’ordre de 1 à 2, peut-être 3 pour une accélération centrifuge [LIEN] lors d’un virage. Ces conditions de 1 à 3 g font déjà crier même les plus sportifs, et pourtant ces pics d’accélération durent quelques secondes seulement. Imaginez alors subir ça en continu durant 10 minutes et en 5 fois plus intense. Il faut un entraînement très intensif de plusieurs mois pour supporter ça et être en très bonne santé physique… et morale.

En effet, le voyage jusqu’à Mars, actuellement, dure environ 9 mois, soit autant de temps qu’il faudra rester enfermer dans un vaisseau avec les mêmes personnes et les mêmes loisirs s’il y en a, et bien-sûr les mêmes risques :liées à la navette elle-même, la santé des passagers, la gestion des ressources, la protection du rayonnement… et ce n’est pas une attestation de sortie auto-signée qui vous permettra d’échapper à tout ça : une fois qu’on est dedans, on y reste pour 9 mois.

Ensuite, une fois sur Mars, la gravité est de seulement 40 % de celle sur Terre. On peut donc sauter beaucoup plus haut et soulever des charges plus massives, mais ça signifie aussi que si l’on ne s’entraîne pas intensément, on risque de perdre de la masse osseuse et musculaire. Bien que cela ne devrait pas changer quoi que ce soit pour la vie quotidienne sur Mars, cela va poser un gros problème si l’on revenait un jour sur Terre, avec une gravité plus que doublée. Ça demandera des mois voire des années d’entraînement et de rééducation.

D’un point de vue purement logistique, il y a également à discuter. Déjà, quand on dit que la Terre se trouve à 150 millions et Mars à 227 millions de kilomètres du Soleil, c’est en moyenne, mais surtout ça ne veut pas dire que la distance Terre-Mars soit de 227−150 = 77 millions de kilomètres ! Ça, c’est seulement dans le meilleur des cas, quand les deux planètes se trouvent du même côté.
Dans la réalité, la distance Terre-Mars varie de 54 à 401 millions de kilomètres, selon que leur position sur les orbites soit opposée, ou non, et s’ils sont la partie de l’orbite la plus proche ou non (les orbites étant elliptiques et excentrées, pas circulaires centrées).

De façon générale, Mars est au plus proche de la Terre (55-100 millions de kilomètres) tous les 26 mois environ. Là, ça nous laisse quelques semaines pour lancer une fusée de façon à ce qu’elle arrive rapidement jusqu’à Mars. On peut évidemment lancer une fusée à tout moment, mais le voyage prendra alors beaucoup plus de temps. Or on cherche avant tout à réduire cette durée dans le but de réduire l’exposition aux rayons cosmiques lors du trajet, ainsi que réduire la quantité de consommables (nourriture, eau…) à apporter pour le voyage.

L’idée pourrait donc être de passer deux ans à construire des missions vers Mars, puis de les envoyer durant une fenêtre de tir de quelques semaines. Même chose dans l’autre sens : de Mars à la Terre.
Entre temps, cependant, il faudra que les gens y vivent en autarcie et en autonomie. Si cela peut se faire sur Terre de façon isolée, en faisant pousser des légumes et des fruits, sur Mars, où le sol est différent, cela pose problème aussi.

De la composition des sols martiens

Le sol martien ne contient pas de « terre », car la « terre » sur Terre contient une grande quantité de matière organique, des petits animaux, des bactéries. Sur Mars, rien de tout ça. Le sol y est entièrement minéral. Aussi, on parle alors de régolithe, et cette matière n’est pas cultivable directement

Qui plus est, la composition du régolithe martien n’est pas celle de la Terre. Sur Mars, le sol est riche en fer et d’autres éléments qui peuvent être toxiques, en l’occurrence des perchlorates. Les perchlorates sont produits le rayonnement cosmique (incluant le rayonnement solaire énergétique) incident par le mécanisme photo-chimique.

En supposant que l’on puisse faire pousser des plantes sur le sol de Mars, elles contiendraient également naturellement les composés du sol martien. Manger ces légumes ne seraient alors pas possible.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées : soit apporter de la terre de la Terre, soit élever des microorganismes pour consommer les composés nocifs du sol martien (les perchlorates par exemple), soit purifier le sol de façon physico-chimique avec des robots et des machines, par exemple.

Mais en l’état, le sol martien n’est pas cultivable : les cultures seraient toxiques pour nous (contrairement à ce que l’on peut voir au cinéma par exemple).

