Dans le genre de questions que personne ne se pose : « pourquoi une cocotte minute a-t-elle une paroi si épaisse ? »
Si personne ne se pose cette question dans sa cuisine, c’est parce que la réponse est simple : c’est pour résister à la pression de la vapeur à l’intérieur quand on la chauffe !
Non ?
Cette réponse est logique, mais elle est fausse. La pression dans une cocotte minute — ou autocuiseur — est relativement faible. Pour comparer, la pression dans une canette de soda est environ 5 fois plus élevée, et pourtant leurs parois sont très fines.
En vérité, cette paroi épaisse est là pour résister à la pression de l’air extérieure ! Et non pas quand on la chauffe mais lorsqu’on la refroidit !
Explications.
Principe d’un autocuiseur
Le principe d’un autocuiseur (ou cocotte-minute) est de constituer une casserole hermétique. En chauffant l’eau dans cette enceinte, cette dernière s’évapore et chasse l’air. Ensuite, on bloque la valve d’échappement et la pression monte.
Or, si la pression monte, la température d’ébullition monte aussi.
Ainsi, avec la pression de 1,8 à 2 bars dans l’autocuiseur, la température d’ébullition de l’eau se positionne autour de 120 °C, alors que dans une casserole normale, l’eau bout dès 100 °C.
L’intérêt des 120 °C est de cuire les aliments plus vite : à cette température on cuit en 20 minutes ce qui aurait pris 1 heure à 100 °C. En plus de gagner du temps, on économise donc aussi sur l’énergie, car c’est autant de temps où l’on ne consomme pas de gaz ou d’électricité.
Les pressions en jeu
Je l’ai dit juste au-dessus : la pression dans un autocuiseur atteint autour de 1,8 bar généralement. Si la pression monte au-delà, la soupape de sécurité laisse la vapeur sortir.
Maintenant, est-ce qu’une telle pression justifie d’utiliser une casserole aussi massive ?
On peut comparer avec une canette de soda : la pression qui y règne est d’environ 8 bars ! Pourtant l’épaisseur du métal d’une canette est de 0,3 à 0,4 mm ! Et la canette résiste très bien.
Du coup, ce n’est pas la pression à l’intérieur d’une cocotte minute qui justifie une telle masse d’acier.
Des choses à ne pas faire avec une cocotte
Les premières cocottes-minutes sont apparues au milieu du XXᵉ siècle. Il s’agissait d’un produit nouveau dans la vie courante et forcément, les utilisateurs en furent des usages inattendus, voire dangereux.
En particulier, une fois les légumes cuits, il fallait relâcher la pression et refroidir l’ensemble. Pour accélérer ce processus, certaines personnes pensèrent gagner du temps à tout simplement passer la cocotte sous l’eau froide… et ce fut une très mauvaise idée.
La raison est que quand l’eau bout dans la cocotte, la vapeur d’eau chasse l’air. La casserole est donc remplie uniquement d’eau. Du liquide et du gaz, mais que de l’eau.
Du coup, quand on refroidit la cocotte sous l’eau froide, toute la vapeur redevient liquide. La cocotte est alors remplie d’eau liquide et… de vide !
La pression à l’intérieur est alors plus basse que la pression atmosphérique, et la cocotte — toujours scellée — risque d’imploser !
Or, si une fine feuille de métal suffit à une canette de soda pour résister à 8 bars de pression à l’intérieur, une fois que la canette est ouverte est vidée, on l’écrase très facilement ! La résistance ne se fait que dans un seul sens : si la pression est plus élevée à l’extérieur, la canette n’aura aucune chance et finira implosée et écrasée.
Pour la cocotte, le risque fut de même ! Et une casserole qui implose, ça projette de l’eau et des légumes chauds partout. Ce n’est pas l’idéal.
Afin de protéger l’utilisateur contre ça, la seule solution fut d’utiliser une paroi capable de résister non seulement à la pression intérieure, mais aussi à une pression extérieure et à une implosion.
C’est la vraie raison à l’épaisseur du métal dans une cocotte minute.
Pour info, quand une cocotte est entièrement « remplie de vide », il est aussi impossible de retirer le couvercle. La pression atmosphérique est en réalité colossale : environ 1 bar, ce qui correspond à 1 kilogramme-force par centimètre-carré. Si la casserole a un diamètre de 50 cm, sa surface est de 1 964 cm², et l’air extérieur exerce une force totale de proche de 2 tonnes : personne, pas même 24 chevaux ne pourraient détacher un couvercle en tirant dessus s’il y a le vide à l’intérieur (voir l’expérience des Hémisphères de Magdebourg).
Conclusion
La pression dans une cocotte minute atteint tout juste environ 2 bars. Cette pression (et même beaucoup plus) peut être contenue par une paroi aussi fine que celle d’une canette de soda. Il n’y a pas besoin d’un centimètre d’acier.
La vraie réponse à la question dans le titre, réside avec certains usages dangereux liés au refroidissement d’une cocotte minute. En effet, si l’on passe la cocotte (de laquelle on a chassée toute l’air) sous l’eau froide, la pression redescend alors très bas : beaucoup plus bas que la pression atmosphérique.
Dans ces conditions, la cocotte risque d’imploser et de blesser quelqu’un.
Or si une fine pellicule d’acier résiste en étirement dans le cas d’une pression intérieure, il faut une épaisseur beaucoup plus élevée pour résister à la compression liée à la pression extérieure.
Ceci se montre très bien avec une canette de soda vidée dans laquelle on verse un fond d’eau que l’on fait bouillir (chassant l’air) et que l’on refroidit subitement : la vapeur se contracte, la pression redescend et la canette implose violemment ! On peut voir ça à l’œuvre sur cette vidéo : Mettre en évidence la pression atmosphérique : implosion d’une canette, ou encore en plus grand sur un bidon d’huile de 200 litres.
Pour terminer, ceci nous rappelle une fois de plus que la science se situe partout et pas seulement dans l’objet que l’on étudie : l’air extérieur, dans le cas présent, n’est pas inerte et agit lui aussi. C’est juste qu’on a tendance à l’oublier !
(Article inspiré d’un tweet de JM Courty)