En science ou en science-fiction aujourd’hui, il est parfois question de terraformer une planète. C’est-à-dire transformer une planète tierce en planète similaire à la Terre, sous-entendu habitable.
L’exemple le plus courant et le plus susceptible de subir une terraformation par l’être humain, c’est Mars.
La planète rouge telle qu’elle est aujourd’hui est un monde inhospitalier : au plus chaud, il y fait plus froid qu’en Antarctique, il n’y a pas d’eau ni de dioxygène à respirer, l’atmosphère y est trop fine pour filtrer les UV et les vents solaires, et le sol y est radioactif.
Il est donc évident que si nous souhaitons y habiter un jour, cela demandera de modifier la planète. Il faudra y ajouter de l’eau et une atmosphère respirable, réchauffer l’ensemble pour que la température permette l’eau liquide, trouver une solution pour le champ magnétique, y apporter de quoi créer des habitations et tout le reste, y compris une biosphère, sans oublier le fait de s’y rendre sans mourir, tout simplement.
Aucune de ces étapes n’est à l’heure actuelle à notre portée, ni à l’échelle d’une planète, ni même à l’échelle d’une habitation pour une seule personne. La discussion dans cet article est donc un sujet de futurisme : des idées à utiliser dans un avenir plus ou moins lointain, avec les ressources technologiques et énergétiques avancées mais tout à fait possibles physiquement.
Pourquoi terraformer ?
Terraformer Mars ou tout autre planète va demander des ressources considérables. On parle de déplacer un océan entier d’une planète à une autre, de créer un champ magnétique de la taille d’une planète, ou juste d’envoyer 1 milliard de personnes de la Terre à Mars.
Avant toute chose, donc, justifions une telle entreprise.
Plusieurs « excuses » seraient envisageables pour se lancer dans la terraformation d’une autre planète, mais elles ne sont pas forcément celles auxquelles on pense.
Par exemple, il n’est pas nécessaire d’aller coloniser Mars si la Terre est menacée par un astéroïde. L’on peut facilement prévoir ce genre de choses et très à l’avance. Aujourd’hui, aucun astéroïde majeur ne nous menace, et quand bien même un tel objet nous tomberait dessus, il suffirait de le dévier de quelques secondes d’arc de sa trajectoire pour être à l’abri. Et concernant les petits astéroïdes ou corps rocheux, ils ne sont pas bien dangereux et ne risquent pas de menacer l’espèce humaine.
Alternativement, créer une mégastructure artificielle pilotable serait plus avantageux que d’aller sur une autre planète. Une planète, n’importe laquelle, peut recevoir des astéroïdes, alors qu’une mégastructure pilotable peut les éviter.
Ensuite, si nous avions la capacité pour aller terraformer Mars, car nous aurions détruit la Terre, nous aurions aussi la technologie de réparer la Terre. L’argument qui dit que nous avons besoin de Mars pour nous sauver de nous-mêmes sur Terre n’est donc pas du tout logique.
Enfin, contrairement à quelques scénarios de science-fiction, aucune civilisation extra-terrestre ne viendrait spécifiquement sur Terre pour voler l’eau ou un autre minéral. Rien sur Terre (hormis la vie) n’est si exceptionnel que quiconque se dise qu’il faille coloniser la Terre. Ce genre de scénario reste donc fictif.
À l’inverse, terraformer et coloniser Mars serait une logique si notre but est de s’étendre en tant que civilisation multiplanétaire. Nous l’avons toujours fait sur Terre en cherchant à coloniser les continents au-delà des frontières maritimes ou montagneuses, et il serait logique de poursuivre avec la nouvelle frontière qu’est l’espace. Une seconde « excuse » serait d’aller y chercher des ressources, même si aller miner la Lune ou les astéroïdes serait plus facile.
Quoi qu’il en soit, transformer Mars en « Terre-2 » demandera d’agir sur un paquet de paramètres, dont cet article en présente une liste et quelques idées pour y arriver.