Conclusion

En soi, terraformer Mars n’est pas quelque chose de bien compliqué : la technologie à employer, y compris pour produire un champ magnétique tellurique par exemple, reste assez basique. La principale difficulté est l’échelle à laquelle cette technologie s’applique. Envoyer un litre d’eau et un électroaimant sur Mars, c’est facile. Envoyer des millions de kilomètres cube d’eau ainsi qu’un électroaimant qui fait le tour de la planète… c’est une autre histoire.

Une telle entreprise ne pourra donc jamais se faire en une génération, comme le furent par exemple les grandes pyramides d’Égypte, qui étaient des monuments générationnels, construits durant la vie d’un Pharaon pour l’accueillir à sa mort. En science, quand un projet voit le jour, il est généralement fait en sorte que ceux qui travaillent dessus y restent jusqu’à l’aboutissement, au moins d’un des résultats prévus. C’est essentiel, sinon personne ne voudrait travailler dessus en sachant qu’il n’en verrait jamais la fin. Ça serait comme travailler pour rien.

Transformer Mars est un projet d’un autre genre : celui où l’on est absolument sûr que qui que ce soit qui travaille dessus ne pourra en voir le début et la fin. Le projet est beaucoup trop long. Il est même possible que l’évolution de la planète soit tellement lente que toute étude des modifications qu’on y apportent soient invisibles à l’échelle d’une vie. Il faudra des observations sur plusieurs générations pour suivre la terraformation de la planète rouge…

C’est donc un projet d’une civilisation, d’une ère entière dédiée à ça, sur des milliers voire des millions d’années. C’est au delà de tout ce que notre espèce a pu faire jusqu’à maintenant. Cela demandera une lignée ininterrompue de personnalités visionnaires pour le mener à bien. Et si à un moment donné il manque une telle personne, l’ensemble pourrait être arrêté et tout le travail rendu inutile.

De tout ça, on se rend donc parfaitement compte que la technologie n’est qu’un des problèmes, et très probablement le moindres d’entre eux.

Ressources

Sources et liens :

Crédit images :

10 commentaires

gravatar
Origin écrit :

Cet article est passionnant !
Cela semble si proche, et à la fois si loin.

gravatar
Claire écrit :

J'ai toujours trouvé l'idée d'aller habiter sur Mars farfelue ! Mais j'ai adoré lire cet article qui démontre pourquoi c'est à la fois faisable et farfelue! Merci beaucoup pour cette belle découverte !

gravatar
Matronix écrit :

Passionnant ton article, merci !

Je n’ai jamais compris la vitesse de 11km/s pour quitter la Terre : imaginons un objet qui avance à 1m/s tout le temps, en direction de l’espace. Pourquoi ne pourrait-il pas sortir si la vitesse est stable ?

gravatar
Le Hollandais Volant écrit :

@Matronix : ah, il s’agit d’une vitesse donnée par une impulsion initiale.

Les fusées s’éteignent au bout d’un moment, mais cela doit arriver après avoir dépassé la vitesse de libération, sinon la fusée retombe. Si elle a dépassé la vitesse de libération et que sa trajectoire ne vise pas en direction de la Terre, alors elle s’en éloignera, moteurs éteints.

C’est comme en vélo ou en voiture quand tu veux franchir une colline. Soit tu avances tranquillement et tu y arrives, soit tu prends de l’élan et tu le laisses porter par l’élan. Si tu en as assez, tu franchiras la colline. Sinon, ben tu finis par t’arrêter puis retourner en arrière… Dans le cas de la vitesse de libération (les 11 km/s), c’est d’un élan de départ dont on parle. Et pour une fusée, c’est ce qu’on fait : on brûle tout le carburant pour se donner cet élan, car on ne peut pas apporter assez de carburant pour y aller tranquillement à 1 m/s en continue (car le carburant est lourd, et il faudrait du carburant pour accélérer le carburant avec la fusée, et donc encore plus de carburant…).

~

J’imagine que tu as compris avec l’explication, mais voici un autre exemple : si tu tires une balle de fusil en l’air, toute sa vitesse est donnée par le coup de feu initial. La balle n’a pas de système de propulsion intégré. En imaginant une absence d’air, si la balle part à 1 000 km/h, soit 277 m/s, alors elle ne sera soumis qu’à la force de gravité (sa vitesse est là, mais ce n’est pas une force).

