À pression atmosphérique normale, on sait tous que l’eau bout à 100°C et gèle à 0°C.
Ces températures de changement d’état de l’eau sont simples à retenir (le choix de l’échelle centigrade a été prévue pour ça), mais ne sont valables qu’à la pression atmosphérique normale de 1 atmosphère (1 atm). Il est très bien possible de geler de l’eau ou de la faire bouillir en ne changeant que la pression et en gardant la température constante.
En jouant sur la température et la pression, on peut noter pour chaque couple (température, pression) l’état dans lequel se trouve l’eau : gazeux, liquide ou solide. Un graphique qui représente l’état de l’eau en fonction de la température et la pression se nomme un diagramme de phase.
Pour l’eau, on obtient ça :
Pour chaque élément (ici, l’eau), on obtient quelque chose de similaire et on remarque, en plus des lignes qui marquent les zones où l’élément est disponible dans deux états simultanément, deux points : le point critique et le point triple. Ces points sont propres à l’élément.
Point triple
Si les lignes du graphique représentent la zone où l’eau est disponible dans deux états en même temps (par exemple liquide + de la glace), le point triple représente le point où les trois états de la matière sont possibles simultanément. Pour l’eau, il se situe à 0,006 atm et 0,01°C.
Dans ces conditions, on verrait de l’eau en train de bouillir avec des glaçons dedans. Les glaçons ne fondraient pas et l’eau ne s’évaporerait pas totalement (si on est dans une enceinte fermée) : les trois changements d’état auraient lieu constamment et de façon assez chaotique.
On peut le voir par exemple pour le cyclohexane ici : Le Point Triple du Cyclohexane.
Ce qui se passe : quand on monte dans les montagnes, on sait que la température d’ébullition de l’eau est rabaissée : elle peut descendre jusqu’à 70°C, au lieu de 100°C habituellement. Ceci est dû au fait que la pression diminue. Si on fait baisser la pression encore plus, il arrive un point où la température d’ébullition descend plus bas que la température de solidification de l’eau : l’eau va donc geler et bouillir en même temps ! Le point triple, c’est ce point là.
Généralement, le point triple est atteint à des pressions et températures assez basses.
Si on descend encore plus bas dans les pressions, alors la phase liquide disparait complètement et ne cohabitent que la vapeur et le solide.
Sur Terre, la pression atmosphérique est bien trop grande pour observer de l’eau à son point triple dans la nature. En revanche, sur Mars la température (autour de 0°C) et la pression (très faible) sont telles que l’eau peut parfois s’y trouver à son point triple.
Point critique
Si on va au contraire vers les températures et les pressions très hautes on atteint un autre point : le point critique.
Avant le point critique, en faisant augmenter la pression, la température d’ébullition augmente : c’est le principe d’une cocote minute : l’eau y bout autour de 120°C au lieu de 100°C, parce que la pression est maintenant plus haute.
Par ailleurs, quand la pression d’un gaz augmente, les molécules sont plus proches les unes des autres : la densité du gaz augmente avec la pression. Parallèlement, quand on chauffe un liquide sa densité diminue : la température force les molécules à s’agiter plus vite et ils prennent plus d’espace.
Il arrive un moment où à force de chauffer et d’augmenter la pression, la densité du liquide (qui baisse) et la densité du gaz (qui monte) s’égalisent : on a alors atteint le point critique. Pour l’eau, ce point est à 374°C et à 218 atmosphères (221 bar).
Quand on atteint le point critique, les densités du liquide et du gaz étant égales, il n’y a plus de distinction entre les deux : on obtient une sorte de bouillie de gaz/liquide qui n’est ni l’un ni l’autre : on l’appelle fluide supercritique.
Ce fluide a une densité environ égale à la moitié de celle du liquide à pression et température normale, et a quelques applications.
Le CO2 supercritique, par exemple, est utilisé dans l’industrie comme solvant.
Il permet de dissoudre la caféine, ce qui sert pour décaféiner le café, ou encore la nicotine. Pour les vignobles, le CO2 supercritique permet de retirer certaines molécules du liège dont sont fait les bouchons, et qui donnent un mauvais goût au vin. L’avantage du CO2 supercritique comme solvant c’est que dès qu’on rabaisse la pression et la température, il redevient un gaz et il disparaît complètement, là où un solvant organique classique reste toujours à l’état de traces.
De l’eau supercritique (à 374 °C et 218 atm) sera quant à elle utilisée dans les centrales nucléaires de génération IV, actuellement en cours d’étude.
Un exemple de transition au régime supercritique est visible sur cette vidéo : What Happens When a Liquid Turns Supercritical? .
Le point critique est toujours situé à des pressions et des températures assez élevées par rapport à la normale (1 atm, 20°C). Le point critique de certains métaux sont même parfois extrêmes : pour l’or, on se trouve à 6 977°C et 5 000 atm !