L’eau
La Terre est nommée « planète bleue » en raison de son eau. Incidemment, l’eau liquide est une base à la vie terrestre, y compris à nous. Si nous allons sur Mars, il nous en faudra. Idéalement, on peut imaginer faire un océan entier sur Mars.
Ça tombe bien, car il y a de l’eau sur Mars : on estime à environ 5×10¹⁵ m³ d’eau sur Mars, à la surface ou proche de celle-ci. Cette quantité d’eau est suffisante pour recouvrir toute la planète avec une couche de 35 mètres d’eau, même si aujourd’hui elle y est présente sous forme de glace dans les roches.
Cela représente beaucoup d’eau, mais la Terre, elle, est couverte de 1 260×10¹⁵ m³ d’eau, soit 252 fois plus. La surface terrestre étant environ 3,5 fois plus vaste que la surface martienne, comparativement, la Terre a donc 72 fois plus d’eau que Mars.
Sur Terre, la majorité de l’eau y est liquide. Elle est également salée et imbuvable. Cela n’empêche pas de conférer à la planète bleue un système climatique où l’eau joue un rôle très important pour irriguer les continents, éroder les montagnes, mais aussi transporter la chaleur et tempérer les différentes régions du monde grâce aux courants marins.
L’eau martienne déjà sur place devrait suffire à nos besoins, y compris pour un petit océan pas trop profond, mais si on souhaite en avoir plus, pour ajuster le climat par exemple, il faut en chercher ailleurs. Il faudra également qu’elle soit maintenue liquide : un réchauffement conséquent du climat martien sera nécessaire, mais cela n’est pas un problème comme on va le voir.
L’eau est composée d’hydrogène et d’oxygène. On peut tout à fait récupérer ces éléments ailleurs dans le système solaire : Jupiter est un énorme réservoir d’hydrogène, et les oxydes de fer ou de silicium du sol martien, tout comme le CO2 de son atmosphère ou de celle de Vénus en contiennent également plus que nécessaire.
On peut aussi miner de l’eau sur certaines lunes de Jupiter ou de Saturne, qui en contiennent plus que la Terre. Plus simple sûrement, la ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune contient des milliards de corps essentiellement composés d’eau (les objets transneptuniens, ou TNO en anglais), et donc l’évaporation produit la queue des comètes lorsqu’elles passent à proximité du Soleil.
Il y a cependant un problème : si l’on arrivait à envoyer quelques-unes de ces comètes sur Mars pour remplir un océan, on ne ferait pas seulement y apporter de l’eau, mais également de l’énergie !
En effet, quand un astre heurte une planète, son énergie cinétique est communiquée à la planète, puis dissipée sous forme de chaleur.
Ainsi, un kilogramme d’eau — soit 1 L — qui arriverait sur Mars avec une vitesse de 5 km/s (correspondant seulement à la vitesse de libération de Mars), apporterait 12,5 mégajoules d’énergie. Suffisamment pour faire bouillir ce litre d’eau cinq fois d’affilée !
Une autre façon de décrire ça et de comparer cette énergie thermique avec l’éclairement solaire reçue sur Terre. Si l’on veut recouvrir Mars d’un centimètre d’eau, il faut faire pleuvoir 1 L par m². On apporterait alors 12,5 MJ par mètre carré, ce qui correspond à la même énergie que chaque mètre carré sur Terre reçoit en 3 heures de la part du Soleil ! C’est donc très loin d’être négligeable comme quantité d’énergie.
Est-ce un problème pour autant ? Je ne pense pas : la planète rouge est actuellement trop froide pour nous et pour à peu près toute forme de vie. Donc ajouter un peu de chaleur ne pourra que nous être utile.
Bien, on a réglé le problème de l’eau. Qu’en est-il de l’oxygène ?
L’oxygène et une atmosphère
La pression atmosphérique sur Mars est très faible : 0,6 kPa (kilopascal), soit 1/170ᵉ de la pression atmosphérique terrestre qui est de 101 kPa. Cette atmosphère est essentiellement composée de dioxyde et monoxyde de carbone et d’oxydes d’azote. Le monoxyde de carbone en particulier est un poison, mais on peut la transformer facilement en CO2, moins toxique. Cela ne la rend pas pour autant respirable. Pour ça il nous faut au moins de l’oxygène, et en quantités suffisantes pour être physiquement respirable.