Cette gravité étant, sur Terre, de 9,8 m/s², ça signifie que sa vitesse diminue chaque seconde qui passe de 9,8 m/s. Après 1 seconde de vol, sa vitesse sera de 266,2 m/s, après 2 secondes de 256,4, etc. jusqu’à atteindre 0, après quoi la balle finit par retomber, chose qui arrivera après 277/9,8 = 29 secondes.
La vitesse moyenne durant la montée est 277/2, et en volant 30 secondes, l’altitude atteint sera 4 155 mètres environ.

Maintenant, tu considères une fusée lancée non pas à 277 m/s, mais à 15 000 m/s. En 30 secondes, on se retrouve déjà à 450 km, et on a toujours une vitesse importante d’environ 14 733 m/s). À ce rythme, il lui faudrait 25 minutes pour atteindre 0 km/h et retomber.

Or, et c’est très important, l’accélération de la pesanteur diminue avec l’altitude, et la force d’attraction également. Je n’ai pas le calcul en tête, mais imaginons que désormais, chaque seconde ne retire plus 9,8 m/s à la vitesse mais seulement 7,0 m/s. La diminution de la vitesse n’est plus aussi forte. Ce ne sont donc pas 25 minutes qu’il lui faudrait, mais 35 minutes.

Après 15 minutes (les chiffres suivants sont donnés au pif), sa vitesse a diminuée à 8 000 m/s mais son altitude a montée de nouveau : l’accélération de la pesanteur n’est plus que de 2 m/s. À ce rythme, 8 000/2 = 4000 secondes = 66 minutes !

Autrement dit, l’accélération de la pesanteur diminue tellement vite qu’à tout moment son temps de vol restant reste positif (voire, comme ici, augmente). Sa vitesse est telle qu’elle s’éloigne plus vite de la Terre que la Terre ne peut la ralentir.
En faisant le calcul sur un temps infini, on se rend compte qu’il s’éloignera vers l’infini : la Terre ne pourra jamais la rattraper. La fusée est libérée.

Si la fusée allait moins vite que la vitesse de libération, le temps de vol restant n’augmenterait pas, mais diminuerait, à chaque instant. La Terre finirait par ralentir la fusée avant que cette dernière atteigne une distance infinie, et la fusée retomberait.

La limite, c’est la vitesse de libération : 11 km/s pour la Terre (soit 39 000 km/h).

~

Bien-sûr, dans les vrais calculs, il faut prendre en compte beaucoup de paramètres : résistance de l’air sur les 100 premiers km, poids de la fusée qui diminue (par diminution du combustible), vitesse de la Terre elle-même sur son orbite… et tout un tas d’autres trucs selon où l’on souhaite envoyer la fusée.

Envoyer une fusée vers une autre planète, c’est comme envoyer un ballon depuis une voiture en mouvement vers une autre voiture avec un mouvement différent. Et non seulement on n’envoie pas le ballon sur l’autre voiture mais là où sera l’autre voiture quand le ballon y sera aussi, mais on doit aussi tenir compte de la vitesse relative de tout ce beau monde !

Et quand on envoie une fusée disons, vers Saturne, on l’envoie par exemple vers Vénus (ou plutôt : vers là où sera Vénus après le temps qu’il lui faudra pour l’atteindre) pour profiter de son assistance gravitationnelle, qui va la renvoyer vers la Terre (ou plutôt vers là où sera la Terre après son temps de vol), qui va la renvoyer vers Jupiter (ou plutôt… etc.), puis vers Saturne.

La Sonde Cassini a fait exactement ça : https://solarsystem.nasa.gov/resources/11776/cassini-trajectory/
Elle a profité de 4 assistances gravitationnelles successives (Vénus, Vénus, Terre puis Jupiter), tout ce beau monde étant en mouvement et le tout avec des mois ou des années d’écart entre chaque manœuvre.

La mécanique céleste reste une physique simple, mais ça reste absolument magnifique d’arriver à faire cela en pratique.

~

Au passage, l’attraction de la pesanteur (les 9,8 m/s² pour la Terre) diminue avec la distance, mais augmente avec la masse de la planète.
Celle de Mars est plus petite, mais celle de Jupiter est bien plus forte. Celle du Soleil encore plus (517 m/s² de mémoire).

Si l’astre est incroyablement massif et relativement faible (pour pas que l’éloignement finisse par réduire l’accélération de la pesanteur plus que la masse ne l’augmente), on peut même avoir une vitesse de libération plus élevée que la vitesse de la lumière. Et ça, c’est ce qu’on appelle très exactement un trou noir. C’est sa définition.

