Sur les poteaux électriques, ou même certains appareils de la maison (télé, four à micro-ondes…), on voit des étiquettes « danger, haute tension », suggérant qu’une tension très haute soit dangereuse. Inversement, quand on se prend une décharge d’électricité statique, on est soumis à environ 3 000 volts de tension. On dit alors que ce n’est pas dangereux, car l’intensité électrique est trop faible, suggérant que ce soit elle le vrai danger.
Du coup, quel paramètre constitue le vrai danger : la tension ou l’intensité ?
Tension ? Intensité ?
La tension et l’intensité sont les paramètres les plus communs décrivant les phénomènes électriques. Ils ne sont pas les seuls, mais on va s’y tenir pour l’instant.
L’intensité, d’abord : l’intensité du courant est l’importance du flot d’électron qui circule dans un circuit électrique : en un mot, il correspond au débit d’électrons.
Les électrons sautent d’atome en atome. Ceci ne se fait pas sans frottements. Une intensité très élevée dans un conducteur aura tendance à l’échauffer énormément : c’est le principe des résistances chauffantes.
Dans le cas du corps humain, l’électricité a d’autres effets : elle empêche les muscles (dont le cœur) de fonctionner normalement. De plus, un courant trop fort a des effets sur la chimie dans les cellules (équilibre ionique, etc.). Le danger immédiat suite à une électrisation importante comprends les perturbations de la biochimie dans les organes. Tous ces effets peuvent se manifester dès 50 milliampères.
Il ne faut pas oublier cependant que le corps humain n’est pas un bon conducteur : la peau, si elle est sèche, est un bon isolant : sa résistance électrique est élevée. Mon ohmmètre mesure par exemple 700 kΩ entre mes deux mains.
Cette haute résistance implique que le courant qui passe dans mon corps est très faible même pour une tension importante. En l’occurrence, si je tiens une pile de 9 V par les bornes, alors le courant qui passerait dans mon corps ne serait que de 13 µA : nettement en dessous du seuil de danger.
Ceci est vrai pour une tension donnée, ce qui nous emmène à la notion de tension : la tension électrique, c’est la force avec laquelle les électrons sont poussés dans le circuit électrique. On parle aussi de « force électromotrice », et donc la force qui fait avancer les électrons. Une haute tension implique que les électrons sont comme envoyés sous pression.
Si une tension est suffisante, même un matériau fortement résistif peut devenir conducteur, y compris un isolant. On parle alors du « claquage » de l’isolant.
Du coup, pour le corps humain avec 700 kΩ et dont le danger commence à 50 mA, la tension dangereuse commence à 35 000 V.
Tout ceci n’est vrai que si le générateur est capable de délivrer 50 mA. Parfois, on peut être soumis à 100 000 V sans aucun danger, tout simplement parce que l’intensité délivrée par la source est bien trop faible. c’est le cas des bobines Tesla : la tension est immense, mais l’intensité très basse : tout le courant passe très vite (sous l’effet de la tension immense) et l’électrisation ne dure qu’une fraction de seconde, trop rapidement pour constituer un danger.
Le danger est bien réel, où est-il ?
Comme je l’ai dit, pour être dangereux, l’intensité doit être suffisante pour brûler les tissus du corps ou perturber le fonctionnement des organes vitaux, mais la tension doit également être assez importante pour réussir à pénétrer dans le corps. Sans tension, le courant ne passe dans le corps.
Le danger n’est donc pas uniquement l’intensité ou uniquement la tension : tension est responsable de l’intensité, mais cela dépend d’autres facteurs : résistance du corps humain, fréquence du signal électrique et la quantité totale de charges électriques.
Ainsi, quand on reçoit un coup d’électricité statique de sa voiture par exemple, la tension est de l’ordre de 3 000 V et l’intensité, est de l’ordre de 1 000 A. Largement de quoi tuer, non ? En réalité, la quantité d’électrons en circulation est très faible : les électrons passent très vite, mais son peu nombreux.
Dans l’ensemble, l’arc électrique ne dure que quelques micro-secondes. L’énergie totale transportée, et donc les dommages produits à votre corps sont minuscules : un petit choc, ou un petit sursaut, tout au plus. Il est là le vrai danger : l’énergie, et la puissance.
l’énergie et la puissance : les vrais dangers ?
Déjà, la puissance, c’est le débit d’énergie.
Par exemple, si vous sautez d’un immeuble de 50 mètres, alors ce sont 50 mètres d’énergie potentielle que vous recevrez en heurtant le sol en un instant et qui vous sera fatal. Si vous sautez chaque marche de l’escalier jusqu’en bas de l’immeuble, l’énergie potentielle totale absorbée sera identique. Seulement, il sera dilué dans le temps.
La puissance est dangereuse dans la mesure où le corps ne peut dissiper qu’une certaine quantité d’énergie en un temps donné. Sauter de 20 cm est possible : nos muscles et nos tendons peuvent amortir cela. Quand on saute de 50 mètres, il ne peut pas.
Dans le cas du danger électrique, c’est pareil : le corps peut supporter une décharge statique, même si c’est du 3 000 V / 1 000 A, du moment que la décharge ne dure qu’une microseconde.