La première étape, partant d’une atmosphère de 0,6 kPa, c’est de multiplier la pression par 10,5 pour monter à 6,3 kPa. Cette pression-là correspond à la limite d’Armstrong : la limite minimale au-dessus de laquelle une combinaison pressurisée n’est plus nécessaire.
La limite d’Armstrong est liée à l’ébullition de l’eau. En dessous de 0,6 kPa, la pression est si faible que l’eau bout dès 37 °C, qui est la température de notre corps. Les muqueuses pulmonaires, la surface des yeux ou encore la salive dans la bouche se mettraient à bouillir si nous sortions sous une telle pression sans combinaison pressurisée (l’eau dans les cellules ne bouillirait pas, par contre, et notre corps n’exploserait pas non plus, comme la fiction pourrait nous l’avoir enseigné par erreur).
Avec une atmosphère plus dense que la limite d’Armstrong, on n’a pas ce problème, mais il faudra toujours assez d’oxygène, ce qu’un simple masque à oxygène suffira à combler.
Le plus pratique reste tout de même d’avoir une atmosphère directement respirable sans équipement, et pour ça, il faut apporter de l’oxygène sur Mars. Heureusement, cet élément n’est pas rare dans notre système solaire.
J’ai bien dit « élément », car le gaz, le dioxygène n’est présent que sur Terre. L’oxygène est en effet trop réactif pour subsister en l’état : il réagit avec les autres gaz, les roches et les métaux. Sur Terre, l’oxygène atmosphérique provient des végétaux qui le rejettent, à notre grand bonheur.
Nous pouvons faire la même chose avec des machines : récupérer du CO2 pour produire du dioxygène. Sur Terre, le CO2 qui nous pose problème actuellement est produit par la combustion d’hydrocarbures, et on pourrait envoyer tout ça sur Mars (où il faudra le recycler en dioxygène) et ainsi sauver la Terre en même temps.
Vénus également dispose de beaucoup de CO2 : l’essentiel de son atmosphère, qui est 90 fois plus dense que la nôtre, en est composée. Et il ne suffira que 0,5 % de l’atmosphère de Vénus pour produire une atmosphère tout à fait respirable sur Mars.
Mais d’ailleurs, pourquoi l’atmosphère sur Mars est-elle si fine ?
Mars a perdu son atmosphère autrefois plus dense : tout est parti dans l’espace. C’est un phénomène naturel, qui a lieu également sur Terre, mais cette dernière limite naturellement cet échappement atmosphérique. Voyons comment.
L’échappement atmosphérique
Si les planètes accrètent constamment de la matière cosmique (10 000 tonnes de roches et poussières par an, pour la Terre), elles perdent également de la matière, essentiellement des gaz de leur atmosphère.
Ceci provient du champ de pesanteur, qui n’est pas toujours assez puissant pour retenir certains gaz.
Pour chaque planète, il existe une vitesse minimale qui permet à un corps de ne jamais retomber sur la planète. Ce corps est alors libéré de l’attraction gravitationnelle de cette planète : on appelle cette vitesse minimale la vitesse de libération. Sur Terre, elle vaut 11,2 km/s (40 000 km/h), et sur Mars elle est de 5 km/s (18 000 km/h).
La vitesse de libération est applicable aux molécules de l’atmosphère également. Donc si une molécule individuelle acquiert cette vitesse — ce qui arrive souvent — elle peut s’échapper de l’atmosphère et dans l’espace et ne jamais revenir. Bien-sûr, c’est à condition que cette molécule ne soit pas ralentie lors de chocs avec d’autres molécules.
La masse des molécules est un paramètre déterminant pour savoir si elle risque de s’échapper naturellement. En effet, plus elle est légère, plus une molécule atteindra la vitesse de libération facilement. Ainsi, typiquement, l’hydrogène et l’hélium s’échappent facilement de la Terre, tandis que le CO2 et l’oxygène (O2), beaucoup moins. Pour les gaz les plus denses comme le xénon ou l’argon, ce phénomène est pratiquement inexistant.