Depuis un tel astre, on pourrait avoir une fusée aussi puissance que l’on veut, vu que la vitesse de la lumière est impossible à franchir, il sera aussi impossible pour la fusée de s’échapper du trou noir…

gravatar
galex-713 écrit :

quoi ? c’est si « facile » de créer un bouclier magnétique ??

on pourrait pas genre commencer à se bouger pour en poser un dès que possible entre le soleil et mars ? pour que d’ici là on puisse commencer à en étudier les effets ? rendre le truc plus habitable, etc. ?

voire, pourquoi pas en créer un second pour la terre ? yaurait-il moyen de protéger la lune comme ça ? est-ce que d’ailleurs, terraformer la lune est pas plus facile ? et c’est quoi l’énergie nécessaire pour pas que les océans soient vaporisés dans 1Gan ?

quand tu parles d’aspect transgénérationnel, je trouve ça très intéressant, parce que, y compris avec le réchauffement climatique sur terre (jusque dans une certaine mesure… genre la génération précédente, les vieux riches qui sont morts pendant la pandémie, mntn c’est bon ça nous concerne tou·te·s), la problématique est similaire… l’humanité n’a-t-elle donc jamais rien fait de transgénérationnel *intentionnellement* ? genre à part le chauffement climatique, la pollution plastique, la construction des villes, la déforestation, la désertification…

tiens, les systèmes de routes, c’est pas transgénérationnel ça ? ou les œuvres collectives (épopées, contes, etc.) est-ce que, en tant que science humaine, ça aurait sa place ici, aux côtés des sciences naturelles ?

parce que, à la croisée de ces deux problématiques, j’ai l’impression de voir un problème très fréquent, même et surtout à petite échelle, en informatique : la difficulté des architectes/devs d’avoir des idées qui s’implémentent de façon itératives à partir d’une implémentation initiale minimale, alors que tout le monde sait que c’est le plus efficace et ce qui a le plus de chances de marcher : de faire en sorte qu’on aie pas à attendre la fin pour en profiter, mais qu’à chaque étape yait un incentive, une récompense, un gain…

genre typiquement, pour l’eau et le CO2 : juste y amener bcp de pétrole et de gas (par rail magnétique j’imagine, parce que bon comme avec les déchets nucléaires, si on fait ça dans des fusées qui explose ya toujours le risque pas très serein de niquer toute la surface de la planète) pour faire des trucs utiles ou industriels semble déjà alléchant, mais pour l’eau… faire ça stratégiquement de sorte commencer par remplir des petits lacs, en des endroits où ils s’évaporeraient et mèneraient à de la pluie potable et des rivières montagnardes… à partir de la plus petite échelle possible… *à partir de combien* de petitesse on peut espérer faire quelque chose d’effectif ? c’est quoi la masse minimale pour faire pleuvoir et que la pluie crée un filet d’eau qui retourne au point de départ ?

si je ne me trompe pas, en ajoutant ça à la grande utilité technologique d’hydrolyser l’eau et de cramer de l’oxygène (pour stocker de l’énergie de façon plus renouvelable que les hydrocarbures mais moins dense et dangereuse que le nucléaire)… on devrait rapidement arriver à de petits écosystèmes vivables pour de nouvelles espèces sur des parties réduites de la planète non ? on compenserait l’apport initialement insuffisant de gas (CO2, O2, eau) en confinant ça dans des serres (du coup, ironiquement, on devrait faire en sorte de garder la pollution des moteur dans nos enceintes de vie malgré la différence de pression, tout en misant sur les « pertes par erreurs » sur le très long terme pour que — puisqu’on aura installé le bouclier magnétique en avance — la pression augmente petit à petit jusqu’à un moment où de petits microorganismes qui se seront avec le temps adaptés aux erreurs de confinement et fuites de radiation sortent dehors et commencent à coloniser un endroit avec des fuites d’eau non loin d’un espace chauffé et mal confiné (diable que j’aime quand les erreurs et imperfections sont productives)

ce qui, en réfléchissant à la manière pratique dont ça pourrait se passer, m’amène à une technique évidente dont tu n’as absolument pas parlé et qui pourtant me semble très actuelle : la résistance naturelle au cancer et aux radiations.

