Photo d’un mirage supérieur.

Cet article fait partie d’une série d’articles sur les phénomènes du folklore marin.
Bien que ce ne soit pas nécessaire pour comprendre cet article, je vous en conseille la lecture si le sujet vous intéresse :

Parmi tous les phénomènes marins qui sortent de l’ordinaire, le mirage est sûrement le plus connu.

Un mirage, c’est quand on voit quelque chose à une place où elle n’a rien à faire. Par exemple une montagne en pleine mer, ou un bateau dans le ciel.
Il ne s’agit pas d’une hallucination : le phénomène peut être vu par plusieurs personnes, ni d’une illusion d’optique, car il peut être photographié directement. Le phénomène est entièrement optique et physique.

C’est en mer que les mirages sont les plus courants, car la topologie du terrain, très plate, s’y prête à merveille, mais on en voit également sur la terre ferme.

D’ailleurs, vous en connaissez-un à coup sûr : l’effet de la « flaque d’eau » sur les routes en été, quand il fait très chaud, est un mirage. On parle ici d’un mirage inférieur, il se situe au niveau du sol, et donc en bas.
Si l’on observe des montagnes ou des navires dans le ciel, on parle de mirages supérieurs, car ils sont en l’air.

Mécanisme du mirage

Tout d’abord, une chose très importante : quand on voit un objet — quoi que ce soit et peu importe la situation — on voit en réalité la lumière que cet objet émet et qui arrive jusqu’à notre œil.

Ainsi, l’on voit une pièce de monnaie sur la table, car de la lumière du jour est renvoyée de la pièce vers l’œil. Pour cela, il faut évidemment qu’il n’y ait pas d’obstacle entre la pièce et nous. La lumière se déplaçant en ligne droite (pour une raison bien précise, expliquée dans mon article dédié), il doit donc y avoir un espace dégagé entre l’objet et vous. Sinon, évidemment, l’on ne voit pas la pièce.

Dans certains cas, une ligne droite n’est pas obligatoire, par exemple avec un miroir. Lorsque l’on regarde dans notre rétroviseur, il n’y a pas de ligne droite entre ce qu’on voit et nos yeux : la lumière se réfléchit sur le miroir et forme un angle (là aussi j’ai un article sur l’origine du phénomène).

Avec le miroir, même si les phénomènes sont, en soi, très complexes, il est suffisamment courant et observé depuis longtemps pour que ce soit plus considéré comme quelque chose d’extra-ordinaire.
Pourtant, lorsque l’on regarde une voiture dans son rétroviseur, on regarde ladite voiture à un endroit autre que là où elle se trouve en vrai.

De ce point de vue là, le miroir n’est donc pas bien différent d’un mirage : les deux phénomènes permettent en effet de voir quelque chose là où il n’est pas situé réellement.

La différence avec le miroir cependant c’est que pour le mirage, la lumière n’est pas déviée de façon directe et angulaire, mais de façon progressive et continue.

Le mirage ne fait pas intervenir de miroir, ni même le phénomène de réflexion. À la place, il utilise la réfraction : c’est ce phénomène qui fait que le rayon de lumière, habituellement rectiligne, est courbé quand il traverse des milieux transparents d’indices optiques différents (à nouveau, j’ai un article sur la réfraction).

Quels sont les différents milieux dans le cas d’un mirage ? Il s’agit de l’air, qui est de densité, de température, et donc d’indice de réfraction optique différent selon l’altitude.
En pleine mer, quand le temps est calme, l’air proche de la mer est moins chaud qu’en altitude. On peut donc considérer l’air comme un empilement de couches de température et d’indices de réfraction différents, de plus en plus élevé à l’approche de la surface de l’eau.