D’autres facteurs interviennent également, comme l’accélération de pesanteur de la planète : plus la planète est massive, plus sa vitesse de libération est élevée et plus elle retient les molécules, y compris les plus légères. Jupiter ou Saturne, très massives, n’ont elle pas de mal à retenir même l’hydrogène, alors que sur Mercure quasiment tous les gaz se sont échappés avec le temps.
Les molécules reçoivent l’énergie cinétique nécessaire à leur échappement de plusieurs sources :
- de la distribution des vitesses des molécules en phase gazeuse (distribution de Maxwell). Certaines molécules sont plus rapides que d’autres et peuvent dépasser aléatoirement la vitesse de libération et s’échapper. On parle ici de l’échappement de Jeans.
- du rayonnement solaire incident : les particules et les rayons UV reçus du Soleil communiquent et échauffent très fortement la haute atmosphère. La thermosphère terrestre (95 à 500 km d’altitude) est ainsi entre 300 et 1 600 °C (malgré un froid sidéral à cause du faible nombre de molécules). L’énergie cinétique des molécules est suffisante pour dépasser la vitesse de libération. On parle ici d’échappement hydrodynamique.
- de certaines réactions chimiques induites par le rayonnement solaire captent des atomes ou des ions et d’autres en éjectent, en particulier quand ce sont des protons solaires qui réagissent avec l’atmosphère. Ces éjections d’atomes ou d’ions peuvent provoquer l’échappement de ces gaz. On parle d’échappement chimique ou ionique. Sur Terre, les ions, chargés, sont maintenus dans l’atmosphère grâce au bouclier magnétique, ce qui n’est pas le cas sur Mars, qui n’a pas de bouclier, et où beaucoup plus de particules s’échappent de cette manière.
- de façon anecdotique, une large quantité de gaz et de matière solide peut aussi s’échapper à la suite d’un impact d’astéroïde. Cela s’est beaucoup produit au début du système solaire, mais bien moins aujourd’hui.
L’hydrogène et l’hélium sur Terre s’échappent majoritairement par effet Jeans, à raison de plusieurs tonnes de chacun de ces deux gaz chaque jour.
Sur Mars, qui est moins massif, d’autres gaz comme l’oxygène et l’azote s’en échappent également. De plus, l’absence de bouclier magnétique fait que c’est essentiellement l’échappement chimique et ionique qui en est responsable. On parle ici de dizaines de tonnes qui sont soufflés par les vents solaires de Mars, chaque jour.
On pense que c’est cela qui a contribué à assécher la planète rouge : les UV ayant détruit les molécules d’eau en molécules plus légères (O2 et H2) qui se sont ensuite échappées. On estime de même que dans un milliard d’années environ, le Soleil aura gagné assez en luminosité pour que la Terre subisse le même sort, et que les océans finissent essentiellement évaporés dans l’espace.
Alors bien sûr, quelques tonnes ou dizaines de tonnes par jour n’est pas insurmontable pour une civilisation capable de terraformer une planète, mais ce serait bête de laisser cela se produire. En effet, on l’a dit : l’essentiel de ces pertes atmosphériques est dû aux vents solaires. Or, ces derniers peuvent être bloqués assez simplement par la mise en place d’un bouclier magnétique protégeant la planète. Et c’est de cela que l’on va parler maintenant.
Recréer un bouclier magnétique martien
Un des problèmes sur Mars est l’absence de bouclier magnétique. Cette absence est responsable de bien grands maux, dont celui d’exposer la planète rouge aux vents solaires qui balaient son atmosphère.
Ce n’est pas tout : sans bouclier magnétique, le sol aussi est exposé. Pour rappel, ces vents et rayonnements sont essentiellement composés de protons et de particules très énergétiques qui sont fortement ionisantes. Y être exposé n’est pas déjà pas idéal (c’est cancérigène sur un être vivant), mais il y a pire.