en effet il me semble qu’il existe d’or et déjà certaines espèces plus résistantes au cancer…

genre les scorpions j’ai entendu dire, mais j’ai jamais encore bien compris si leur mécanisme cellulaire et génétique est vraiment plus résistant (pourtant on est loin de l’exemple d’après), si c’est leur carapace (pourtant ils respirent par convection/diffusion donc la radioactivité de l’air devrait rentrer…), si c’est parce qu’ils peuvent se cacher sous terre ou dans des rochers (pourtant l’air doit toujours rentrer non ?), ou si c’est un mythe…

ou par exemple, étant donné que le risque est proportionnel à la quantité d’ADN et donc au nombre de cellules (toutes d’environ, à quelques ordres de grandeurs près, la même « petite » taille, plus intéressante pour l’interface/échange et l’équilibre… osmotique ? jsp, les trucs de l’intérieurs avec l’extérieur quoi… c’est quoi le mot ?), et que pourtant les animaux plus gros n’ont pas plus de cancers… il me semble qu’on avait isolé chez, typiquement, les éléphant, des gènes communs à nous, mais en plus grande quantité, qui multipliaient les mécanismes de correction, ou en tout cas diminuaient les chances de tels cancers, et qu’on pensait d’or et déjà, par thérapie génique, à modifier ça chez l’humain pour avoir moins de cancers.

je sais plus si c’est en terme de résistance aux radiations, mais après ça se ferait, par exemple, au prix d’une réduction de nombre de mutations (et donc d’une perte en biodiversité à long terme), et d’une durée de vie accrue (qui, est, il me semble — et darwin, je crois, l’envisageait déjà — également un désavantage sélectif dans l’évolution, peut-être également par perte de biodiversité)… mais si l’humanité arrive à évoluer jusque dans des environnements tellement hostiles et radioactifs, on pourrait penser que notre capacité à nous automodifier technologiquement et/ou l’augmentation accrue de la radioactivité dans notre environnement pourrait compenser ça

à partir de là, en quoi si on arrive à installer des réacteurs nucléaires spatiaux autonomes, envoyer tout ce qui est nécessaire à manger et cultiver sur mars, assez d’eau, et assez d’hydrocarbures (et donc en quantités industrielles *et* de façon sûre car on en a déjà trop brûlé sur terre), on aurait pas, d’ici là, modifié notre génome pour résister à plus de radiations ?

et d’ailleurs, même si on ne fait pas ça, si on colonise mars, bah vu que c’est plus économique de faire des bébés là-bas (si tant est que c’est possible avec cette pesanteur, même en arrivant à se protéger des radiations) que d’envoyer des gens… au bout de plusieurs générations, à force d’erreurs, de prises de risques, de fuites de confinement, et donc irrémédiablement de radiations prises dans la gueule… il devrait y avoir une « sélection naturelle » qui, avant même de buter des gens, devrait stériliser les femmes les plus sensibles (bonjour la contraception gratuite)… et donc multiplier à chaque génération les gènes des naturellement plus résistantes… ce qui, ajouté à un environnement énorme et des quantités d’énergie par personne plus élevées, devrait mener à une croissance économique et donc démographique suffisamment importante pour que, ajouté à un taux mutagène peut-être plus élevé (je me trompe ?) devrait accélérer l’évolution… peut-être pas au point de nous faire survivre au sol de mars sans bouclier magnétique et sans combi (quoi que j’ai dit qu’on devrait installer le bouclier magnétique avant et qu’on aurait toujours besoin de combi au début), mais on aurait quand même une résistance aux radiation des humains martiens largement plus élevée que celle des humains terriens…

des défenses qui, générées aléatoirement par les mutations, le brassage génétique, et la croissance démographique, devrait apporter une biodiversité de secours à un éventuel transhumanisme trop industrialisé, monogénique dont le manque de diversité pourrait le rendre plus fragile (mettons que le gène choisi soit incompatible avec un autre qui est utile pour lutter contre une épidémie, ou n’importe quoi d’autre d’inattendu du genre).