Il en résulte donc que les rayons lumineux sont peu à peu détournés vers le haut à chaque fois qu’ils passent dans une couche d’indice de réfraction différent. On dit ici que l’atmosphère possède un gradient d’indice : l’indice varie progressivement. À titre d’information, c’est aussi ce qu’on retrouve dans une fibre optique afin de guider le faisceau lumineux dans la fibre qui peut être courbée, ou enroulée

Bien-sûr, la température entre les différentes couches d’air varie lentement, et donc l’indice de réfraction également. Aussi, l’objet observé doit généralement être situé très loin pour que ses rayons soient déviés jusqu’à un observateur :

Principe du mirage.
Principe du mirage : la lumière semble provenir du ciel (et c’est là où le cerveau place le navire) alors qu’il est simplement dévié par la réfraction de l’air. (image)

En particulier, on parle véritablement de mirage quand l’objet du mirage se situe derrière l’horizon (donc au-delà de la courbure de la Terre) : il ne devrait pas être visible, mais est rendu visible seulement grâce au phénomène du mirage, et semble généralement « flotter » dans les airs, car c’est de là que les rayons lumineux semblent provenir.

Particularités d’une image mirage

Le mirage, en plus de sembler comme « flotter dans les airs », et à cause des fluctuations des différentes couches de l’air, du vent, des perturbations, mais aussi la distance, l’objet semblera presque systématiquement :

  • être grisâtre et transparent
  • flou, déformé, instable
  • apparaître ou disparaitre furtivement

On peut donc comprendre pourquoi les mirages ont la cote parmi les phénomènes marins surnaturels : leur vision est rapidement assimilée à un navire fantôme, comme le Hollandais Volant ou la Lady Lovibond.

Effet Novaya Zemlya

Plus haut, je mentionne que le mirage supérieur (celui observé en mer) provient de la lumière sous l’horizon qui monte puis est renvoyée vers vers l’observateur en contrebas. C’est ce qui permet de voir un navire sous l’horizon flotter dans les airs.

De façon opposée, de la lumière venant du ciel peut descendre sur un sol très chaud et être renvoyé vers le haut. Ceci permet de voir le reflet de l’environnement dans un effet de flaque d’eau sur les routes en été.

Bien-sûr, ces deux effets ont leur limites. Cependant, quand ils se combinent, la lumière peut monter puis descendre plusieurs fois de suite jusqu’à se rendre à un observateur situé très loin : la lumière est piégée entre deux couches d’inversion d’indice dans l’atmosphère, qui agit comme un guide d’ondes, comme une fibre optique.

On appelle cela l’effet Novaya Zemlya, et il permet de voir un mirage beaucoup plus loin que la normale, comme un coucher de Soleil alors que ce dernier devrait être couché depuis longtemps, très en dessous de la ligne d’horizon.

Cet effet tire son nom de l’île arctique de Nouvelle-Zemble, ou Но́вая Земля́ (« Novaïa Zemlia ») en russe, où les premiers explorateurs purent observer le Soleil alors qu’il devait déjà être environ 5° sous l’horizon.
Dans ces régions, très froides, les couches proches du sol et les couches en altitude sont très froides et peuvent piéger une couche d’air un peu plus douce, qui sert alors de guide d’ondes pour la lumière.

image d’en-tête de Jay Galvin

4 commentaires

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Juju écrit :

Voici donc le "Hollandais Volant" placé au sein d'un article: Bravo !

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Juju écrit :

Ceci dit, l'image semble être un mirage inférieur (Flaque d'eau sur le sable) mais ce pourrait être une montagne lointaine invisible, donc supérieure ?

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seb écrit :

Est ce que un mirage peut "cacher" quelque chose?
Par exemple sur la route, quand on voit un mirage, la plus part du temps c'est que la route n'est pas bien plate mais légèrement ondulée. Est ce que le mirage peu nous empêcher de voir la voiture qui se trouve dans le bas de l'ondulation suivante?
J'ose rarement doubler quand ça se produit de peur qu'une voiture surgisse du mirage au dernier moment.

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Le Hollandais Volant écrit :

@Juju : oui, c'est une montagne lointaine : on en voit bien le sommet, sans en voir la base, avec de l'air entre les deux.

@seb : oui, ça peut : tout comme on peut voir les rayons d'une montagne située loin, on peut aussi ne pas voir la même montagne si toute la lumière (qui normalement nous parvient) est envoyée ailleurs.

Les mirages accoustiques fonctionnent comme ça : le son aussi est dévié et on peut ne pas entendre une explosion si l'on est située à 50 km, mais l'entendre si l'on est situé à 100 km. Le son nous passe au dessus car dévié au dessus de nous.

Après, sur la route, c'est quand-même rare que l'effet soit prononcé de telle sorte que ça masque une partie de la circulation.


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