Sur Terre, ces rayonnements produisent du carbone 14 à partir de l’azote de l’air. Cette création de carbone 14, un isotope du carbone 12 normal, permet la datation au carbone 14, mais cela reste un produit naturellement radioactif. Sur Mars, où rien ne protège le sol, la création d’isotopes radioactifs est si forte que le sol y est une dizaine de fois plus radioactif que la région autour de Tchernobyl.
Le niveau d’absorption de radiation naturels par un terrien est de l’ordre de 5 mSv/an. C’est le niveau de radiation naturelle sur Terre et les organismes s’y sont adaptés : l’organisme corrige les cellules endommagées. Sauf que notre organisme s’est adapté au niveau de radiation sur Terre : si l’on est subitement exposé à une dose bien plus élevée, ces mécanismes ne suffiront pas.
Or sur Mars, les 5 mSv/an de la Terre deviennent entre 200 et 500 mSv/an ! Le sol martien est donc inhabitable en l’état. Heureusement, cela ne concerne que la surface, que l’on peut nettoyer ou recouvrir totalement d’un sol non radioactif protecteur.
Maintenant, si on s’arrête là, le sol continuera d’être irradié. Il faut créer non seulement l’atmosphère discutée plus haut, mais également produire un bouclier magnétique pour défléchir les vents solaires (et protéger l’atmosphère).
Sur Terre, un tel bouclier est produit par effet dynamo dans le noyau métallique liquide de la planète, qui voit apparaître des mouvements convectifs, des courants électriques et par suite des champs magnétiques qui englobent toute la planète. Ceci est possible, car le centre de la Terre est à 6 000 °C et liquide.
Cette chaleur interne date de l’époque de la formation de la Terre. Mars, plus petit, a déjà totalement refroidie et son champ magnétique s’est arrêté.
Est-ce qu’il serait envisageable de chauffer la planète rouge et réactiver l’effet dynamo ? Peut-être, mais ce n’est probablement pas une bonne solution. L’effet dynamo est terriblement inefficient pour produire un champ magnétique. C’est la raison pour laquelle nous n’utilisons pas de boules d’acier en fusion pour produire des champs magnétiques partout où l’on en a besoin. À la place, on utilise plutôt des électroaimants, bien plus efficients !
Une solution du coup, même avec la technologie actuelle, serait de placer un énorme solénoïde, une bobine de cuivre, autour de l’équateur de Mars pour créer un électroaimant. Une civilisation plus avancée que nous pourrait utiliser des fils en nanotubes de carbone ou en graphène, qui serait d’ailleurs avantageux à cause des énormes pertes thermiques que le courant électrique de plusieurs milliards d’ampères sera amené à produire.
On peut aussi créer un tore de plasma autour de planète et y faire circuler un courant électrique, le plasma étant conducteur. C’est exactement ce qui se passe entre Io et Jupiter : le champ magnétique jovial arrache des tonnes d’ions de l’atmosphère d’Io et y fait circuler un courant dont la puissance totale dépasse très largement la production électrique humaine totale sur Terre.
Une autre idée enfin est de placer un électroaimant devant la planète, pas forcément autour. Les vents solaires ne provenant que du Soleil, c’est essentiellement dans une seule direction de l’espace qu’il faut placer un bouclier. Dans ce cas, la meilleure solution est de placer cet aimant au point de Lagrange 1, la position entre le Soleil et Mars où les attractions gravitationnelles s’équilibrent et où un objet peut rester indéfiniment.
Dans les différents cas, les sources indiquent qu’un tel dispositif demanderait une puissance de l’ordre de 1 GW. Ça peut sembler énorme, mais c’est tout juste la puissance d’un seul réacteur nucléaire actuel. Si nous arrivons à maîtriser la technologie de fusion nucléaire d’ici là, cela sera même encore plus simple de créer ce bouclier : 1 GW est loin d’être quelque chose d’inatteignable. Le plus difficile sera probablement de refroidir le dispositif, même dans le froid de l’espace.