ce qui m’amène à un second point que t’as mentionné mais totalement ignoré : au départ je m’en foutais parce que c’était pas de la physique et que j’avais peur que ça pique de la place dans ce super article, mais faut quand même le dire non ? les ressources humaines sont importantes, pas qu’en poids et en entraînement physique, mais aussi en termes génétiques : si on veut coloniser mars, maintenant que, contrairement à l’époque de la dernière colonisation (l’austronésienne, ya 2000 ans) ou de la dernière recolonisation massive (l’euroaméricaine, ya quelques siècles), on connaît les lois de mendel et l’effet fondation… on devrait faire attention à ne pas surreprésenter un profil génétique dans les premiers colons à se reproduire, et donc on devrait sélectionner ça au hasard, sur toute la planète, en assez grand nombre pour 1) éviter la consanguinité 2) éviter de totalement effacer des minorités génétiquement potentiellement utiles (on peut penser à la surreprésentation des bipolaires chez les artistes, de l’autisme chez les scientifiques, etc. etc.). dans les deux cas, il me semble qu’il faut s’assurer d’avoir envoyé le profil génétique d’au moins de 1000 à 2000 personnes là-bas *avant* que celles-ci se reproduisent…

or, déjà que 2 personnes vers la lune ça a jamais été refait… alors 2000 sur mars ??? il est extrêmement probable qu’on envoie une seule meuf, qui se croira sûrement maline à se faire surnommer ève (ce qu’elle sera de toute façon du point de vue de la terminologie génétique au niveau mitochondrial) et de, génération après génération, ne procéder à des grossesses *quasiment que* (à un cas sur mille près) par GPA, jusqu’à ce qu’on obtienne un échantillon de 2000 personnes, avant qu’il soit sage de cesser et de s’en remettre exclusivement à la reproduction naturelle.

et là, on a un problème politique, parce que même avec 10 enfants par femme, il faut environ 3 générations pour arriver à 2000… hors, *convaincre* même de 100 femmes (le minimum, mais ça pourrait être plus), pendant toute leur vie, sur 3 génération, de ne donner naissance en majorité qu’à des enfants qui ne sont génétiquement (sauf au niveau mitochondrial… ce qui pourrait d’ailleurs *également* être considéré comme un problème au niveau de la biodiversité ! quoi que moins grave) pas les leurs… est-ce que c’est politiquement faisable ?

au vue de la difficulté de la chose, en plus d’éventuels désavantages inconnus d’une monoculture mitochondriale humaine, on continuerait probablement à renvoyer des femmes régulièrement pour amortir la chose… mais on va donc se retrouver avec deux classes politiques entre natifs martien·ne·s et migrantes terriennes, quelles en seront les conséquences ? on devrait au moins tenter, pendant ce temps, de développer une théorie sociologique qui tienne debout afin de savoir quelles pressions et conflits pourraient apparaître, et comment les compenser de sorte à ce que tout le monde se sente au mieux et éviter des conflits aux impacts potentiellement bcp plus délétères là-bas… quitte à amoindrir voir abolir n’importe laquelle des idées que j’ai mentionné plus tôt… car bien que la biodiversité ce soit important, il serait pas question non plus de considérer son volet génétique aux dépends de son volet politique et culturel (à quoi bon une biodiversité un peu accrue pour un fascisme à la culture pauvre, stricte, autoritaire et uniformisée ?)

et c’est là que j’en arrive au point qu’en fait les premiers échantillons génétique humains exploités là-bas seront les plus importants car les plus sûrs quant à leur impact dans l’effet fondation, et les moins soumis à des risques de déviation des règles optimales pour la biodiversité génétique… donc en fait même en luttant contre, on aura très probablement un effet fondation de toute façon, et là se pose la question… qui va-t-on avantager ?

ça peut paraître eugéniste dit comme ça, mais si on laisse faire en l’état actuel des choses, ce qui va se passer c’est que c’est musk qui va envoyer les premières martiennes, et l’intégralité de potentiels milliards de futurs humains seront totalement blancs et blonds aux yeux bleu avec, soyons bêtes, une intolérance au lactose supérieure à la moyenne européenne et inférieure à l’asiatique… et est-ce que c’est pas ça, cette conséquence indirecte et « involontaire » du capitalisme actuel, le vrai eugénisme ?

parce que déjà qu’actuellement on a des scientifiques et féministes qui se plaignent que beaucoup de médicaments ou une grosse partie de l’industrie soit centrée sur les besoins des hommes blancs… mais si on se retrouve avec dans le système solaire une population stable de mettons 4 milliards d’humains sur terre, et 27 milliards sur mars, et qu’on a peut-être pas tant que ça d’échanges matériels communs, peut-être pas la possibilité de chatter en direct, mais un internet commun avec une culture commune… dont on partagera donc tout produit industriel immatériel (recettes de cuisines, culture sexuelle, techniques de productions, ingénierie génétique, vaccins, médicaments, drogues…).

est-ce que nous autres terriens on va pas se retrouver vachement désavantagés dans cette société culturellement et scientifiquement par le fait qu’on soit une minorité sous-représentée et qui, elle, aura l’envie de maintenir en bon état une biosphère plus riche et plus diverse que la martienne, pendant que les martien·ne·s pendant probablement des millénaires jalouseront nos ressources, paysage, niveau de vie, diversité alimentaire, facilité de vie et absence de risques ?

ok, là dans ce volet humain je pars vachement loin, et c’est probablement impossible à synthétiser en un petit ajout…

gravatar
Le Hollandais Volant écrit :

@galex-713 :

quoi ? c’est si « facile » de créer un bouclier magnétique ??

