Il existe de nombreux poisons, aux modes d’action et à la puissance aussi variés qu’ils sont nombreux.
Tous sont des composés qui interfèrent chimiquement ou physiquement avec le fonctionnement de notre corps. Ainsi, le monoxyde de carbone par exemple, se fixe sur les globules rouges et empêche l’oxygène de circuler. Les neurotoxines quant à elles, inhibent les influx nerveux.
Concernant les poisons à l’action physique, citons certains venins de serpent qui provoquent la coagulation instantanée du sang (qui, devenu solide, ne circule plus), ou encore le polonium 210 : un radionucléide qui détruit les cellules en les bombardant de particules alpha.
En fonction de leur mode d’action, les poisons ne sont pas tous mortels : tout dépend de la dose.
La « dose létale »
On classe la puissance des poissons à l’aide de la notation « dose létale 50 % », ou « LD50 » : il s’agit de la quantité de poison nécessaire pour décimer 50 % d’une population d’individus. Pour simplifier, si on absorbe la dose létale 50 %, on a 50 % de risque de mourir avec cette dose.
Le cyanure par exemple, qui bloque la production d’ATP (la pile énergétique des cellules) au sein des cellules a une dose létale située entre 0,5 et 3,0 mg/kg. Pour un être humain de 50 kg, la LD50 va donc de 25 à 150 mg.
Pour info, un milligramme, c’est la masse d’un millimètre-cube d’eau. Une pincée de sucre ou de sel correspond donc à peu près à ce qu’il faudrait en cyanure pour vous tuer.
La caféine, elle, a une dose létale d’environ 192 mg/kg. Un être humain de 50 kg devrait donc absorber 9,6 grammes de caféine pure pour que les effets soit mortels la moitié du temps. Cela représente 4 à 6 litres d’expresso, ou encore 15 à 20 litres de café filtre.
L’eau a également une dose létale. Sur le rat, il s’agit de 90 g/kg. Si la dose pour l’être humain est similaire, alors il faudrait absorber rapidement environ 5 litres d’eau : l’absorption d’une telle quantité d’eau aurait pour effet de faire éclater les cellules et de diluer excessivement les électrolytes (sodium, potassium…), le tout pouvant provoquer la mort.
On notera que si vous buvez les 15 litres de café filtre précédents, vous serez probablement mort à cause de l’eau avant de mourir à cause du café.
Retenez que c’est la dose qui fait le poison : l’eau, le sel, le sucre sont essentiels à notre organisme qui ne peut s’en passer, mais une surconsommation peut également être fatale.
Le plus puissant des poisons…
Parlons maintenant d’un poison en particulier : la toxine botulique. Il est estimé qu’il suffit d’environ 1 à 2 ng/kg pour tuer un être humain par paralysie de tous les muscles, incluant donc le cœur et ceux responsables de la respiration.
Sa toxicité, exprimée en nanogrammes en fait effectivement le poison le plus puissant du monde : 50 ng suffisent pour tuer un être humain.
Autrement dit, 500 grammes seraient suffisants pour tuer 50 % de l’humanité toute entière (et laisser les survivants gravement malades). C’est plutôt puissant comme produit.
Cette masse — de 50 ng — est incroyablement faible.
Pour donner une idée, un nanogramme, c’est la masse d’un bout de papier ordinaire qui mesure 3 micromètres de côté. À ce niveau, l’épaisseur de la feuille est 30 fois plus importante que sa largeur et la profondeur.
Une masse de toxine botulique équivalente à celle d’un bout d’une feuille de papier aussi large que son épaisseur suffirait à tuer 15 personnes…
Une question vient alors : comment une si petite dose peut anéantir le fonctionnement d’un corps humain tout entier ?
La réponse est très simple, mais il faut se souvenir d’une chose : une toxine est une molécule, et une molécule c’est petit.
Vraiment petit.
À tel point que 50 ng de toxine botulique contiennent environ 400 milliards de molécules.
Le corps humain, lui, possède environ 100 milliards de cellules nerveuses. Or, la toxine botulique est une neurotoxine qui agit justement sur les cellules nerveuses. Dans une dose létale de toxine botulique, il y a donc assez de molécules pour interférer avec chaque cellule nerveuse de notre corps (d’autant plus que cette toxine résiste à la digestion).
Cette toxine est par ailleurs très grosse (150 000 g/mol — sa formule chimique est C6760H10447N1743O2010S32) : on comprend donc que quelques molécules suffisent pour empêcher un neurone de fonctionner.
Outre son mode de fonctionnement et sa taille, la principale chose qu’on a tendance à oublier c’est la taille des molécules, et surtout leur nombres. Si les protéines et autres toxines complexes sont grosses, les poisons comme le cyanure, le monoxyde de carbone et plein d’autres sont des molécules de taille classiques (2 ou 3 atomes).
Même quelques microgrammes de poison contient alors plus de molécules qu’il y a de cellules dans le corps humain. Par conséquent, selon le mode d’action ou d’absorption du poison, une très faible masse suffit pour dérégler totalement la mécanique chimique de notre corps.
… qui a tout de même des applications !
À l’instar des éléments radioactifs, que l’on peut faire fixer sur des cellules cancéreuses, pour qu’ils les détruisent de façon ciblée, la toxine botulique peut également servir dans le domaine médical.
En faible dose (devant la dose létale), elle sert comme antiride : en tant que poison il agit sur les terminaisons nerveuses et provoque le relâchement des muscles. C’est cette propriété qui est utilisée de façon très ciblée afin de relâcher certains muscles du visage et donc réduire les rides.
L’acide botulique donne son nom au botox, le produit commercial qui le contient, et à la bactérie qui la produit : Clostridium botulinum.
Cette dernière se développe dans le sol en milieu anaérobique (sans oxygène). Elle peut donc se développer dans les pots et conserves mal stérilisés. Cependant, la toxine est détruite lors de la cuisson : il convient donc de toujours faire bouillir le contenu d’une conserve avant de manger pour écarter tout danger d’intoxication.