Quoi qu’il en soit, un tel bouclier en place c’est joli, mais à quoi tout ce travail est-il destiné, sinon à protéger tout un peuple qui n’est pas encore arrivé sur Mars ? Il faut donc transporter des terriens sur Mars !
Les personnes et matériels
Pour envoyer des gens sur Mars, il faut non seulement la technologie et la volonté de le faire, mais aussi… des gens à y envoyer, et donc des volontaires. En plus de ça, ces volontaires doivent être en *très* bonne forme physique.
Concernant ce dernier point, j’insiste : pas tout le monde ne peut survivre le trajet, ni même le départ. Aujourd’hui, les fusées qui décollent doivent accélérer de façon à acquérir la vitesse de libération, soit 11 km/s (40 000 km/h) qui leur permet d’échapper à la gravité terrestre. Elle doit également faire ça assez vite, sans quoi elle finirait par vider tout son carburant avant de l’atteindre. Il faut donc une accélération très importante, de 5 à 10 g.
Si vous êtes déjà allés dans un parc d’attraction, style Disneyland, ou montés dans une voiture de sport qui fait un 0-100 km/h en 3 ou 4 secondes, mais la quantité de « g » que l’on y subit n’est que de l’ordre de 1 à 2, peut-être 3 pour une accélération centrifuge [LIEN] lors d’un virage. Ces conditions de 1 à 3 g font déjà crier même les plus sportifs, et pourtant ces pics d’accélération durent quelques secondes seulement. Imaginez alors subir ça en continu durant 10 minutes et en 5 fois plus intense. Il faut un entraînement très intensif de plusieurs mois pour supporter ça et être en très bonne santé physique… et morale.
En effet, le voyage jusqu’à Mars, actuellement, dure environ 9 mois, soit autant de temps qu’il faudra rester enfermer dans un vaisseau avec les mêmes personnes et les mêmes loisirs s’il y en a, et bien-sûr les mêmes risques :liées à la navette elle-même, la santé des passagers, la gestion des ressources, la protection du rayonnement… et ce n’est pas une attestation de sortie auto-signée qui vous permettra d’échapper à tout ça : une fois qu’on est dedans, on y reste pour 9 mois.
Ensuite, une fois sur Mars, la gravité est de seulement 40 % de celle sur Terre. On peut donc sauter beaucoup plus haut et soulever des charges plus massives, mais ça signifie aussi que si l’on ne s’entraîne pas intensément, on risque de perdre de la masse osseuse et musculaire. Bien que cela ne devrait pas changer quoi que ce soit pour la vie quotidienne sur Mars, cela va poser un gros problème si l’on revenait un jour sur Terre, avec une gravité plus que doublée. Ça demandera des mois voire des années d’entraînement et de rééducation.
D’un point de vue purement logistique, il y a également à discuter. Déjà, quand on dit que la Terre se trouve à 150 millions et Mars à 227 millions de kilomètres du Soleil, c’est en moyenne, mais surtout ça ne veut pas dire que la distance Terre-Mars soit de 227−150 = 77 millions de kilomètres ! Ça, c’est seulement dans le meilleur des cas, quand les deux planètes se trouvent du même côté.
Dans la réalité, la distance Terre-Mars varie de 54 à 401 millions de kilomètres, selon que leur position sur les orbites soit opposée, ou non, et s’ils sont la partie de l’orbite la plus proche ou non (les orbites étant elliptiques et excentrées, pas circulaires centrées).
De façon générale, Mars est au plus proche de la Terre (55-100 millions de kilomètres) tous les 26 mois environ. Là, ça nous laisse quelques semaines pour lancer une fusée de façon à ce qu’elle arrive rapidement jusqu’à Mars. On peut évidemment lancer une fusée à tout moment, mais le voyage prendra alors beaucoup plus de temps. Or on cherche avant tout à réduire cette durée dans le but de réduire l’exposition aux rayons cosmiques lors du trajet, ainsi que réduire la quantité de consommables (nourriture, eau…) à apporter pour le voyage.