C’est juste un gros aimant à faire. Le problème c’est l’échelle ici.

humanité n’a-t-elle donc jamais rien fait de transgénérationnel *intentionnellement* ?

De tête j’ai trois exemples, mais ça ne doit pas être les seuls.

Le premier concerne certaines forêts de chênes (comme Tronçais) que la France a la chance de posséder aujourd’hui : des chênes bien droits de 40 mètres de haut. C’était quelque chose que Colbert et Louis XIV ont mis en place pour toujours avoir du bois pour construire des navires de guerre. Sauf qu’un chêne comme ça ça met un siècle voire plus à pousser.

Le second, c’est le projet d’Onkalo : une cave en Finlande pour stocker des déchets nucléaires pour les 100 000 ans à venir.

Le troisième, c’est le projet de la Réserve Mondiale de Semences de Svalbard : une cave où sont stockés des graines de millions de plantes différentes, à un endroit naturellement froid et loin de tout risque géologique, pour le futur.
D’autres trucs y sont stockés aussi (du code source notamment). C’est un peu une « Fondation », comme dans l’œuvre d’Isaac Asimov, si tu connais, en cas de problèmes. D’ailleurs la série Fondation traite exactement de ce sujet de solution transgénérationnel !

Donc si si, ça existe, mais ces trois exemples, bien-que grands (une forêt c’est pas rien), restent assez passifs et une fois qu’ils sont en place, on attend : ça ne demande plus un grand investissement.
Une terraformation demande tout de même un peu d’activité, ainsi qu’un input permanent de ressources.

tiens, les systèmes de routes, c’est pas transgénérationnel ça ?

Certes, mais une route, tu la construit en 2 ans et tu en profites immédiatement.
L’élu qui a voté ce budget en voit le retour sur investissement (ROI) durant son mandat et donc l’approbation par son électorat, ce qui lui assure une réélection (faut pas oublier que celui qui signe le chèque, c’est un politicien ou un actionnaire qui souhaite avoir un ROI qu’il veut voir ; en tout cas dans le monde actuel dans lequel on vit…).

Pour la terraformation, on paye maintenant et pendant longtemps… mais le résultat ne sera pas visible ni exploitable avant 1 000 générations. Là, c’est un pari risqué pour un élu…
Louis XIV a pu faire pousser les forêts de chênes sur 300 ans tout en sachant qu’il n’en profiterait pas, mais il n’avait pas de soucis de réélections, lui, et, comme j’ai dit : une fois quelques glands plantés dans le sol, y a plus rien à faire sinon attendre. Éventuellement un bûcheron à payer pour couper les arbres qui ne sont pas droits ou un garde forestier pour protéger la forêt, mais c’est tout.

(je répondrait au reste plus tard)

gravatar
JFP/Jean-François POULIQUEN écrit :

▬Bonjour Mr le Hollandais volant. Merci pour cet article super bien fait.
▬Je voudrais rectifier certains de vos dires sur l'atmosphère terrestre respirable par le vivant de nos jours. La naissance de la terre est aussi la naissance d'une atmosphère autour de la terre, mais cette atmosphère de certains gaz, n'était pas la même que de nos jours. Cette première atmosphère non respirable par le vivant de nos jours, à évoluée, et ce ne sont pas les plantes qui ont fait ce travail pour enrichir l'atmosphère, car même à une certaine époque les plantes n'existaient pas. Les plantes ont continués un travail qui avait déjà commencé avant elles. Si la terre à évoluée en se refroidissant, son atmosphère non respirable à aussi évoluée.
Voici un article qui explique l'évolution de la terre et de l’atmosphère. :
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5517
▬Donc pour qu'il y ait une atmosphère respirable sur mars, il faudrait injecter ces petites bêtes que sont des bactéries rejetant de l'oxygène, et attendre quelques années pour avoir une couche minimale respirable.
▬Le problème de cette idée, est qui va se permettre de changer l'état atmosphérique d'un planète comme Mars, car les nations ont-elles le droit de modifier l'atmosphère d'une planète. Prendre des ressources d'une planète est une chose, mais modifier l’atmosphère d'une planète relève plus de la politique que de la technologie.
▬A ce propos de modifier l'atmosphère de Mars, on pourrait aussi le faire sur notre propre Terre, c'est à dire générer plus d'oxygène par le biais de ces petites bêtes de bactéries, et ce pour modifier les dérèglements climatiques, et donc repousser l'effet de sert...
▬Est-ce de la science-fiction ? Je ne crois pas !!!
▬Amicalement. JFP/Jean-François POULIQUEN