Si par contre vous touchez des fils électriques, la décharge est continue et le corps reçoit une grande quantité d’énergie (chaleur, ionisation au sein des cellules…) et ne survit pas.
Il y a donc trois facteur à prendre en compte :
- l’intensité
- la tension
- la durée d’exposition
L’ensemble de ces trois facteurs jouent sur l’énergie totale reçue. S’il manque un, il n’y a pas de danger :
- Pour un choc statique on a une haute tension et une haute intensité : c’est le temps d’exposition qui est limité.
- Pour une batterie de voiture, l’intensité peut atteindre 500 A durant plusieurs minutes. Mais la tension est limitée à 12 V. Vous pouvez donc toucher la batterie avec vos mains, ça ne vous fera rien.
- Une petite bobine Tesla à pile produit environ 25 000 V et durant un temps prolongé. On peut les toucher sans craindre d’être foudroyés, car l’intensité dans chaque arc est faible.
On peut faire un parallèle avec le danger thermique : une étincelle produite par une bougie d’anniversaire est très chaude : supérieur à 1 000 °C. Mais elle est également minuscule et ne véhicule que peu d’énergie. Par contre, un verre d’eau bouillante, bien que n’étant qu’à 100 °C, est beaucoup plus volumineux et contient suffisamment d’énergie pour vous brûler sévèrement.
On ne peut donc pas vraiment dire qu’un ou l’autre de la chaleur ou de la température est plus dangereuse : le tout est de savoir quelle quantité d’énergie thermique est réellement transmise à votre corps et à quelle vitesse.
« Danger haute tension ! »
Maintenant, si la tension n’est seule responsable du danger, on peut se demander pourquoi les panneaux indiquent « danger, haute tension » et non « danger, haute intensité ».
Avec de l’eau, si on place une pièce trouée sur une tuyau, moins d’eau va passer. Mais si on augmente la pression, l’eau passera plus rapidement dans le trou et le débit montera. Il arrivera un moment où la pression plus forte compense la diminution de la taille de passage et le débit sera rétabli. Si on suppose la taille du tuyau comme une constante, alors c’est bien la pression qui régule le débit.
Pour l’électricité, si on augmente la tension aux bornes de n’importe quel composant, l’intensité va monter. C’est la différence de potentiel — appelée tension — qui est responsable de l’apparition d’un courant. Le passage du courant correspond alors à un flot de charges électriques poussées par cette tension qui vont rééquilibrer le potentiel entre deux points.
On comprend que si la différence de potentiel est plus forte, les électrons sont poussées avec davantage de force. Même si on place un obstacle au courant — une résistance — cet obstacle ne suffit plus quand la tension est vraiment trop grande.
Il ne peut y avoir de courant sans tension, mais il peut y avoir une tension sans courant.
C’est la tension qui produit le courant, mais ça ne veut pas dire que c’est lui l’unique danger. Il est juste responsable de l’ensemble du phénomène électrique, dont une partie est dangereuse. D’où la notation « danger, haute tension ».
Note de fin
Attention cependant : ce que je dis ici est valable que pour les tensions continues.
Quand je dis qu’il faut 35 000 V pour produire un courant dangereux dans le corps, c’est en courant continu. Ma résistance corporelle est de 700 000 ohm en continu seulement.
Dès qu’on passe dans le domaine alternatif, la résistance électrique n’est plus la seule à prendre en compte. Il faut alors considérer son équivalent en alternatif : l’impédance. Ce dernier dépend de la capacité et de l’inductance du corps humain. Or, ces deux grandeurs ne sont pas nulles pour le corps humain.
Dès lors, le courant alternatif passe beaucoup plus facilement dans le corps humain, en particulier si sa fréquence est élevée. Ainsi, le courant dans une prise est du 230 V alternatif : ceci est très largement suffisant pour pénétrer dans le corps et y envoyer un courant fatal de plusieurs ampères.
En fait, en alternatif, même 50 volts peuvent être dangereux.
N’oubliez pas : vous pouvez toucher un condensateur chargé de 400 V sans trop de problèmes. Mais ne vous avisez pas de toucher des fils sous courant alternatif, même à « seulement » 50 volts.
Un peu plus haut je parlais des bobines Tesla : celles-ci produisent des courants alternatif de >50 000 V. Le courant produit traverse très largement le corps humain. L’astuce ici réside dans la nature d’une bobine Tesla, qui est un transformateur. Ce qu’il monte en tension, il le compense par une baisse en intensité. Donc même si la tension est très élevée, l’intensité ici est de l’ordre du microampère, ce qui est bien loin du seuil dangereux.
Enfin, concernant les impacts de foudre : certaines personnes survivent, mais il ne s’agit que de chance.
Généralement, il pleut lors d’un orage, donc on est déjà mouillé. Le courant électrique reste donc en surface de la peau, sans passer par les organes vitaux. Par contre, un éclair est très chaud et très lumineux : le simple flash vu à quelques mètres peut vous aveugler durant des jours et vous brûler sévèrement. Même à distance, les UV émis par un éclair peuvent vous brûler la peau.
Même sans être frappé par la foudre, ce dernier peut vous brûler ou vous irradier sévèrement.