L’idée pourrait donc être de passer deux ans à construire des missions vers Mars, puis de les envoyer durant une fenêtre de tir de quelques semaines. Même chose dans l’autre sens : de Mars à la Terre.
Entre temps, cependant, il faudra que les gens y vivent en autarcie et en autonomie. Si cela peut se faire sur Terre de façon isolée, en faisant pousser des légumes et des fruits, sur Mars, où le sol est différent, cela pose problème aussi.
De la composition des sols martiens
Le sol martien ne contient pas de « terre », car la « terre » sur Terre contient une grande quantité de matière organique, des petits animaux, des bactéries. Sur Mars, rien de tout ça. Le sol y est entièrement minéral. Aussi, on parle alors de régolithe, et cette matière n’est pas cultivable directement
Qui plus est, la composition du régolithe martien n’est pas celle de la Terre. Sur Mars, le sol est riche en fer et d’autres éléments qui peuvent être toxiques, en l’occurrence des perchlorates. Les perchlorates sont produits le rayonnement cosmique (incluant le rayonnement solaire énergétique) incident par le mécanisme photo-chimique.
En supposant que l’on puisse faire pousser des plantes sur le sol de Mars, elles contiendraient également naturellement les composés du sol martien. Manger ces légumes ne seraient alors pas possible.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées : soit apporter de la terre de la Terre, soit élever des microorganismes pour consommer les composés nocifs du sol martien (les perchlorates par exemple), soit purifier le sol de façon physico-chimique avec des robots et des machines, par exemple.
Mais en l’état, le sol martien n’est pas cultivable : les cultures seraient toxiques pour nous (contrairement à ce que l’on peut voir au cinéma par exemple).
Conclusion
En soi, terraformer Mars n’est pas quelque chose de bien compliqué : la technologie à employer, y compris pour produire un champ magnétique tellurique par exemple, reste assez basique. La principale difficulté est l’échelle à laquelle cette technologie s’applique. Envoyer un litre d’eau et un électroaimant sur Mars, c’est facile. Envoyer des millions de kilomètres cube d’eau ainsi qu’un électroaimant qui fait le tour de la planète… c’est une autre histoire.
Une telle entreprise ne pourra donc jamais se faire en une génération, comme le furent par exemple les grandes pyramides d’Égypte, qui étaient des monuments générationnels, construits durant la vie d’un Pharaon pour l’accueillir à sa mort. En science, quand un projet voit le jour, il est généralement fait en sorte que ceux qui travaillent dessus y restent jusqu’à l’aboutissement, au moins d’un des résultats prévus. C’est essentiel, sinon personne ne voudrait travailler dessus en sachant qu’il n’en verrait jamais la fin. Ça serait comme travailler pour rien.
Transformer Mars est un projet d’un autre genre : celui où l’on est absolument sûr que qui que ce soit qui travaille dessus ne pourra en voir le début et la fin. Le projet est beaucoup trop long. Il est même possible que l’évolution de la planète soit tellement lente que toute étude des modifications qu’on y apportent soient invisibles à l’échelle d’une vie. Il faudra des observations sur plusieurs générations pour suivre la terraformation de la planète rouge…
C’est donc un projet d’une civilisation, d’une ère entière dédiée à ça, sur des milliers voire des millions d’années. C’est au delà de tout ce que notre espèce a pu faire jusqu’à maintenant. Cela demandera une lignée ininterrompue de personnalités visionnaires pour le mener à bien. Et si à un moment donné il manque une telle personne, l’ensemble pourrait être arrêté et tout le travail rendu inutile.
De tout ça, on se rend donc parfaitement compte que la technologie n’est qu’un des problèmes, et très probablement le moindres d’entre eux.
Ressources
Sources et liens :
- Terraforming: Forging New Worlds — YouTube
- Giving Mars a Magnetosphere. An addendum to “Terraforming Mars” | by Brandon Weigel | Our Space | Medium
- (PDF) How to create an artificial magnetosphere for Mars
- Water on Mars — Wikipedia
- Atmospheric escape — Wikipedia
- The Planetary Air Leak
Crédit images :