gravatar
Le Hollandais Volant écrit :

@JFP/Jean-François POULIQUEN : en effet pour les microorganismes pour l'O2. Mais une fois qu'on a un minimum d'oxygène, les végétaux peuvent prendre le relais. Car les végétaux produisent notre O2, mais ont aussi besoin de respirer (un peu).

Ensuite effectivement je n'ai pas parlé des problèmes politiques ou éthiques. Ce n'était pas le but.

gravatar
Ténor écrit :

BRAVO !
Un article sur Mars, et ça repart (la discussion)

gravatar
galex-713 écrit :

@JFP/Jean-François POULIQUEN : Comment sur terre ? les cyanobactéries existent déjà sur terre. Et s’il me semble qu’en effet, avec le réchauffement climatique et l’augmentation de la proportion de CO2 dans l’air, le règne « végétal » (incluant cyanobactéries) commence en effet à consommer plus de dioxyde de carbone et rejeter plus d’oxygène (et c’est il me semble une des nombreuses p’tites boucles de rétroaction négatives du chauffement climatique)… c’est pas assez, la température augmente toujours, et on va trop vite pour ça… donc comment on ferait ça ? et surtout comment on le ferait à aussi grande échelle que les émissions actuelles ?

pour l’aspect politique c’est bien vrai, mais pour ça ya deux questions importantes : la première c’est… ékestuvafèr ? on a déjà personne sur mars, mais quand on aura quelqu’un, comment l’en empêchera-t-on ? lui enverra-t-on des bombes ? des colons martiens seront assurément dans une position fragile et délicate, donc ça marcherait… mais quid de l’effet de la bombe, ne pourrait-elle pas empirer les choses ? le problème est épineux…

le second, éthique, est « quel est le problème ? » Mars étant, jusqu’à preuve du contraire, une planète morte… on ne détruit pas autant en faisant nos bails sur mars que sur la terre (c’est donc une alternative intéressante), la différence est justement qu’on peut chercher à prouver l’existence de vie sur mars, même passée, et surtout la trouver et l’étudier, pour trouver comment elle fonctionne à l’échelle cellulaire… et ainsi *finalement* comprendre comment on évolué nos propres cellules, vu qu’à force d’extinctions massives on a tant perdu en biodiversités qu’elles se ressemblent un peu toute dans leur complexité et que personne n’a d’idée précise de pourquoi c’est comme ça et pas autrement… et de comment est apparue la vie… par contre ya au moins une hypothèse que la vie est apparue sur mars et arrivée sur terre ensuite, ajouté au fait que peut-être que toute trace a disparu… le principal risque est d’apporter la vie sur mars, et de ne plus jamais trouver, dans cette botte de foin, l’épingle d’une vie différente… au prix de l’extension de la vie elle-même !

Mais est-ce vraiment si risqué ? on l’a vu, le sol est encore radioactif, donc les risques de fuites ont bcp de chance d’être désintégrés rapidement dès lors qu’ils passeront par la surface… les conditions inhospitalières rendront de toute façon la colonisation et terraformation si longue, qu’on passera probablement plus de temps sur mars à l’aménager qu’on en a passé jusqu’ici à l’étudier… sauf que cette fois-là, évidemment, on ne se privera pas de l’étudier davantage, et ce sera donc un moteur d’étude plus important…

en plus, si la vie s’échappe, une fois la planète réobtenant une atmosphère, se comportera-t-elle nécessairement comme un colon du XXIe siècle tuant tout sur son passage pour le remplacer par elle ? si on rend les conditions de vie plus propices, ya moyen que cette vie se réactive aussi… ce qui la rendra plus détectable… hors les échanges génétiques horizontaux sont une chose commune chez les formes de vie les plus simples il me semble (virus, prions, bactéries…), et donc…


Votre commentaire sera visible après validation par le webmaster.